La langue des signes résonne au conseil municipal de Victoriaville
Cathy Leblanc offre une interprétation en direct de toutes les séances du conseil depuis 2017.
Photo : Radio-Canada / Emy Lafortune
Même si elle compte moins de 50 000 habitants, Victoriaville ne laisse pas sa place face à de plus grandes métropoles sur le plan de l'accessibilité pour les personnes sourdes. Elle fait entre autres partie des rares municipalités au Québec à offrir l'interprétation en langue des signes en direct des séances du conseil municipal, une initiative qui va de soi pour la Ville et ses employés.
En juin 2015, l’interprète drummondvilloise Cathy Leblanc est invitée pour la première fois au conseil municipal de Victoriaville pour la Semaine québécoise des personnes handicapées.
Ça pourrait être [...] une pratique qui pourrait devenir courante par la suite
, avait alors lancé le maire de l’époque, Alain Rayes.
À la fin, le maire Rayes avait interpellé la personne responsable de l'accessibilité universelle et lui avait dit : "je pense qu'on est capable de répéter cette expérience-là souvent"
, renchérit l'interprète.
Il avait raison. Cathy Leblanc a été réinvitée deux années de suite en décembre pour la Journée internationale des personnes handicapées. Elle a ensuite commencé, en 2017, à offrir une interprétation en langue des signes en direct de toutes les séances du conseil, ce qui reste rare au Québec. Au fil des ans, on lui a aussi demandé d'interpréter des séances spéciales et des soupers du maire.
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Ça permet aux gens d'avoir accès aux décisions qui sont prises dans leur ville. C'est vraiment quelque chose qui les touche, qui les concerne.
La diffusion de la séance du conseil municipal en langue des signes est aussi offerte en ligne.
Photo : Capture d'écran/ Youtube de la Ville de Victoriaville
Suggestion de la communauté
L’idée d’offrir un tel service venait directement de la communauté, qui s'est exprimée lors d’une consultation publique globale pour l’accessibilité organisée en 2014. Selon l'association qui représente plus d'une cinquantaine de personnes sourdes et malentendantes dans la région, l'interprétation change la donne, bien plus que du sous-titrage.
En langue des signes, le président de l'Association de la surdité du Centre-du-Québec, Jeannot Gobeil, souligne l'importance de telles initiatives. Ils sont contents. Ils aiment avoir l'interprète ici, ils disent "on apprend des choses, c'est intéressant".
Quand on regarde les sous-titres, les phrases en français, pour nous, c'est plus difficile. Je comprends un peu, mais je n'ai pas un français qui est parfait. [...] Quand on a l'interprète dans notre langue, on comprend beaucoup mieux
, renchérit la secrétaire de l’association, Nancy Paquet.
Quand on a l'interprète qui est présente, c'est beaucoup plus clair, beaucoup plus facile à comprendre.
Un travail d’équipe
Tout le monde met aujourd'hui la main à la pâte pour faciliter l'interprétation en direct. De gauche à droite en arrière : le président et la secrétaire de l'Association de la surdité du Centre-du-Québec Jeannot Gobeil et Nancy Paquet et l'interprète Cathy Leblanc. Le technicien en accessibilité universelle à la Ville de Victoriaville, Denis Laliberté, est en avant.
Photo : Radio-Canada / Emy Lafortune
Tout le monde met aujourd'hui la main à la pâte pour faciliter cette interprétation en direct.
Le directeur général et le maire se sont adaptés, car il faut ralentir un peu le rythme [de parole]. Si on parle de dérogation et on nomme des numéros longs ou des budgets, il faut ralentir le rythme pour que l’interprète soit capable de suivre la rencontre
, souligne notamment le technicien en accessibilité universelle à Victoriaville, Denis Laliberté.
Ce dernier, qui travaille à améliorer l’accessibilité dans la municipalité depuis près d’une décennie, utilise lui-même un fauteuil roulant depuis 27 ans à la suite d’un accident.
Nous, maintenant, on trouve ça normal.
Un petit 5000 $ qui permet de grandes choses
[L'accessibilité], ça fait partie, on dirait, de l'ADN de la Ville depuis très longtemps
, ajoute le réalisateur à la télévision communautaire des Bois-Francs, Claude Morin.
Denis Laliberté fait par ailleurs remarquer qu'à l'extérieur du Québec ou en situation d’urgence, les diffusions avec interprétation en simultané représentent souvent la norme. Les conférences de presse liées à la COVID-19 étaient par exemple souvent interprétées en direct.
D'autant plus qu'au total, l'initiative ne coûte environ que 5000 $ par année. Sur un budget total de 120 M$, ce n'est pas si énorme pour aller chercher une partie de la communauté qui n'aurait pas accès à cette information-là si la langue des signes n’était pas là
, estime-t-il.
La salle du conseil est aussi dotée d’une boucle d’induction, grâce à laquelle il est possible de transmettre ce qui est dit directement aux implants cochléaires et aux appareils auditifs. Ça permet aux gens d'entendre plus clairement, comme si le son arrivait directement à l'appareil au lieu d'avoir un petit bruit ambiant qu’il y a habituellement dans les salles
, précise le technicien en accessibilité.
Comme l'indique cette affiche, la salle du conseil est équipée d'un système d'aide à l'audition pour les personnes malentendantes.
Photo : Radio-Canada / Emy Lafortune
Tout le monde y gagne
Au-delà de la langue des signes, Victoriaville travaille depuis plusieurs décennies pour améliorer son accessibilité.
C'est rendu dans les mœurs, comme normal. S'il y a une bâtisse qui va se bâtir, automatiquement, ils vont venir consulter l'équipe d'accessibilité et dire : "on veut être sûr qu'on est sur la coche"
, soutient Denis Laliberté.
En tant que technicien en accessibilité et grand sportif, il met entre autres beaucoup d’énergie à promouvoir le sport et les loisirs pour tous. La Ville compte déjà plus d’une vingtaine d’équipements sportifs adaptés, allant des fauteuils roulants sportifs aux kayaks adaptés à la lugiglace, qui permet aux personnes en fauteuil roulant d’avoir accès aux patinoires.
Et le travail de la municipalité continue, parce que tout le monde peut y gagner.
Il faut que tous les citoyens soient biens dans leur ville, et ça comprend aussi le 15 % de personnes handicapées.
Par exemple, dans ce cas, la communauté sourde suit l'information municipale. [...] On ne peut pas leur demander de s'impliquer dans la communauté s'ils ne savent pas ce qui se passe. C'est de même dans toutes les sphères.