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18 000 $ pour réparer un véhicule électrique : les assureurs augmenteront-ils leurs prix?

Une voiture dont l'aile avant droite a été endommagée.

Benjamin Vassalle a endommagé l'aile avant droite de son véhicule électrique en janvier dernier.

Photo : Gracieuseté de Benjamin Vassalle

Lorsque Benjamin Vassalle a percuté un cerf avec sa voiture électrique en janvier dernier, jamais il n’envisageait que la réparation puisse durer deux mois et que la facture s'élèverait à des dizaines de milliers de dollars pour son assureur.

Le choc a été plutôt correct, mais c'est vrai que l'avant de la voiture était endommagé, les phares [également], explique le résident de la région du Niagara.

L'aile avant droite d'une voiture endommagée.

Benjamin Vassalle estimait que les dommages à son véhicule étaient somme toute assez limités.

Photo : Gracieuseté de Benjamin Vassalle

Son assureur lui a d’abord demandé de faire remorquer son véhicule chez un garagiste indépendant à St. Catharines, aux abords du lac Ontario.

Le garagiste ne comprenait pas pourquoi ils avaient reçu cette voiture, relate M. Vassalle. Il n’avait pas les pièces et il ne pouvait pas les commander non plus.

Seuls les mécaniciens de Tesla pouvaient réparer le véhicule. Après plus d’une semaine sous la neige, la voiture endommagée a été envoyée à l’atelier le plus proche, à Oakville, en banlieue de Toronto.

Une voiture Tesla devant un atelier du constructeur automobile.

La voiture de Benjamin Vassalle a été réparée dans un atelier Tesla à Oakville en Ontario.

Photo : Radio-Canada / Philippe de Montigny

Bien qu’elle ait duré plusieurs semaines, la réparation chez le fabricant s’est déroulée sans mauvaises surprises, reconnaît le propriétaire d’une Model 3.

La facture, qui s’élève à plus de 18 000 $, le laisse toutefois perplexe.

Quand on a reçu le compte rendu de l’intervention, c'est là qu’on a dit : "Wow, c'est salé!"

Une citation de Benjamin Vassalle, propriétaire d’une Tesla Model 3

L'assureur a pris [la facture] en charge, mais on avait juste un problème de pare-chocs. On ne s'attendait pas à ce que ça coûte autant en réparation, soutient M. Vassalle.

Benjamin Vassalle dans sa voiture.

Benjamin Vassalle est propriétaire d'un véhicule Tesla Model 3.

Photo : Radio-Canada / Pelin Sidki

Au total, une soixantaine de pièces ont été réparées ou remplacées. Même le pare-brise, qui ne semblait pas endommagé par l’accident, a été changé.

L’assureur a par ailleurs remboursé les 2000 $ que M. Vassalle avait dû débourser pour faire remorquer la voiture après l’accident, en plus de lui fournir un véhicule de location durant la réparation.

Quand on voit le compte rendu d'intervention et le prix que ça a coûté à l'assurance, on se demande si on va avoir des augmentations [de prix] qui vont arriver, se questionne l’automobiliste qui débourse déjà plus de 500 $ par mois pour assurer son véhicule.

Des primes qui risquent d’augmenter

Un récent rapport de la firme Morningstar DBRS n’a rien pour apaiser les craintes de l’Ontarien.

Les assureurs devront ajuster leurs modèles de tarification à mesure que davantage de réclamations liées à des véhicules électriques sont générées, peut-on lire dans le document paru à la mi-février.

Cela pourrait entraîner des augmentations de tarifs en partie en raison du prix plus élevé des véhicules électriques et en partie parce qu’ils sont plus coûteux à réparer, ajoute l’agence de notation financière.

Une voiture Tesla endommagée.

L’agence de notation financière Morningstar DBRS s'attend à ce que les assureurs canadiens augmentent leurs primes d'assurance pour les véhicules électriques dans les prochaines années, notamment en raison des coûts élevés de réparation.

Photo : Radio-Canada / Philippe de Montigny

Les variations de prix observées dans les pays où les voitures électriques sont plus populaires peuvent servir d’indicateur des tendances à venir au Canada, juge Morningstar DBRS.

Au Royaume-Uni, par exemple, les primes d’assurance pour les véhicules électriques ont bondi de 72 % l’an dernier, contre 29 % pour les voitures à combustion, selon les données du comparateur d’assurance britannique Confused.com.

Ça n’arrivera pas au Canada, tempère toutefois Victor Adesanya, l’un des auteurs du rapport, en entrevue avec Radio-Canada.

Nous aurons des augmentations de prix, mais pas des chocs. Et la raison, c’est que [l’industrie de l’assurance] est réglementée au Canada, ajoute le vice-président assurance du groupe chargé d’analyser les institutions financières mondiales à Morningstar DBRS.

Portrait de Victor Adesanya.

Victor Adesanya estime que la réglementation de l'industrie des assurances limitera les augmentations tarifaires.

Photo : Radio-Canada / Yanick Lepage

À travers le pays, les autorités financières provinciales doivent approuver les demandes d’augmentation de prix formulées par les assureurs chaque année, un système qui permet de stabiliser les hausses, selon M. Adesanya

Rob de Pruis, du Bureau d'assurance du Canada (BAC), soutient pourtant que les coûts de réparation élevés des véhicules électriques mettent déjà une pression sur les assureurs.

On travaille avec de nombreuses associations de constructeurs automobiles pour essayer de [...] réduire le coût des réclamations, explique le directeur national des relations avec les consommateurs et l'industrie du BAC.

Il admet toutefois que les assureurs ont peu d’influence sur les fabricants et que pour l’instant, il n’existe pas de solution facile.

Des véhicules difficiles à réparer

Les véhicules à combustion interne ont plusieurs milliers de pièces. En comparaison, les véhicules électriques en ont beaucoup moins, mais elles sont très coûteuses, remarque Colin Simpson, le doyen du Centre d’apprentissage continu du Collège George Brown.

La batterie principale peut à elle seule coûter 20 000 $ à remplacer, note-t-il.

Très peu de mécaniciens ont par ailleurs les compétences nécessaires pour réparer ces véhicules, observe M. Simpson. Ces compétences sont pour l’instant concentrées dans les ateliers des constructeurs automobiles.

Portrait de Colin Simpson.

Colin Simpson est le doyen du Centre d’apprentissage continu du Collège George Brown.

Photo : Radio-Canada / Yanick Lepage

Si quelqu’un a un problème avec sa Tesla ou sa Nissan, par exemple, il retourne généralement chez le concessionnaire. Mais à mesure que ces véhicules électriques vieillissent et qu’ils ne sont plus protégés par la garantie, ça peut devenir prohibitif d’amener le véhicule chez le concessionnaire, souligne l’ingénieur de formation.

Le Collège George Brown offre depuis l’automne 2022 un programme de formation à distance pour apprendre à réparer des véhicules électriques.

Près de 700 étudiants de partout dans le monde y sont actuellement inscrits.

Un modèle de voiture électrique.

Le programme de formation du Collège George Brown attire des étudiants de plusieurs horizons, selon Colin Simpson.

Photo : Gracieuseté de Colin Simpson

Pour l’instant, M. Simpson estime que son programme est unique, mais il s’attend à ce que de telles formations deviennent de plus en plus répandues dans les années à venir.

À terme, l’élargissement du bassin de travailleurs qualifiés pourrait réduire les coûts de réparation des véhicules électriques, estime le doyen du Centre d’apprentissage continu du collège torontois.

Certaines caractéristiques des voitures électriques continueront toutefois de les rendre dispendieuses à réparer, selon lui.

Il note par exemple le poids des véhicules qui aggrave les dommages en cas d’accident. Leur construction monocoque les rend également beaucoup plus difficiles à réaligner, et plus susceptibles d’être irréparables après une collision.

Ça ne fait aucun doute, ce sont des véhicules difficiles à réparer.

Une citation de Colin Simpson, doyen du Centre d’apprentissage continu du Collège George Brown

Si, pour l’instant, l’autonomie des véhicules électriques et le manque de bornes de recharge demeurent les principales préoccupations des automobilistes, les coûts de réparation et le prix des assurances qui en découlent pourraient devenir un frein pour l’adoption de ces voitures, estime M. Simpson.

Le compte à rebours est pourtant lancé, alors qu’Ottawa s’est engagé à ce que tous les véhicules commercialisés au pays soient électriques d’ici 2035.

Un court délai

M. Adesanya de Morningstar DBRS estime peu probable que le montant des primes d’assurance pour véhicules électriques soit complètement stabilisé à l'intérieur d’une décennie.

C’est un court délai, juge-t-il, ajoutant que les assureurs auront besoin de beaucoup de données de réclamation pour fixer adéquatement leurs tarifs.

De son côté, le Bureau d'assurance du Canada, qui représente l’industrie, craint que les gouvernements provinciaux plafonnent les augmentations de prix pour ne pas freiner l’achat de véhicules électriques.

Si [les assureurs] ne peuvent pas facturer les prix appropriés, vous créez essentiellement une bulle où les frais de réparation s'accumulent dans le système, explique M. de Pruis.

Selon lui, une intervention trop importante des gouvernements pourrait inciter les assureurs à refiler la facture aux conducteurs de véhicules à combustion, une opinion que partage M. Adesanya.

C’est possible qu’indirectement [les autres conducteurs] subventionnent les assurances pour véhicules électriques, estime-t-il.

D’ici à ce que le marché se soit stabilisé, l’expert de Morningstar DBRS invite les acheteurs de véhicules électriques à demander une estimation à plusieurs assureurs, puisque les primes peuvent varier considérablement.

Pour l’instant, M. Vassalle accepte pour sa part de débourser plus pour assurer sa voiture Tesla Model 3.

C'est un gros jouet, lance l’automobiliste, mais c'est vrai que les assurances sont très chères, et je pense que ça décourage les gens de manière générale d'acheter des voitures électriques.

Avec des informations de Philippe de Montigny

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