•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Pourquoi l’A-20 entre Rimouski et Mont-Joli n’a-t-elle que deux voies?

Certains tronçons de l'autoroute 20 ont vu leur achalandage doubler en plus de 20 ans.

Un tronçon d'autoroute qui compte deux voies, l'hiver.

Plusieurs voix s'élèvent dans la région pour élargir le tronçon de l'autoroute 20 entre Rimouski et Mont-Joli, où plus de 10 000 véhicules circulent quotidiennement sur certains tronçons.

Photo : Radio-Canada / Sébastien Ross

Le tronçon de l’autoroute 20 entre Rimouski et Mont-Joli continue de faire l’objet d’âpres débats dans la région. L’artère a été le théâtre d’une vingtaine d'accidents mortels dans les 20 dernières années et, chaque fois, l'aspect de la sécurité refait surface. Une question revient ainsi ponctuellement : pourquoi l’autoroute 20 entre Rimouski et Mont-Joli, qui voit circuler en moyenne 11 000 véhicules quotidiennement en été, ne compte qu’une chaussée?

Le fait qu'on appelle ça une autoroute, ça donne un faux sentiment de sécurité, tranche Pascal Bérubé. Le député péquiste de Matane–Matapédia parraine une pétition pour réclamer l'élargissement de l’autoroute 20 dans le secteur. La pétition a obtenu près de 10 000 signatures – l'objectif –, ce qui en ferait une des plus importantes qui se retrouvent sur le site de l'Assemblée nationale depuis que la CAQ est au pouvoir, affirme l’élu.

Pascal Bérubé en point de presse à l'Assemblée nationale.

Pascal Bérubé se targue d'avoir obtenu plus de 9 000 signatures pour la pétition qu'il parraine et qui vise à réclamer la bonification de l'autoroute 20, entre Mont-Joli et Rimouski. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Comme, à terme, les travaux vont aller de Trois-Pistoles à Mont-Joli, il n'y a rien qui empêche le ministère des Transports de commencer dès maintenant, dans le sens inverse, les travaux, croit Pascal Bérubé. Pour lui, le fait de construire une seule chaussée d’autoroute 20 pour desservir la région de Rimouski était une erreur du ministère des Transports.

La solution, c'est quatre voies, deux dans un sens, deux dans l'autre, avec un terre-plein entre les deux. Ça s'appelle comme ça, c'est une autoroute! Sinon, ce n'est pas le cas, c'est une voie de contournement, et c'est exactement ce qu'on retrouve entre Mont-Joli et Bic.

Une citation de Pascal Bérubé, député péquiste de Matane–Matapédia

L'autoroute 20 au Bas-Saint-Laurent, un chantier sinueux

Consulter le dossier complet

Fin de l'autoroute 20 à Notre-Dame-des-Neiges. Un panneau indicateur annonce la route 132 vers Trois-Pistoles et Rimouski.

À cette pétition s'ajoutent des voix d'élus régionaux de Rimouski à Amqui, en passant par La Mitis, exigeant aussi une autoroute à quatre voies entre Rimouski et Mont-Joli, au nom de la sécurité routière. On ne compte aucune voie de dépassement sur 25 kilomètres entre le district Pointe-au-Père et Mont-Joli.

Des documents d'il y a 40 ans témoignant du processus décisionnel qui a mené à l’aménagement de l’artère que Radio-Canada a consultés jettent un nouvel éclairage sur les raisons qui ont poussé le MTQ à ne construire qu’une chaussée, à l'époque.

La phase manquante

Dans les années 1980, au moment où Québec finalise les études qui mèneront à la construction de l’autoroute 20 de Bic à Rimouski, la construction d’une chaussée comptant deux voies était considérée comme une première phase du prolongement de l’autoroute 20. Le ministère des Transports prévoyait qu’à long terme, on aura[it] la construction de la deuxième chaussée, laquelle serait construite au nord de la voie existante.

Capture d'écran d'un document d'étude environnementale.

Il faut remonter à plus 40 ans pour revenir aux origines de l'autoroute 20 à une chaussée et deux voies, dans le secteur.

Photo : Capture d'écran / Ministère des Transports

L’option d’une autoroute à quatre voies a bel et bien été analysée lors de l’étude du projet, mais le Ministère a prévu que la construction d’une chaussée à deux voies suffisait. Selon le gouvernement, cette configuration pouvait répondre aux besoins pendant 20 ans . [La décision] a reposé sur plusieurs critères, entre autres le contexte socioéconomique régional de l'époque, les débits de circulation et les prévisions de croissance à ce moment-là, explique Jean-Philippe Langlais, porte-parole du ministère des Transports.

Toutefois, le Ministère prévoyait que l’artère pourrait s'ajuster à toute hausse de circulation dans l'avenir par l'addition d'une deuxième chaussée.

Il faut dire que la construction d'une autoroute à une chaussée constituait déjà, à ce moment, un avantage en matière de sécurité routière et de protection des usagers les plus vulnérables, nuance Jean-Philippe Langlais.

Un tronçon à deux voies de l'autoroute 20, l'hiver.

Certains tronçons de l'autoroute 20 comportent des voies de dépassement, alors que d'autres, comme celui entre Pointe-au-Père et Mont-Joli, n'en compte aucune sur 25 kilomètres. Le trafic relatif au transport lourd n'était pas assez dense sur ce tronçon pour justifier des voies de dépassement, explique le MTQ.

Photo : Radio-Canada / Sébastien Ross

Un lien autoroutier, même à une chaussée, permet d'éliminer plusieurs causes d'accidents.

Une citation de Jean-Philippe Langlais, porte-parole du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD)

Cette seconde chaussée faisait donc l’objet, initialement, d’une phase subséquente. L'incidence de la construction de cette phase avaient même été brièvement étudiés, lesquels n’auraient occasionné que des impacts mineurs pour quelques résidences isolées, évoquait le MTQ. De même, l’aménagement de cette première phase permettait l’ajout d’une nouvelle chaussée.

C'est une méthode fréquemment adoptée par Québec, confirme Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal. Quand le MTQ va faire ses réserves pour être capable de développer son réseau, il va prendre des emprises généralement très larges, et quand on va construire les viaducs qui vont passer par-dessus l'autoroute, on va généralement les projeter sur des élargissements potentiels.

Tronçon à deux voies de l'autoroute 20, l'hiver.

L'emprise existante serait suffisamment large pour accueillir une seconde chaussée, selon Jean-Philippe Meloche.

Photo : Radio-Canada / Sébastien Ross

On essaie d'éviter d'avoir à exproprier dans vingt ans, s'il faut élargir. Donc, l'emprise est là, les infrastructures sont déjà prêtes à recevoir [la chaussée], croit le professeur, qui fait observer que le projet a été planifié sur le très long terme.

Les terrains sont déjà disponibles, acquiesce Pascal Bérubé. C'est prévu comme ça!

Il y a plusieurs options qui sont sur la table, mais c'est certain que l'autoroute à deux voies séparées par un terre-plein au centre, c'est la formule la plus sécuritaire qui va permettre d'éviter toute forme de collision et qui va minimiser les accidents, explique Jean-Philippe Meloche.

Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Photo : Jean-Philippe Meloche

Après, est-ce que dans l'ensemble des travaux qui requièrent des fonds publics au Québec à l'heure actuelle, améliorer l'autoroute 20 est le projet qui va nous rapporter le plus par dollar investi? C'est là, peut-être, qu'il y a un gros point d'interrogation.

Une citation de Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal

Une question, estime-t-il, à laquelle doit répondre la ministre des Transports Geneviève Guilbault. D'où l'intérêt, selon lui, d'étudier la question de la sécurité routière sur l'artère, où 1203 accidents sont survenus entre 2004 et 2022, dont 25 mortels.

Ces accidents sont, dans la majorité des cas, explique Jean-Philippe Langlais du MTQ, dus à des facteurs humains. On surveille la situation et, évidemment, s'il y a des correctifs qui s'imposent, le Ministère prend les moyens nécessaires.

Mais une chose est néanmoins certaine pour le professeur Meloche : L'asphalte, ça a toujours eu un côté politique très fort.

L'achalandage en hausse sur le tronçon

Le préambule de la pétition réclamant l’élargissement de l’A-20 rappelle que l’autoroute est plus achalandée que d’autres axes routiers qui comptent pourtant quatre voies, comme la route 175 traversant le parc des Laurentides et, à terme, l’autoroute 85 dans le Témiscouata. La pétition rappelle que le débit journalier moyen annuel (DJMA) y atteint respectivement 5600 et 7100.

Circulation sur la route 175 enneigée.

En 2022, il a circulé en moyenne 5825 véhicules quotidiennement sur l'autoroute à quatre voies qui traverse la réserve faunique des Laurentides, entre Stoneham, dans la région de Québec, et le Saguenay. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Vicky Boutin

Sans grande surprise, depuis la construction de l'A-20 à l'est du Bic, l'achalandage a augmenté de manière importante sur l'artère. Entre Rimouski-Est et Saint-Anaclet-de-Lessard, l'artère est passée d'un DJMA de 2680 en 2000 à 9600 en 2022 : une hausse de 258 %.

Le tronçon entre la route 132 et la montée des Saules a vu 132 % plus de véhicules circuler de 1995 à 2022. Entre la montée des Saules et la route 232, le tronçon le plus achalandé de l'autoroute 20 entre Rimouski et Mont-Joli, il circule 111 % plus de véhicules pour la même période.

Au moment de l'élaboration du projet, assure le MTQ, les prévisions de croissance pour les prochaines années suivant la mise en service d'un tronçon sont prises en compte par les autorités. Jean-Philippe Langlais cite en exemple les travaux du BAPE pour le tronçon entre Sainte-Luce et Mont-Joli, qui calculaient que l'artère verrait circuler une moyenne de 8252 véhicules en 2008. Dans la réalité, pour l'année 2022, le DJMA sur ce tronçon était de 8100, ce qui est en deçà de la prévision à l'époque.

Au moment d'écrire ces lignes, nous n'avons pu obtenir du Ministère une précision quant au débit journalier moyen annuel nécessaire sur une autoroute pour justifier la construction de quatre voies.

Des élus découpent un ruban.

Inauguration du tronçon de l'autoroute 20 entre Rimouski et Pointe-au-Père, en présence du ministre des Transports Guy Chevrette et la députée de Rimouski Solange Charest, en 1999. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Il y a des enjeux dans l'Est-du-Québec, c'est-à-dire qu'il y a une croissance démographique et économique qui a été plutôt faible dans le dernier 40 ans, c'est peut-être moins vrai aujourd'hui parce que l'économie est plus dynamique, la croissance démographique est peut-être plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était, remarque Jean-Philippe Meloche.

L'élargissement toujours pas justifié, selon le ministère

De passage dans la région en novembre dernier au sujet du prolongement de l'autoroute 20 dans le Bas-Saint-Laurent, la ministre des Transports a fermé la porte à un élargissement du tronçon entre Rimouski et Mont-Joli, prétextant qu'aucune recommandation du coroner n'avait été formulée en ce sens à ce jour.

Je dis toujours qu'il ne faut jamais dire jamais, a-t-elle par la suite nuancé. Par un funeste hasard, un accident mortel a eu lieu quelques heures plus tôt sur le tronçon, emportant la vie d'une femme de 28 ans.

Des médias devant la vice-première ministre.

Le passage de la vice-première ministre et ministre des Transports, Geneviève Guilbault, n'est pas passé inaperçu à Trois-Pistoles, où plusieurs manifestants l'ont accueillie. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Édouard Beaudoin

Mais à en croire les souhaits du ministère des Transports dans les années 1980, la réalisation de cette seconde chaussée semblait acquise et n'être qu'une question de temps.

Moi, j'ai les recommandations des familles des personnes disparues, rétorque Pascal Bérubé. On voit bien que les accidents sont créés sur ce tronçon. Et s'il y a un problème, bien réglons-le.

Par écrit, le cabinet de la ministre Guilbault réitère que les données actuelles ne justifient pas, pour le moment, l'élargissement de l'autoroute 20 dans le secteur. Toutefois, chaque accident est un accident de trop, poursuit-il. C’est pourquoi les ministres Guilbault et Blanchette Vézina prévoient tenir une rencontre avec le MTMD et les élus locaux afin d’entendre leurs préoccupations et discuter des solutions possibles pour améliorer la sécurité routière.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Bas Saint Laurent

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Bas Saint Laurent.