Camille Dépatie s’est fait approcher sur instagram par une artiste. Cette dernière a complimenté Camille sur une de ses photos de profil. Elle lui a même offert une compensation de 300 dollars pour avoir le droit d'utiliser cette photo pour en faire une œuvre d’art pour un client mystère. L’artiste lui a promis de lui envoyer un chèque aux coordonnées que Camille lui donnerait.

Bref, 300 dollars pour être une muse virtuelle! Sans lever le petit doigt… Trop beau pour être vrai, se disait Camille. Elle a décliné.

Et Camille a bien fait d’écouter sa petite voix.

Le Centre antifraude du Canada et la Clinique de cyber-criminologie de l’Université de Montréal le confirment : la proposition faite à Camille est bel et bien une fraude.

Au sud de la frontière, cette variante est dénoncée sur les forums américains comme Reddit. On l’appelle même « the Muse Scam », l’arnaque de la muse, ou la fraude de l'artiste. Et on y décrit une proposition presque en tous points pareille à celle que Camille a reçue.

Et ce genre de proposition commence à être répertoriée au Canada. Le Centre antifraude a d’ailleurs reçu 20 signalements pour la fraude de l'artiste en 2023. De ce nombre, 13 personnes sont tombées dans le piège et chacune a perdu en moyenne... près de 2500 $.

La fraude de l'artiste, c’est une variante d’une fraude très connue et répertoriée depuis longtemps : la fraude du chèque. Au coeur de cette fraude, le même stratagème : le présumé fraudeur vous envoie un chèque beaucoup plus élevé que le montant promis et vous explique pourquoi il a besoin d'aide pour l'encaisser. Dans le cas d’un scénario de l’artiste, par exemple, le fameux client mystère vous aurait envoyé par erreur le chèque qui était destiné à l’artiste pour couvrir non seulement les droits de la photos, mais aussi son matériel de peinture et son travail. Le présumé artiste vous demande donc de déposer le chèque, puis de lui remettre une partie des fonds qui lui reviennent. Son but est de vous pousser à lui envoyer ces fonds avant que votre institution financière vous informe que le chèque envoyé à la base est un faux.

La fraude du chèque fait partie de la catégorie générale de la fraude à l’emploi. On vous promet de l'argent pour être un client mystère, un préposé au contrôle de la qualité, un adjoint personnel, etc. Ou encore on vous fait miroiter de 300 $ à 500 $ par semaine si vous habillez votre véhicule avec le logo d'une « compagnie ». Pour cette grande catégorie de la fraude à l'emploi, le Centre antifraude a compilé 2700 signalements en 2023, soit des pertes de plus de 27 millions de dollars. Parfois, le paiement est effectué autrement que par chèque, mais il est tout aussi faux.

« Les plaintes de fraude à l'emploi que nous recevons présentement concernent les offres d'emploi à distance affichées sur les médias sociaux », confirme le directeur des opérations de la Clinique de cyber-criminologie, Akim Laniel-Lanani. « Elles consistent en un dépôt initial demandé, suivi d'une série de tâches apparemment simples (cliquer sur un bouton) pour faire la promotion d'applications mobiles, d'expériences de voyages ou générer des avis pour des hôtels. Chaque clic rapproche la victime de sa commission, mais le système est conçu pour la plonger dans un déficit. Des tâches, dont le coût dépasse l'investissement initial, crée un solde négatif, forçant les victimes à injecter encore plus d'argent, avec la promesse d'être payé ou de retirer les fonds, toujours hors de portée. »

Des conseils :

• soyez vigilant si on vous demande vos informations bancaires en prétextant que c’est pour la sécurité ;
• faites vos vérifications si on vous demande d’encaisser un chèque et de remettre une partie des fonds par la suite ;
• pour les mêmes raisons, si vous doutez de la légitimité de l’entreprise, faites des recherches sur celle-ci avant de postuler. Vous pouvez même contacter directement la compagnie ;
• si l’offre est trop intéressante pour être réelle, vous avez sûrement raison. Ne répondez pas à l’offre, c’est probablement une fraude ;
• rapportez la fraude.

Journaliste : François Sanche
Journaliste à la recherche : Isabelle Roberge