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Quand Québec et Montréal vibraient au rythme de la crosse professionnelle

Robert Bleau espère toujours voir la bannière du championnat de 1975 être hissée au Centre Vidéotron.

Des joueurs regardent l'action du banc.

Un match Caribous contre Québécois, présenté au forum en 1975.

Photo : AFP / Radio-Canada

La crosse professionnelle effectue son retour au Québec vendredi, avec un match à la Place Bell de Laval entre le Rock de Toronto et le Riptide de New York. Cette apparition éclair pourrait réinitier un intérêt pour ce sport, qui a déjà attiré les foules autant à Montréal qu’à Québec.

La crosse a bel et bien vécu son heure de gloire dans les années 1970 à travers toute la province. Dans la défunte National Lacrosse League, l’ancêtre spirituel du circuit actuel, on retrouvait non seulement une équipe à Montréal, mais aussi une à Québec.

Et les deux clubs se sont affrontés en grande finale, en 1975, à l’apogée d’une rivalité qui a un peu sombré dans l’oubli.

Les gens oublient ça, mais on a été la première équipe professionnelle à remporter un championnat à Québec en plus de 60 ans, indique Robert Bleau, qui évoluait pour les Caribous, l'équipe championne de la saison 1975. Québec était en liesse. On se faisait arrêter dans la rue pour des autographes, on remplissait le Colisée, presque autant que Guy Lafleur allait le faire.

En raison de soucis financiers, la formation a toutefois cessé ses activités quelques jours après sa conquête et la bannière commémorant le championnat n’a jamais été hissée au sommet du Colisée de Québec. Ça me désole, ça m’attriste énormément, témoigne l’ancien no 16 des Caribous. C’est quoi qui reste? C’est quoi l’héritage? Et c’est quoi l’avenir de la crosse au Québec?

L'occasion de relancer le sport

Le Rock et le Riptide, qui seront de passage à Laval vendredi, jouent dans la Ligue nationale de crosse (NLL). Ce circuit fondé en 1986 regroupe maintenant 15 formations, dont 5 au Canada.

Calgary, Halifax, Toronto, Saskatoon et Vancouver attirent régulièrement près de 10 000 spectateurs à leurs matchs. Une majorité de joueurs sont de nationalité canadienne et le sport a des racines profondes au Québec. C’est d’ailleurs à Montréal que le sport, d’origine autochtone, a été codifié, rappelle l'historien spécialiste du sport Daniel Ferland.

C’est à Montréal que la crosse moderne fut inventée, par un dentiste de l’époque du nom de William George Beers, indique l’auteur du livre Le jeu de la crosse à Montréal au XIXe siècle. C'était aussi un athlète, et il a créé une brochure qui établissait les règles fondamentales de ce qui allait devenir la crosse moderne.

Un joueur saute pour célébrer un but devant des partisans conquis.

Les matchs du Rush de la Saskatchewan attirent plus de 8000 spectateurs par match cette saison.

Photo : The Canadian Press / Liam Richards

La province représente donc un marché intéressant pour la NLL, vers une éventuelle expansion. Le président de la Fédération québécoise de crosse, Steve Veilleux, explique que ce match de saison à la Place Bell représente un ballon d’essai pour la ligue.

Ils viennent clairement prendre le pouls, oui. Ils nous l’ont dit : ‘‘On vient tester le marché’’. On met tous les efforts pour les appuyer là-dedans.

Il rappelle aussi que Laval a bien failli hériter d'un club lors d'une relocalisation, en 2021.

L’arrivée d’un club professionnel dans la province représenterait un grand coup pour la fédération. Quand la ligue a ajouté une équipe en Saskatchewan, avec le Rush, et à Halifax, avec les Thunderbirds, on a tout de suite vu un effet sur les inscriptions, explique Steve Veilleux. Le nombre de membres dans les fédérations a bondi. C’est une belle opportunité pour nous.

Le sport bénéficie déjà d’un regain de popularité depuis quelques années. La pandémie a mis un frein aux inscriptions, mais la fédération a enregistré une hausse importante de 2016 à 2019.

Joe Cambria, aujourd’hui analyste à RDS, prendra un réel plaisir à décrire le match entre le Rock et le Riptide, vendredi, à Laval, une ville où il a connu énormément de succès comme joueur au niveau junior.

Il avait 16 ans pendant la saison 1975. Et comme il était considéré comme l'un des meilleurs jeunes joueurs au pays, il était invité sur la galerie de presse du Forum pour assister aux matchs des Québécois de Montréal. Les gens suivaient ça beaucoup. Il y avait une bonne attention médiatique. Je me rappelle que c'était le grand Pierre Foglia, de La Presse, qui faisait la couverture.

Deux joueurs de crosse s'affrontent à la mise au jeu.

Les Caribous de Québec affrontaient les Québécois de Montréal en finale de la ligue en 1975.

Photo : Radio-Canada

Montréal a aussi déjà eu une équipe de la NLL, L'Express, qui a joué au Centre Bell le temps d'une saison, en 2002. Les circonstances, à l'époque, n'étaient pas favorables, soutient-il. Le président (de l'équipe) en place à ce moment-là connaissait mal le marché québécois. Les temps ont changé et je pense qu'à Laval, avec l'amphithéâtre là-bas (la Place Bell), ça pourrait bien marcher.

Robert Bleau, qui est né à Montréal, a déménagé à Québec à 24 ans lorsqu’il a été échangé des Québécois aux Caribous. Il pense que la capitale nationale pourrait aussi soutenir le projet d’une équipe professionnelle.

La ville a du hockey junior, elle a du bon sport universitaire, mais elle n’a pas beaucoup d’offres professionnelles. Je pense que si Pierre Karl Péladeau s’intéressait au projet, ce serait bénéfique pour lui , propose-t-il. Ça a tout pour être populaire, ce sport, ça a déjà marché pour une raison. C’est un beau sport, spectaculaire. Ils ont déjà une histoire, sur laquelle ils pourraient bâtir pour se tourner vers l’avenir.

La rivalité Montréal-Québec à la crosse

En 1975, les joueurs des Caribous côtoyaient ceux des Nordiques. Pendant une partie de la saison, on partageait les infrastructures. On s’échangeait même parfois des lancers lors des entraînements , se remémore Robert Bleau.

C’était avant l’arrivée des Nordiques dans la Ligue nationale de hockey. La rivalité Montréal-Québec se vivait donc déjà autrement.

L’année 1975 est profondément inscrite dans les souvenirs de Robert Bleau, même que cela l’empêche parfois de dormir la nuit, tellement il se repasse le film dans sa tête. J’avais 24 ans, je venais d’être échangé à Québec. On était pêle-mêle : des Autochtones, des anglophones, des francophones…

La saison avait bien mal commencé pour ce groupe hétéroclite. Pour créer une meilleure cohésion dans l’équipe, les joueurs ont établi une règle : interdiction de sortir en ville en petits groupes. On devait être au minimum six pour aller au restaurant. C’était pour créer un esprit d’équipe.

La stratégie a fonctionné : afin d’accéder aux éliminatoires, à sa première saison d’existence, Québec devait remporter 10 de ses 12 dernières rencontres. Les Citadins ont fait mieux, avec 11 gains.

L’équipe a par la suite éliminé une puissance, Long Island, au Colisée, devant ses supporteurs. Les joueurs se réunissaient ensuite au Cendrillon, puisque le restaurant leur offrait le repas après les victoires.

Le texte : La coupe des Nations aux Caribous! Une photo montre un joueur qui boit une bière pour célébrer la conquête.

Un article du journal Le Soleil relatant le triomphe des Caribous.

Photo : Le Soleil

Pendant cette séquence de victoires, on avait toujours 10 000, et jusqu’à 15 000 spectateurs. C’était incroyable, l’ambiance. Les hués à Montréal, les applaudissements à Québec..., mentionne Bleau, auteur de 12 buts cette saison-là.

Les plus beaux moments sont survenus en finale, contre Montréal. Une rivalité sentie.

Ce n’était pas de la haine… mais disons que ce n’était pas de l’amour non plus. Les deux équipes avaient de grandes ambitions. Le désir de vaincre était énorme de chaque côté.

Une citation de Robert Bleau, ancien joueur des Caribous de Québec

Joe Cambria se souvient très bien de l'animosité qui existait entre les deux clubs. Ça jouait dur. Ça jouait beaucoup plus dur à l'époque qu'aujourd'hui. C'était avec des bâtons en bois. Quand il y avait une mise en échec, un cinglage, ça faisait mal. Il y avait plusieurs francophones aussi à Montréal, ça faisait partie de la rivalité.

Le championnat a finalement été remporté en six matchs, avec l’affrontement décisif présenté à Québec.

On a tendance, au Québec, à oublier et à recommencer., au lieu de bâtir à partir de l'héritage! C'est dommage. Ce championnat-là, l'année 1975, ça fait partie de notre histoire, de l'histoire du sport du Québec.

Une citation de Joe Cambria, ancien joueur de crosse professionnel
Le titre est : "Québec a fêté ses Caribous".

Un article du Montréal Matin rappelant le défilé des Caribous dans les rues de Québec en 1975, à la suite de la conquête du titre dans la Ligue nationale de crosse.

Photo : Montréal Matin

J’ai vu des gars suer pour la ville de Québec, j’ai vu des gars jouer en étant blessés. Des gars très talentueux, mentionne Robert Bleau.

Maintenant, c’est derrière moi, mais j’y repense beaucoup. J’ai quatre petits-enfants, je leur prête mes bâtons pour les initier au sport, ajoute-t-il, ému.

Robert Bleau aimerait bien que ses petits-fils puissent un jour voir la bannière des Caribous de 1975 hissée dans les plus hauts sommets du Centre Vidéotron, à défaut de l'avoir vue dans les hauteurs du Colisée. Pour l’instant, on s’est fait revirer de bord. Et pas poliment. L’an prochain, ce sera les 50 ans de la conquête, et on va réunir tous les joueurs. On espère encore...

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