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Vers un milieu sportif plus sécuritaire, un pas à la fois

Des enfants qui se baignent, la tête sous l'eau.

Des enfants qui se baignent.

Photo : Associated Press / Aaron Favila

Le milieu sportif canadien traverse une crise de confiance. Les nombreuses histoires d’agression, de harcèlement ou simplement de sport sécuritaire suscitent une remise en question tant au sein des organisations sportives que dans la société en général.

À la question Est-ce que l’on peut faire les choses autrement?, de plus en plus d’intervenants répondent Oui.

Les politiciens réfléchissent à un meilleur encadrement, des entraîneurs s'interrogent sur les bonnes pratiques à appliquer, et plusieurs parents auraient intérêt à remettre en question leurs propres comportements.

Ciment de la communauté, plusieurs fédérations sportives implantent de nouvelles initiatives pour sortir la toxicité du sport.

À la Fédération de natation du Québec (FNQ), la prise en main a commencé par la création d’un comité d’intégrité.

Dans la foulée des histoires horribles d’initiations au hockey, le directeur général de Natation Québec, Francis Ménard, a senti que les gens du milieu – parents, entraîneurs et athlètes – semblaient avoir besoin de communiquer leurs expériences, même si elles n’étaient pas du tout du même ordre.

C'est la première fois qu'on avait un feedback de parents, puis d'athlètes qui voulaient parler à la fédération pour dire : "Écoutez, on a aussi vécu des choses. On a aussi une expérience, puis on a des idées, des pistes de solutions à proposer." C'est là que ça m'a vraiment allumé.

Pour former ce comité, il s’est donc allié à l'ex-nageuse et médaillée olympique Sandrine Mainville ainsi qu’à Joëlle Carpentier, une ex-nageuse artistique maintenant chercheuse en psychologie. Ses travaux portent d’ailleurs sur la relation entre les entraîneurs et les athlètes.

Les deux femmes siègent aussi au conseil d’administration de la fédération.

La nageuse Sandrine Mainville plonge avant d'amorcer sa course.

Sandrine Mainville (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan

Conscientisation

Le mandat du comité est costaud : accueillir les propositions du milieu, réfléchir à ce que l’on peut faire de mieux, s’assurer qu’il y a une uniformité dans les politiques, faire de la prévention, etc.

Pour Sandrine Mainville, il ne fait aucun doute que ce comité répond à un besoin.

Quand on m’en a parlé, je me suis dit : "Pourquoi on n’y a pas pensé avant?" Ça va juste de soi, avec tout ce qui se passe en ce moment.

Même à l'extérieur de la fédération, je commençais à m'intéresser à ce genre d'enjeux, affirme l’athlète olympique qui est maintenant avocate. En ce moment, une des solutions, c'est : faut en parler, faut conscientiser les gens. Puis, oui, après ça, les solutions comme la formation, se renseigner par rapport au climat général de ce qui se passe sur le terrain pour, après ça, prendre des actions concrètes, ça va venir. Mais la première étape, je pense, c'est vraiment la conscientisation.

Il faut que tous les intervenants aient des balises claires et sachent reconnaître les comportements toxiques ou harcelants.

Une des choses à faire, ce sera de changer la norme, souligne Joëlle Carpentier. Quand quelque chose est tellement présent, tu ne le sais pas que ce n'est pas normal. Tu ne le sais pas que ce n'est pas normal que ton coach crie ou t'insulte ou te lance une gougoune pendant que tu nages, parce que c'est commun partout. Si tu en parles aux autres, ça devient même une blague. Il faut être capable de dire : "Ce n'est pas normal."

Le trio espère qu’avec la mise en place de ce comité, les athlètes pourront s’exprimer sans peur de représailles, une peur bien réelle lorsque l’on tente de dénoncer une situation, aussi bénigne soit-elle, qui concerne un entraîneur ou un gestionnaire que l’on croise toutes les semaines.

Le comité d’intégrité espère aussi désamorcer des situations avant qu'elles dégénèrent et fassent l'objet d'une plainte officielle.

Des actions concrètes

Au-delà des grands principes, le comité réfléchit déjà à des solutions simples qui pourraient ouvrir les canaux de communication.

La distribution d’un questionnaire anonyme, deux fois par an, est à l’étude.

Actuellement, on navigue un peu sans données, admet Francis Ménard. On a des rétroactions quand on va sur le terrain, mais on n'a pas vraiment de données objectives.

L'idée, ce serait d'avoir un questionnaire une fois ou deux par année, des questionnaires anonymes aux athlètes, mais aussi aux parents, entraîneurs, au conseil d'administration ou aux officiels, pour s'assurer que chacun d'eux évolue dans un environnement sain et sécuritaire.

Le comité souhaite s’allier au milieu académique pour s’assurer de poser les bonnes questions et d’avoir du soutien pour analyser les données recueillies. L'idée d'un questionnaire de départ, pour connaître les raisons qui poussent un athlète à s’éloigner de la natation, est aussi sur la table.

La nomination d’un ombudsman est une autre proposition simple émanant du milieu et qui pourrait avoir un impact sur le traitement de problématiques, qui ne sont pas de nature criminelle bien sûr. Plusieurs personnes pourraient être plus à l’aise de dénoncer une situation à une personne indépendante plutôt qu’à un conseil d’administration.

Une autre des propositions était de créer un comité d’athlètes, explique le directeur général de la fédération. En y réfléchissant, je n’avais rien à répondre à la question : "Pourquoi on n'a pas de comité d'athlètes?"

On n’a pas le réflexe d'écouter le besoin des athlètes. On travaille beaucoup avec les entraîneurs, avec les officiels, avec les autres acteurs et on dit tout le temps qu'on le fait pour le bien de l'athlète, mais l'athlète n'est pas dans la discussion.

Une citation de Francis Ménard, directeur général de la FNQ

Quand j'étais athlète, je ne savais même pas qui était sur le conseil d'administration de la FNQ, ou de Natation Canada, reconnaît Sandrine Mainville. Quand tu te demandes "À qui je pourrais en parler?", c'est difficile. Un comité des athlètes, avec tes pairs, on se sent déjà plus à l'aise de parler ouvertement de choses qui pourraient se passer sur le terrain.

L’encadrement des conseils d’administration des clubs est aussi un enjeu, selon le directeur général de la fédération, qui se questionne sur la possibilité d’offrir un accompagnement à tous ces bénévoles qui siègent à des c.a., souvent pour la première fois.

Un vaste chantier

La discussion sur le sport sécuritaire concerne souvent l’élite, ou ceux qui sont dans les circuits compétitifs. Pour Joëlle Carpentier, la prise de conscience en haut de la pyramide aura nécessairement un impact sur les athlètes qui pratiquent leur sport de façon récréative.

Une femme vêtue d'un chandail rose et noir prend la pose pour le photographe.

Joëlle Carpentier

Photo : Courtoisie : Joëlle Carpentier

Si les athlètes en haut [de la pyramide] n’acceptent plus d'être entraînés d'une certaine façon, en bas, ils vont savoir aussi que ce n’est pas normal.

Lorsque tu vois les athlètes que tu admires dans ton club se faire crier après, tu dis : "Si je veux être comme eux un jour, il faut que je passe par là." Là, il faut dire que ce n'est pas vrai, et ce n’est pas vrai que les autres devraient vivre ça non plus. Faut croire à l'effet de ruissellement.

Une citation de Joëlle Carpentier, chercheuse et consultante en psychologie sportive

Le trio ne s’en cache pas, il est devant un vaste chantier.

Il faut comprendre que ça va peut-être être long, admet Sandrine Mainville. Ça va être un peu "essais-erreurs", mais on a de bonnes intentions.

Le congrès annuel de la fédération se tiendra du 22 au 24 septembre prochains et la sécurité et l’intégrité seront l’objet de plusieurs discussions. Les membres de ce nouveau comité d’intégrité espèrent maintenant que les membres adhèrent à leur projet.

Il faut que les gens embarquent aussi dans notre projet. On veut changer les choses et ce n'était pas de même il y a 10 ans. Juste le fait d'avoir la discussion aujourd'hui, je pense que c'est déjà un pas en avant, conclut Sandrine Mainville.

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