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Pourquoi autant de déchirures ligamentaires du genou au soccer féminin?

Elle est couchée sur le dos et se tient le genou.

Une joueuse de soccer se blesse au genou droit.

Photo : Getty Images / Paul Kane

Beckie, Putellas, Miedema, Katoto… La liste des joueuses professionnelles de soccer qui ont subi une rupture du ligament croisé antérieur du genou au cours des 18 derniers mois ne cesse de s’allonger. Comment expliquer ce phénomène? Pourquoi les femmes sont-elles particulièrement touchées?

La blessure la plus médiatisée a sans doute été celle subie par la détentrice du Ballon d’or et joueuse du FC Barcelone, Alexia Putellas, qui s’est rompu le ligament croisé antérieur (LCA) du genou gauche la veille du premier match de l’Espagne lors de l’Euro 2022.

Une semaine plus tard, la jeune vedette française Marie-Antoinette Katoto a subi une blessure similaire pendant le tournoi. En juin, c’était au tour de l’Américaine Catarina Macario. Deux semaines plus tard, même résultat pour l’attaquante américaine Christen Press pendant un match de la NWSL avec le club d’Angel City FC. Plus récemment, la milieu de terrain canadienne Janine Beckie a annoncé qu’elle devra faire une croix sur la Coupe du monde de 2023 en raison de la même blessure.

On estime qu'au moins 55 joueuses évoluant dans les six meilleures ligues du monde ont subi une déchirure du ligament croisé antérieur en 2022. Parmi celles-ci, 5 figuraient parmi les 20 meilleures footballeuses du monde selon les votes pour le Ballon d’or.

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L'un des principaux rôles du LCA consiste à assurer la stabilité du genou en prévenant la rotation du tibia par rapport au fémur. Il n’est donc pas surprenant que sa déchirure soit l’une des blessures les plus communes parmi les athlètes, particulièrement lorsqu'il est question d’un sport qui nécessite d'effectuer des pivots, comme le soccer ou le basketball.

Donc, pas besoin d'un contact physique avec une adversaire pour que la blessure survienne. Une simple rotation exagérée et le fameux pop, le son typique qui accompagne une dislocation du genou, se fait entendre.

Le ligament croisé antérieur est en fait un très petit ligament situé à l’intérieur du genou et qui a deux principales fonctions : il prévient un mouvement de translation antérieur du tibia par rapport au fémur, mais surtout, il joue un rôle crucial dans la stabilité rotationnelle, explique le Dr Jérôme Ouellet, pédiatre spécialisé en médecine sportive.

En 2014, le Clinical Journal of Sports Medicine (Nouvelle fenêtre) affirmait que près de 250 000 blessures au ligament croisé antérieur étaient recensées au Canada et aux États-Unis chaque année. Depuis, la déchirure du LCA est de plus en plus fréquente, principalement en raison de l’augmentation de la pratique de sports plus compétitifs. En fait, il s’agit du ligament du corps humain qui est le plus souvent atteint.

Une joueuse de soccer blessée est assise dans les gradins.

La milieu de terrain espagnole Alexia Putellas s'est blessée à un genou tout juste avant l'Euro 2022.

Photo : afp via getty images / DAMIEN MEYER

Et si vous avez l’impression que les athlètes féminines sont plus souvent touchées que leurs homologues masculins, vous n'avez pas tort.

Plusieurs études affirment aussi qu’une femme aura de deux à huit fois (Nouvelle fenêtre) plus de risque de subir ce type de blessure qu’un homme qui pratique le même sport. Une joueuse de basketball aura, par exemple, 7,8 fois plus de chances (Nouvelle fenêtre) d'être victime d'une déchirure qu’un basketteur.

Pire encore, une athlète verra ce risque augmenter de 5 % par année de participation. Plusieurs études estiment qu'une athlète sur 19 qui joue au soccer sera touchée par ce type de blessure.

Plusieurs pistes d'explications

Comment expliquer cette récente hécatombe dans le monde du soccer féminin? Si l'augmentation du volume de jeu n'est pas à négliger, plusieurs autres facteurs peuvent expliquer en partie cette disparité entre l’homme et la femme.

Les raisons seraient majoritairement anatomiques et biomécaniques.

Vue d'un ligament déchiré sur le sens de la largeur.

Ligament croisé antérieur rompu (vue par rayon X)

Photo : getty images/istockphoto / janulla

Les femmes ont une hyperlaxité plus répandue. Elles ont un LCA plus petit, moins rigide et moins résistant à la rupture, explique Yannick Girard, responsable de la performance physique pour Canada Soccer.

Maxence Pieulhet est préparateur physique pour le club féminin du Paris FC, en première division française. Il a écrit un ouvrage, publié en 2021, afin d’aider spécifiquement la préparation physique des footballeuses.

Déjà, le bassin est plus large chez la femme, ce qui fait qu’on parle beaucoup de l’angle Q, qui est l’angle que forme le fémur par rapport au bassin. On a donc un angle Q qui est un peu plus ouvert. Il y a le genou valgus, donc un genou qui rentre qui est plus présent chez la femme, souligne ce dernier.

Image de deux rayons X de jambes humaines, l'une à morphologie normale, l'autre montant un genou entré vers l'intérieur.

Angle normal, à gauche, comparé à un genou valgus, à droite

Photo : iStock / Getty Images Plus

Les femmes ont aussi, souvent, un déficit de force au niveau des membres inférieurs, donc un déficit d’activation neuromusculaire, généralement en faveur des quadriceps par rapport aux ischiojambiers, ajoute Maxence Pieulhet. Je pense aussi au tiroir antérieur, soit l’avancement du tibia par rapport au genou, qui est plus présent chez les femmes.

Plusieurs études se sont aussi penchées sur le cycle menstruel pour expliquer certains moments où les blessures sont plus présentes. La fluctuation des hormones, notamment au moment de la période préovulatoire, pourrait avoir une incidence.

Tout juste avant l'ovulation, il y a une augmentation du taux d’œstrogènes et l’augmentation d'une autre hormone qui s’appelle la relaxine. C'est ce qui engendre un relâchement de la tension dans les tissus et c'est ce qui fait qu’on a une augmentation de l’instabilité sur les structures articulaires, indique le préparateur physique Maxence Pieulhet.

Le Dr Jérôme Ouellet reconnaît que les œstrogènes féminins ont un rôle à jouer, surtout au niveau de l’hyperlaxité ligamentaire. Mais selon lui, il ne s’agit pas de la principale explication pour justifier cette différence entre l’athlète masculin et son homologue féminine.

Pendant trop longtemps, les gens se sont rabattus sur cette seule et unique explication, mais c'est beaucoup trop réducteur. Même que des études ont tenté de démontrer une corrélation entre la phase du cycle menstruel et les blessures au LCA, et les résultats ne sont pas nécessairement concluants.

Maxence Pieulhet croit que l’aspect génétique est trop souvent négligé et c’est pourquoi il a ajouté des questions quant à l’historique familial de blessures lors des évaluations de début de saison avec les joueuses du Paris FC.

Certaines études ont révélé que pour près de 70 % des cas de ruptures ligamentaires, il y avait un facteur génétique. C’est quelque chose que j’ai raconté sur les questionnaires en début de saison et j’ai vu des liens clairs la majorité du temps.

Si une partie du problème semble être hors du contrôle des joueuses, est-il possible de minimiser les risques de rupture du ligament croisé antérieur? Tous les experts consultés s’entendent sur le fait qu'une préparation physique adéquate, adaptée à la réalité féminine, pourrait aussi faire une différence.

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