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L’entraîneur de mon enfant est intense : que puis-je faire?

Il tient sous son bras un tableau de hockey.

Un entraîneur de hockey avec un tableau sous son bras pour expliquer des jeux.

Photo : Getty Images / IStock/Marko Hannula

Tous les parents veulent voir leurs jeunes bouger. Malgré les bonnes intentions du début, l’expérience sportive des enfants peut parfois tourner au vinaigre.

Dans le deuxième volet d’une série de trois textes, nous exposons des situations délicates auxquelles le parent d’un jeune sportif ou d’une jeune sportive est parfois confronté par rapport au comportement de son entraîneur :

L'entraîneur de mon enfant est intense lors des matchs, il parle fort et est parfois raide. Sans que ce soit un cas d’abus, je sens que ça brusque mon enfant. Que faire?

Ces cas demandent souvent du doigté. Six experts ont bien voulu répondre à nos questions.

  • Sylvie Béliveau, directrice égalité des genres en sport à Égale Action
  • Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide
  • Bruno Gervais, directeur des relations partenaires au Groupe Respect
  • André Lachance, conférencier et coauteur de Chimie d’équipe
  • Daphné Laurin-Landry, psychologue spécialisée en sport
  • Geneviève Leduc, conseillère principale aux programmes à Fillactive

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André Lachance reconnaît d'emblée que le sujet peut être épineux, notamment si l’entraîneur est bénévole.

Si cette personne-là n’est pas là, il n’y a peut-être pas d'équipe, rappelle-t-il. Elle est là parfois la problématique, car il n’y a personne d'autre qui a levé sa main. Il y a donc une fine ligne entre : est-ce qu'on tolère ou bien on dénonce, on a une discussion avec lui?

Avant tout, soulignent les experts, il faut s’enquérir auprès de l’enfant et, en fonction de ce qu’il ressent, le rassurer.

On va tous percevoir les choses avec nos propres lunettes, notre propre histoire. C’est vraiment d’en discuter avec lui ou elle, souligne Daphné Laurin-Landry.

Par exemple : "Le coach te parle raide, mais en fait, c'est son stress à lui. Ce n'est pas que tu as fait quelque chose de mal. C'est juste que lui, il n’a pas calmé son stress pour pouvoir parler plus doucement. Tu n'es pas obligé de le prendre personnel non plus."

Une citation de Daphné Laurin-Landry, psychologue spécialisée en sport

Sylvie Béliveau invite les parents à faire prendre conscience aux jeunes de ce que vit l’entraîneur : Il est intense ton entraîneur, hein! Il aime beaucoup ça! Ça va vite dans le match, donc il a des réactions.

L’important aussi, selon certains experts, c’est de ne pas projeter nos propres peurs, nos propres anxiétés sur l’enfant. Sylvie Béliveau, entraîneuse de profession, l’a vécu en tant que mère et ce n'est pas évident.

Même si pour moi, la situation était dramatique, ça ne l'était pas nécessairement pour l’enfant. C'est difficile pour les parents parce qu'il faut travailler sur nous pour ne pas agir, parce que ce sont mes émotions et j'essaie de ne pas les transférer.

Une citation de Sylvie Béliveau, directrice égalité des genres en sport à Égale Action

Sylvie Béliveau a donc choisi de mettre l'accent sur ce qui allait bien. Le retour à la maison est alors devenu aussi important que l’entraînement ou le match que le jeune venait de vivre.

La conversation

Si le malaise est présent chez l’enfant, nos experts encouragent la conversation avec l'entraîneur. Et celui qui l’amorce peut être le parent ou encore le jeune, s’il se sent prêt. C'est une chose souhaitable pour Sylvie Béliveau.

Comme parent, je ne souhaite pas être devant des professeurs universitaires et aller négocier une note éventuelle, lance-t-elle comme exemple. Je veux que l'enfant, éventuellement, soit autonome dans ses démarches à lui.

Si le jeune se sent à l’aise ou, comme disent les experts, en sécurité psychologique, il peut s’adresser lui-même à l’entraîneur. Il s’agit, nous dit Daphné Laurin-Landry, de donner un guide de l'utilisateur à l’entraîneur. Une façon de lui faire savoir ce qui marche pour le jeune.

Quand tu es raide, ça peut donner une structure à certains jeunes. Il y en a d'autres, pas du tout. Ça ne marche pas : "Moi, ça va être plus de m'encourager parce que je sais ce que j'ai à faire", indique-t-elle.

André Lachance abonde. C’est aussi important pour un entraîneur de savoir dans quel environnement chaque athlète progresse le plus.

Si tu ne les connais pas, si tu ne passes pas du temps à apprendre qui ils sont, évidemment, tu n'arriveras pas à quelque chose d'intéressant.

Une citation de André Lachance, conférencier et coauteur de Chimie d’équipe

Il est difficile de prévoir la réaction de l'entraîneur face à cette conversation. Mais selon Daphné Laurin-Landry, le discours d’aujourd’hui a des chances d’être plus collaboratif.

Quoi qu’il en soit, souligne Bruno Gervais, la conversation demeure primordiale.

Ça fait partie de l'environnement que tu veux créer. Les jeunes vont vivre beaucoup d’émotions à travers le sport. Tu ne peux pas en rajouter avec le stress de ta voix derrière le banc. Si on voit les jeunes se refermer sur eux ou tenir leur bâton serré parce que ça crée un stress, il y a des conversations à avoir. Car ce n'est pas dans cet environnement-là que tu vas vraiment t'épanouir, développer une passion où te développer comme humain.

Une citation de Bruno Gervais, directeur des relations partenaires au Groupe Respect

Comme dans le cas présenté dans notre premier volet, Bruno Gervais suggère d’éviter cette conversation tout de suite après un match. Il n'est pas question que l’émotion prenne le dessus. Et si le malaise est partagé par d’autres enfants de l’équipe, il y a lieu d’engager la conversation en groupe de parents. Encore une fois, de manière constructive.

Pour André Lachance, c’est d’abord de parler de ses émotions, comme il l’enseigne d’ailleurs aux entraîneurs : "Je me sens comme ça quand tu agis de telle façon." Puis on pose des questions. Il s’agit d’amener l’entraîneur à réfléchir davantage que moi, dire ce que je pense. Puis souvent, ça porte fruit quand on pose des questions à savoir : "Est-ce qu’il y aurait une façon différente d’aborder telle chose?"

Bruno Gervais rappelle que l’entraîneur est souvent un parent qui fait de son mieux. Le reconnaître d’entrée de jeu et remercier l’entraîneur de son implication permet d’ouvrir la discussion et d’éviter la confrontation.

L’ancien joueur de la LNH poursuivrait la conversation ainsi : On a remarqué une certaine situation avec nos enfants. Quand il y a de l'intensité, des émotions derrière le banc, on a remarqué plusieurs jeunes qui réagissent plus ou moins bien à ça. Est-ce que toi, tu l'as remarqué de ton côté?

L’angle mort

Peut-être que l’entraîneur est conscient de son comportement et qu’il vous dira qu’il fait des efforts en ce sens. Et peut-être bien qu’il en sera surpris et qu’il n’a aucune idée de l’impact qu’il a sur les jeunes.

Parfois, c'est un angle mort. L'entraîneur ne se voit pas, explique Sylvie Béliveau.

Il n’y a pas un entraîneur qui rentre derrière un banc de garçons et de filles de 8-9 ans qui se dit : "Moi, je vais te les rincer."

Une citation de Bruno Gervais
Gros plan d'un sifflet rouge

Gros plan d'un sifflet rouge

Photo : Getty Images / IStock/Liountmila Korelidou

Il reste qu’on mène souvent sa barque comme on a été mené. On dirige souvent une équipe comme on a été dirigé.

[L’entraîneur] a eu des modèles. Il a aussi sa propre personnalité, ses propres enjeux à lui aussi. Les propres raisons pour lesquelles il est entraîneur, rappelle Daphné Laurin-Landry.

À ce chapitre, Sylvain Croteau insiste sur l’importance de conscientiser le jeune qui se retrouve avec un entraîneur plus intense pour éviter que le jeune reproduise les mêmes comportements avec autrui, car l’influence est notable.

Le DG de Sport’Aide relate ce qu’un officiel de la LNH avait déjà observé à ce sujet.

Il m’avait dit : "Les coachs qui me donnent de la misère, sans exception, leurs joueurs me donnent de la misère." Et là, j'observe depuis ce temps-là. Les coachs et les parents qui se comportent d'une manière X, tu peux être certain que les enfants se comportent de la même manière. Et ça, les coachs n'en sont pas conscients. Les parents non plus ne sont pas toujours conscients.

Une citation de Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

Travailler ensemble

Il y a peut-être lieu de demander à l’organisation s’il y a une offre de services, propose le conférencier André Lachance, qui peut peut-être nous aider à devenir tous meilleurs.

Geneviève Leduc parle pour sa part de formations possibles pour l’entraîneur.

Je pense que les parents gagnent à rester proches. Puis, il existe des formations. Donc via les conseils d'administration et via les coulisses de ces clubs sportifs là, c'est certain qu'on devrait encourager les entraîneurs à se former régulièrement à propos du savoir-être.

Une citation de Geneviève Leduc, conseillère principale aux programmes à Fillactive

À l'interne comme entraîneur, suggère André Lachance, c'est possible de donner la responsabilité, peut-être à un entraîneur adjoint, afin qu’il donne une rétroaction sur ce que l’on fait.

Parce que comme entraîneur-chef, souvent, on est tout seul. Nous, il faut donner du feedback aux joueurs, il faut s'occuper des parents. Il n’y a personne qui s'occupe de nous autres.

J'avais fait ça à un moment donné avec un de mes assistants. J’avais besoin de grandir moi aussi là-dedans, se souvient-il

André Lachance n’a pas craint non plus de demander à ses joueuses ce qui les dérangeait quand il était derrière le banc. Une de ses joueuses n’a pas eu peur à son tour de lui faire part de sa préoccupation pendant un exercice. Grâce à quoi? La fameuse sécurité psychologique. Se sentir en confiance pour pouvoir communiquer.

On a réglé notre problème, mais ensemble! Alors, c'est d'être vulnérable comme coach dans tout ça. Il faut que tu crées la culture, l'environnement, pour que ça se passe. C'est là qu'est la difficulté parfois.

Une citation de André Lachance

Pour Bruno Gervais, chaque personne sur place devient responsable de l’environnement pour les jeunes de l’équipe, y compris le parent. Il faut donc travailler ensemble.

C'est un partenariat entre le parent et l'entraîneur qui lui aussi souvent est un parent. Et ce sont les deux leaders dans la vie du jeune. Il faut que tout le monde s'entende, ajoute l'ancien joueur de la LNH.

Les joueurs sont assis sur le court.

Deux joueurs de basketball discutent avec leur entraîneur.

Photo : Getty Images / IStock/FG Trade Latin

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Si on se sent plus à l’aise d’en discuter avec l’organisation, certains de nos experts invitent à le faire. Ne serait-ce, comme dit Sylvain Croteau, pour rappeler le rôle de l’entraîneur.

Je leur dirais : "Écoutez, c’est un modèle d’autorité, il a un rôle éducatif comme intervenant dans la pratique sportive. Est-ce qu'un enseignant va engueuler les enfants parce qu'ils n’ont pas mis un "s" à des pommes? Pourquoi un coach ferait ça?"

Une citation de Sylvain Croteau

L’une des façons de mesurer le succès d'une organisation, indique Sylvie Béliveau, c'est si l'enfant revient l'année d'après. Alors, dans ce contexte-là, je pense que oui, le parent devrait être entendu. Sans quoi, on peut s'en inquiéter, lever un drapeau rouge, dit-elle.

C'est d'arriver à reconnaître si c’est un trop grand conflit de valeurs, si on ne se sent pas en sécurité. Ce sont de bons arguments pour soit changer d'équipe ou dire à l’enfant : "Tu sais, finalement, est-ce que c'est l'autre sport que tu aimais le plus?", mentionne la psychologue en sport Daphné Laurin-Landry.

Si on décide de quitter son sport devant un entraîneur intense qui continue de faire comme on a fait avec lui, Sylvie Béliveau encourage le parent à expliquer sa décision à l’organisation.

Si on veut changer la culture, ça commence là, avec ce type d'entraîneur. On a le choix de partir en silence, mais on ne change rien.

Une citation de Sylvie Béliveau

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