•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les statistiques avancées et le sport d’élite

Une femme s'étire le bras. À l'avant-plan apparaissent des graphiques.

Les statistiques avancées sont de plus en plus utilisées dans le sport d'élite.

Photo : getty images/istockphoto / metamorworks

Les statistiques avancées polarisent le monde du sport. Pour certains, elles constituent un terrain de jeu infini; pour d'autres, elles ne sont qu'un amoncellement de chiffres dénués d’âme. Peu importe le camp qu'on choisit, un constat s'impose : la compilation et l’analyse des données sont là pour de bon.

Plus souvent associée aux équipes de sport professionnel, l’utilisation des statistiques avancées a fait son chemin jusque dans le sport d’élite amateur, qui ne pourrait probablement plus s’en passer.

Le directeur des sciences du sport à l’Institut national du sport du Québec, François Bieuzen, est catégorique : les statistiques avancées sont devenues indispensables.

Si on ne les utilisait pas, on se priverait d'un moyen de performer, estime le directeur. C’est une aide à la performance, au même titre que le fait de bien s'équiper ou d’avoir des préparateurs physiques et des préparateurs de performance mentale.

Utilisations variées

Zone active

Consulter le dossier complet

Les mouvements de gymnastique, une partie essentielle du CrossFit

Dans le sport d’élite, les statistiques avancées servent beaucoup à calculer la charge d’entraînement d’un athlète ou les risques de blessure au cours des deux jours suivants.

Par exemple, dans les données qu'on prend, il y a des hauteurs de saut sur des plateformes, explique François Bieuzen. L'athlète va sur une plateforme et on mesure la hauteur de saut, ce qui nous donne un indice de sa fatigue neuromusculaire ou de sa performance neuromusculaire.

On pourrait dire : "Aujourd'hui, il est meilleur qu'hier et ça s'arrête là." Grâce à l'analyse des statistiques avancées, on peut regarder si c'est relié à d'autres événements.

Chaque sport peut adapter cette analyse à sa propre réalité.

Par exemple, Snowboard Canada s’est servi des statistiques avancées pour mieux comprendre le lien entre les figures exécutées et les notes des juges.

Laurie Blouin fait une figure dans les airs.

Laurie Blouin lors d'une compétition en surf des neiges aux Jeux olympiques de Pékin

Photo : Getty Images / Al Bello

En plaçant des capteurs sur les bottes des athlètes, la fédération a recueilli les données de rotation. Par la suite, grâce à un algorithme, elle s’est rendu compte que le nombre de rotations est un des paramètres qui influencent le plus les notes attribuées par les juges mais qu’il y a des nuances selon le sexe de l’athlète et le côté du décollage.

Les capteurs ont aussi permis au personnel de Snowboard Canada de confirmer que l’impact à l'atterrissage est un incontournable pour planifier la charge d'entraînement. Les plans d’entraînement sur neige et hors neige ont été révisés, tandis que des stratégies de descente lors des compétitions ont été élaborées avec les statistiques recueillies.

L’équipe canadienne de rugby à sept s’est servie des statistiques avancées non seulement pour établir la charge d’entraînement mais aussi pour calculer la charge d’effort selon le type de contact que les joueuses subissent.

Là où il reste du travail à faire, c’est en prédiction de la performance.

On a beaucoup de mal à prédire la performance, reconnaît François Bieuzen. On aimerait beaucoup pouvoir le faire, pas tant pour sélectionner que pour évaluer ce qu'on fait et pour savoir si on est sur la bonne trajectoire.

La Fédération de patinage de vitesse des Pays-Bas a quant à elle élaboré un algorithme qu’elle utilise pour sélectionner les athlètes qui participeront aux Jeux olympiques, et ce, avec des résultats très positifs.

Une stratégie semblable n’est pas envisagée au Canada pour le moment.

L’humain, chef d’orchestre des statistiques avancées

Plusieurs personnes estiment que les statistiques avancées déshumanisent le travail de l’entraîneur, mais François Bieuzen n’est pas de cet avis.

Souvent, on part de l'instinct de l'entraîneur, de l'athlète ou d'un membre de l'équipe pour se dire : "Là, on a peut-être observé quelque chose. Est-ce que les données qu'on a peuvent nous aider à confirmer ou à infirmer si on est dans la bonne direction, ou encore si notre sentiment est justifié ou pas?"

À aucun moment on ne présente la statistique avancée comme une décision qui serait prise à la place du staff, des coachs ou de l'athlète. C'est vraiment pour avoir une vision plus objective, parce qu'on se rend compte qu'on a un cerveau qui retient certains événements, qui est très sélectif pour certaines choses. Malgré l'expérience et toute la bonne volonté qu'on pourrait avoir, ça nous aide un petit peu à prendre une meilleure décision.

Une citation de François Bieuzen, directeur des sciences du sport à l'Institut national du sport du Québec

L’humain reste donc celui qui interprète les statistiques et qui utilise son jugement, avec tout ce que cela comporte de bon ou de mauvais.

L'anecdote suivante le démontre bien.

Pendant la Série mondiale de baseball en 2020, les Dodgers menaient avec trois victoires contre deux pour les Rays de Tampa Bay. Toutefois, lors du sixième match, le lanceur partant des Rays, Blake Snell, a offert une performance époustouflante.

D’ailleurs, Tampa Bay menait le match 1-0 à la sixième manche lorsque l’entraîneur des Rays, Kevin Cash, a décidé de retirer Snell, car il ne voulait pas que celui-ci lance lors du troisième tour au bâton.

Il remercie son lanceur pendant que celui-ci quitte le monticule.

En s'appuyant sur les statistiques avancées, l’entraîneur des Rays de Tampa Bay, Kevin Cash (à gauche), a procédé à un changement de lanceur controversé pendant la Série mondiale de 2020.

Photo : Getty Images / Maxx Wolfson

Les statistiques avancées démontrent en effet que l’efficacité des lanceurs diminue à ce moment précis.

Résultat : l’autre lanceur s’est fait démolir et les Dodgers ont gagné le match et la Série mondiale.

L’entraîneur a d’ailleurs avoué après la partie qu'il regrettait sa décision parce que ça n’a pas fonctionné.

On n'a rien inventé

Ce n’est pas d’hier que les sportifs compilent des données et des statistiques. La nouveauté est plutôt du côté de l’intelligence artificielle, qui permet de récolter davantage de données et de les compiler de façon beaucoup plus efficace.

On est encore sur la statistique comme on le faisait il y a 20, 30 ou 40 ans, rappelle François Bieuzen. Sauf que maintenant, on a des ordinateurs puissants qui nous permettent d'aller beaucoup plus rapidement pour faire des calculs et pour gérer de gros volumes de données.

Les fédérations canadiennes n'utilisent pas toutes les statistiques avancées de la même façon. Il est très coûteux de recueillir et de classer les données. Il faut aussi un humain et beaucoup de temps pour les analyser.

Relié à un moniteur, un homme pédale sur un vélo stationnaire.

De nombreuses données doivent être récoltées pour ensuite être analysées.

Photo : Getty Images / vm

Il peut aussi être contraignant de récolter la matière de base. Les athlètes doivent remplir des questionnaires, passer des tests physiques et compiler les résultats, sans compter qu'il doit y avoir assez de chiffres pour pouvoir en tirer des conclusions.

Les sports avec lesquels on a travaillé, ça prend en moyenne trois, quatre, cinq et même six ans avant de pouvoir vraiment utiliser les données, souligne le directeur des sciences du sport. Avec le patinage de vitesse, ça nous a pris quatre ans afin d'avoir des données en lesquelles nous avons confiance et dont nous savons qu'elles aident réellement à prendre des décisions. Avant, c'était trop fluctuant, ce n'était pas assez solide.

Les statistiques avancées ont probablement encore beaucoup à offrir. François Bieuzen espère qu’on pourra éventuellement prédire les blessures sur plus de deux jours et prédire les performances des athlètes dans le temps.

Aussi précises que puissent être les données sportives, il y aura toujours des exceptions qui confirmeront la règle. Parlez-en à Kevin Cash.

Hexfit

Une entreprise québécoise a sauté à pieds joints dans le monde des données sportives et prend sa place dans ce marché en pleine expansion.

Hexfit est née en 2015 d’un besoin des professionnels de la santé d’avoir un outil pour gérer le nombre croissant de données tout en poursuivant le suivi avec les clients.

Le logiciel standardise et centralise les données sportives, fait des calculs et trace des courbes. Les entraîneurs, les nutritionnistes et les kinésiologues peuvent y avoir accès.

Une version de Hexfit a été élaborée sur mesure pour l’Institut national du sport du Québec, mais le logiciel est aussi utilisé par des équipes sportives et par des entraîneurs dans des entreprises comme Nautilus Plus et Énergie Cardio ainsi que dans les YMCA. Des professionnels d’une trentaine de pays ont intégré le logiciel à leur travail quotidien.

C'est un peu notre rêve de récolter les données d’une équipe ou d’un athlète au secondaire et que son dossier suive jusqu'à l'équipe professionnelle, donc qu'il ait le même dossier depuis toujours, souligne le président d'Hexfit, Étienne Dubois.

Avec la popularité grandissante des montres connectées, des compteurs de pas et des capteurs en tous genres, les données sportives se multiplient à un rythme fou.

On a aujourd'hui une plus grande accessibilité aux données, mais le coach n'a pas le temps d'aller dans chaque dossier pour voir si vous avez marché vos 10 000 pas depuis une semaine, affirme Étienne Dubois. Un logiciel comme Hexfit peut lui dire : "Tu as une cliente X qui n'a pas marché ses 10 000 pas cette semaine."

Le président est formel : Hexfit est un outil de plus pour les professionnels du sport ou de la santé.

Ça ne remplace assurément pas l'humain et ça fait partie de notre vision. On ne croit pas que l'humain peut être remplacé dans tout ça, car il y a trop d'aspects de motivation.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Sports

Analyses, chroniques et bien plus encore! Suivez l’actualité sportive au-delà des résultats.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Sports.