Voir enfin ses héros en action dans son salon, c’est ce que permettait La soirée du hockey, si on avait la chance de disposer d'un téléviseur.

En 1952, à peine 10 % des Québécois en possèdent un, mais le pourcentage augmentera de façon fulgurante dans les années suivantes. Pour les autres amateurs, la radio de Radio-Canada diffusait déjà les parties depuis 1941 avec la voix de Michel Normandin.

Le 11 octobre 1952, à 21 heures, en direct du Forum de Montréal, le journaliste René Lecavalier commente pour la première fois une partie télévisée où s'affrontent les Canadiens de Montréal et les Red Wings de Détroit.

Jusqu’en 1956, Radio-Canada ne présente que la troisième période de jeu. Le club de hockey Canadien craignait alors que la diffusion de l’entièreté des parties n'entraîne une baisse d’assistance dans les gradins du Forum.

Il faudra attendre 1968 pour qu’une rencontre soit diffusée au complet.

Photo : David Bier 1957

Comme La soirée du hockey débutait tard, plusieurs enfants de l’époque, déjà en pyjama, espionnaient les joutes via le cadre de porte de leur chambre ou à travers les barreaux de l’escalier. Certains, plus chanceux ou plus sages, obtenaient une permission spéciale de leurs parents lors des séries éliminatoires pour admirer les prouesses d’un Maurice Richard ou d’un Bernard Geoffrion.

Fort de son expérience comme correspondant de guerre en Algérie durant les années 1940, René Lecavalier intégrera un vocabulaire imagé à la fois militaire et poétique à la description des jeux. Le trio entre en zone adverse. Les joueurs se replient dans leur territoire.

Des expressions qui sont encore courantes aujourd’hui dans le langage des commentateurs sportifs. René Lecavalier bannit l'usage d'expressions anglaises. Il sera récompensé à maintes reprises au cours de sa carrière pour avoir ennobli le langage sportif en le francisant.

Après la période, le commentateur Jean-Maurice Bailly se rend rapidement du Forum au studio de Radio-Canada pour animer La ligue du vieux poêle.

Charles Mayer, Zotique Lespérance, Camille Desroches, Émile Genest, Jerry Trudel et Jacques Beauchamp analysent et commentent les faits saillants de la joute en cours pendant que les bûches se consument.

La ligue du vieux poêle a duré cinq saisons à la télévision, mais elle a donné naissance à une tradition de commentaires et d’analyses tant dans le journalisme sportif que dans les chaumières du Québec.

Le 22 octobre 1966 est présenté le premier match en couleur. Un véritable tour de force pour l’équipe des techniciens de Radio-Canada.

Le car de reportage qui transportait l’équipement était si imposant qu’il a fallu l’introduire dans l’enceinte du Forum en détruisant une partie de la cloison extérieure.

La diffusion couleur a nécessité l’installation de 408 lampes Metalarc au plafond du Forum afin d’augmenter la puissance de luminosité. Même si ces lampes étaient pour l’époque ultraperformantes, l’équipe technique a craint que la chaleur dégagée par ce nouvel éclairage ne nuise à la qualité de la glace.

Heureusement, il n’en fut rien et, ce soir-là, le Canadien battait les Bruins 3-1.

C’est en 1967 que la Ligue nationale de hockey procède à son premier repêchage d’expansion. La LNH passe de 6 à 12 équipes, un défi pour les commentateurs et analystes.

En 1968, Radio-Canada diffuse les matchs en entier. La soirée du hockey s’ouvre désormais avec le célèbre Hockey theme créé par la compositrice et pianiste Dolores Claman.

Lionel Duval se joint à l’équipe de La soirée du hockey dès 1966. Il y restera jusqu’en 1990.

Avec lui s'amorce la tradition de faire des entrevues avec les hockeyeurs entre les périodes de la joute du samedi soir.

À la fin de chaque match, Lionel Duval présente un invité avec lequel il a suivi la partie et décerne les trois étoiles.

Le journaliste sait faire entrer l’élément humain dans le spectacle sportif. De son propre aveu, il s’est d’ailleurs toujours plus intéressé au vécu des joueurs sur la glace qu’à leurs statistiques.

Même si, sur notre photo, la rondelle ne semblait pas rouler pour lui ce soir-là, Gilles Tremblay aura une brillante carrière au sein de l'équipe de La soirée du hockey.

Premier joueur à devenir commentateur après avoir accroché ses patins, l'ex-ailier gauche du Tricolore analysera les matchs de 1974 à 1998.

Il ouvrira ainsi la voie aux Mario Tremblay, Pierre Bouchard et autres vedettes du Forum venus apporter à l’équipe des commentateurs leur expérience du terrain.

Au courant des années 1960 et 1970, l’équipement technique évolue et aide grandement au travail des analystes et commentateurs de La soirée du hockey.

Les caméras se multiplient, s’allègent, et la mobilité des cameramen s’accroît.

Les reprises isolées permettent de présenter les jeux sous plusieurs angles différents et de filmer les montées au filet. Bien pratique pour suivre l’action d’un sport aussi rapide que le hockey.

Des joueurs talentueux tels que Guy Lafleur, Larry Robinson, Ken Dryden, Serge Savard, Yvan Cournoyer et Jacques Lemaire marqueront la décennie 1970, où le Canadien trône au sommet de la Ligue nationale.

En septembre 1972, c’est La série du siècle entre le Canada et l’URSS. Une série de rencontres échelonnées sur un mois où les meilleurs joueurs de hockey canadiens se mesurent aux hockeyeurs soviétiques.

Après une série d'humiliantes défaites, l'équipe du Canada revient de l’arrière lors des trois derniers matchs de la série pour rentrer au pays adulée par des milliers de supporteurs à l’aéroport de Dorval.

C’est en 1979 que les Nordiques font leur entrée dans la LNH. Les années 1980 seront marquées par la rivalité entre Québec et Montréal.

Tant et si bien que Radio-Canada décide d’ajouter quelques parties à son calendrier de diffusion. De 1980 à 1985, La soirée du hockey présente quelques rencontres Canadiens-Nordiques même si elles ne se déroulent pas le samedi.

L'animosité entre les deux clubs allait d’ailleurs atteindre son apogée un vendredi, lors de la célèbre bataille du Vendredi saint le 20 avril 1984.

L’entraîneur Michel Bergeron, toujours intense derrière le banc, deviendra lui aussi un commentateur important de La soirée du hockey de 1997 à 2002. 

Passionné de sport, René Lecavalier commente les matchs de La Soirée du hockey jusqu'à l’annonce de sa retraite en 1985. La qualité de sa syntaxe a inspiré un bon nombre de jeunes journalistes sportifs.

C’est Richard Garneau qui succédera à René Lecavalier à la suite de son départ. Jean Pagé animera l'émission de 1987 à 2003. Entre 1980 et 2002, Claude Quenneville commentera les parties en compagnie de plusieurs autres analystes.

Diffusée de 1952 à 2004 à l’antenne de Radio-Canada, l’émission a traversé plus d’un demi-siècle de notre histoire. Elle aura permis aux téléspectateurs de célébrer 18 des 24 Coupes Stanley remportées par les Canadiens de Montréal.