•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Vous naviguez sur le site Radio-Canada

Début du contenu principal

L’entraîneur « qui t’aime pour vrai »

L’entraîneur « qui t’aime pour vrai »

Un texte de Diane Sauvé Photographies par Pascal Ratthé

Publié le 14 février 2024

Nous sommes aux Jeux olympiques de Pékin en 2022. Laurent Dubreuil, alors champion du monde du 500 m, est dans la forme de sa vie. Il est le grand favori de l’épreuve reine en patinage de vitesse sur longue piste et le dernier à s’élancer. Mais il rate le podium par trois centièmes de seconde et termine 4e. Catastrophe pour le patineur de Lévis!

Quelques minutes plus tard, son entraîneur Gregor Jelonek s’amène et lui dit ceci : Je suis fier de toi. Tu as tout essayé. Ça n’a juste pas marché. Tu m’as fait vibrer. Merci.

Laurent Dubreuil nous relate ce moment avec les yeux dans l’eau.

De te faire dire que tu as rendu fier ton coach quand tu as échoué, ça me parle beaucoup, dit-il. Ça vient te faire réaliser que ce n’est pas juste la médaille [qui compte] et que le coach t’aime pour vrai. C'est pour ça que je suis encore avec lui.

Ce n’est pas comme si Gregor Jelonek avait 42 médailles olympiques à son actif, souligne Dubreuil. Il n’en avait aucune jusque-là.

L’entraîneur se souvient très bien de cet instant, mais il insiste : il s’agissait alors de son meilleur résultat aux JO. C’était quand même exceptionnel. J'étais fier parce qu'il y avait beaucoup de pression sur les épaules de Laurent, relate-t-il. Puis, la médaille n’était pas importante en bout de ligne.

Voilà ce qui résume Gregor Jelonek, qui pratique son métier depuis près de 30 ans : le bien-être à tout prix, et non la performance à tout prix.

Laurent Dubreuil, Valérie Maltais, Antoine Gélinas-Beaulieu et les autres patineurs du centre national Gaétan-Boucher à Québec sont unanimes : Gregor Jelonek est un entraîneur d’exception. Ils veulent tous aller à la guerre pour lui. Podium a voulu savoir pourquoi.

Gros plan d'un homme qui regarde au loin
Gregor Jelonek Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

« C’est ta carrière, ton bateau »
« C’est ta carrière, ton bateau »

Ça fait près de 15 ans que Laurent Dubreuil travaille avec Gregor Jelonek. Les deux se connaissent depuis toujours, l’entraîneur étant un ami des parents de Laurent, tous d’anciens patineurs.

Au fil du temps, Gregor est devenu plus qu’un entraîneur. C’est un ami, un confident, un modèle de vie, ajoute le spécialiste du 500 m.

Gregor est aussi le parrain de Rose, la fille de Laurent. Une demande qui avait alors ému aux larmes l’entraîneur.

« Gregor, pour moi, c’est comme mon deuxième père. C’est l’entraîneur le plus humain qui soit. »

— Une citation de   Laurent Dubreuil, patineur de l'équipe canadienne de longue piste
Gros plan d'un homme qui sourit.
Laurent Dubreuil travaille avec Gregor Jelonek depuis 15 ans.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Et Laurent Dubreuil n’est pas le seul de cet avis.

Parlez-en à Antoine Gélinas-Beaulieu, qui souffre d’asthme. Pendant ses crises, le champion du monde de sprint par équipe, avec Laurent Dubreuil et Christopher Fiola, était souvent laissé seul. Les gens lui posaient des questions, sans trop comprendre ce qu’il lui arrivait.

J’avais besoin d’une bulle. J'avais juste envie de gérer mon anxiété, ma crise de panique finalement, mon stress d'avoir de la misère à respirer. Dans ces moments-là, Gregor venait juste à côté de moi et il restait là, sans rien dire, sans chercher à comprendre. Juste avoir une présence dans des moments où tu es vulnérable, ça fait partie des plus beaux gestes. Et il fait souvent ça. Gregor, c’est mon roc, dit-il.

Le patineur de Sherbrooke le dit sans broncher : Gregor a changé sa vie. Antoine Gélinas-Beaulieu sortait d’une expérience éprouvante en patinage sur courte piste, où il raconte avoir été victime de violence psychologique. Après une pause de quatre ans pour régler des traumatismes, il a décidé de revenir au sport, et c’est uniquement, estime-t-il, grâce à Gregor Jelonek.

Je sentais que j'allais pouvoir être accepté comme j'étais, que j'allais pouvoir être écouté aussi comme personne, explique-t-il.

Encore une fois, l’humain avant l’athlète.

Un patineur plein d'entrain après une course.
Antoine Gélinas-Beaulieu est revenu au sport grâce à Gregor Jelonek.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Antoine Gélinas-Beaulieu a eu du mal à faire confiance à l’entraîneur à ses débuts à Québec, puis Gregor Jelonek lui a lancé ceci : Écoute Antoine, je ne suis pas là pour te dire quoi faire. Tu es le capitaine de ton propre bateau. Tu vas où tu veux. Moi, je suis juste là pour t'aider à naviguer.

C’est ni plus ni moins l’approche de Gregor Jelonek. Il n’y a pas de patron pour ainsi dire au centre national d’entraînement de Québec. Lui et son assistant, Muncef Ouardi, sont plutôt des collaborateurs, des guides, à l’écoute des besoins des athlètes.

C’était assez pour déstabiliser Valérie Maltais à son arrivée à Québec en 2022 après une quinzaine d’années passées à Montréal (courte piste) et à Calgary (longue piste). La meneuse de la présente saison de Coupe du monde en départ groupé avoue avoir été décontenancée par les questions de son nouvel entraîneur.

« Chaque fois que Gregor me demandait comment je me sentais et de quoi j'avais besoin, on dirait que je ne le savais pas. C’est ridicule, mais ce sont des questions qu’on ne m’avait jamais posées et que je ne m’étais jamais posées. »

— Une citation de   Valérie Maltais, patineuse de l'équipe canadienne de longue piste
Une jeune femme tient un trophée dans ses mains pendant qu'elle est félicitée par ses entraîneurs.
Valérie Maltais (au centre) et Gregor Jelonek (à droite) à la Coupe du monde de Québec, début février  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Pour Gregor Jelonek, tout doit d’abord venir de l’athlète. Il doit avoir son mot à dire sur son développement. C’est la meilleure façon pour que le patineur s’implique et pour lui donner confiance.

Ça donne [à l’athlète] le sentiment qu'il participe à son succès, explique-t-il. Ce n’est pas vrai que les entraîneurs ont toutes les réponses. Au contraire, on a besoin d'écouter les athlètes, de savoir comment ils voient ça. Ce n’est pas juste l'entraîneur qui a tout le fardeau sur ses épaules pour faire en sorte que l'athlète performe, il faut qu'il y ait un engagement de sa part.

Ça fait environ 10 ans que Christopher Fiola travaille avec Gregor Jelonek, un entraîneur qu’il considère comme un ami, surtout pas comme un patron. De pouvoir y mettre du sien lui permet, croit-il, d'essayer des choses. 

« Quand tu as un bourreau, tu vas faire le minimum parce que tu en as en masse. Tandis que si on te laisse la liberté, ça devient ta décision. Tu vas avoir plus de fun à le faire. »

— Une citation de   Christopher Fiola, patineur de l'équipe canadienne de longue piste

Ça me responsabilise. Il m'aide à prendre en charge ma propre carrière plutôt que de juste suivre ce que les gens me disent de faire, ajoute Laurent Dubreuil.

Les questions de Gregor ont forcé Valérie Maltais à l’introspection, à mieux se connaître. Oui, elle doute encore, mais la patineuse de 33 ans a maintenant des réponses et dit avoir appris une chose : le repos.

Moi, je suis une "yes girl", j'en veux toujours plus. C'était dur? Oui, oui, mais je suis capable d'en faire encore plus. Sauf qu’aussitôt que j'étais fatiguée, ça me prenait du temps à récupérer, confie-t-elle

Une patineuse à l'avant d'un peloton
Valérie Maltais en départ groupé à la Coupe du monde de Québec, début février Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Si bien qu’en dosant ses entraînements, Valérie Maltais peut prolonger sa carrière. C’est notamment ce qui lui permet de continuer jusqu’en 2026, vers ses cinquièmes Jeux olympiques.

Je sais que je n’aurai pas deux ans à me dire : "Vas-y! Pioche! Après ça, tu vas en finir." Non. Ce sera deux ans à exploiter mon potentiel pour arriver la meilleure possible aux Jeux olympiques. C'est une leçon de vie, estime-t-elle.

Un homme, l'air pensif, regarde au loin.
Gregor Jelonek Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Pas juste le patin
Pas juste le patin

Il n’y a pas juste le patin! C’est une phrase que répète souvent l’entraîneur de 55 ans à ses athlètes. Notamment à Cédrick Brunet, qui a touché le fond du baril mentalement. Le patineur de 23 ans a passé la dernière année à s’entraîner. Il ne s’était pas qualifié pour les Coupes du monde de l’hiver dernier et de l’automne 2023, un passage douloureux.

Cédrick a appris à élargir ses horizons, à faire autre chose afin d’avoir une soupape. Pas évident pour celui qui avait dans sa vie le patin… et le patin.

Avant que j'arrive avec Gregor, j'avais beaucoup de misère à manquer un entraînement, admet-il. Ce qu’il me fait comprendre au fur et à mesure, c’est que le patin, c'est peut-être secondaire. Tu fais ça parce que tu aimes ça. Absolument! Mais il y a d'autres choses. J'ai ma vie. Maintenant, si le patin va un peu moins bien, ce n'est pas ma vie qui est finie.

En fait, Gregor Jelonek a la même philosophie depuis 1995. Ses athlètes doivent aller à l’école ou travailler. Il n’est pas question de patiner seulement. Et c’est l’entraîneur qui s’adapte aux horaires de cours.

« Ça fait des athlètes qui ont réussi à vivre leur passion, mais sans oublier justement qu'ils ne sont pas unidimensionnels, qu'ils ne sont pas juste ça. Ils sont autre chose. »

— Une citation de   Gregor Jelonek, entraîneur de l'équipe canadienne de longue piste

Christopher Fiola est issu d’une famille qui, pour la plupart, n’a pas fait de longues études. Il n’avait aucune idée s’il allait fréquenter l’université. Le voici maintenant qui finit un deuxième certificat universitaire en cybersécurité parce qu’il a l’ouverture pour le faire.

Gregor Jelonek est catégorique : Un athlète qui sort de son sport sans études, c'est un individu qui n'a pas confiance en lui. C'est un individu qui est perdu.

Perdu, car la vie d’athlète avec les voyages, les brevets, le massothérapeute, le nutritionniste, les trophées et la reconnaissance, c’est terminé, poursuit Jelonek. Et plusieurs doutent de leur capacité à entreprendre des études à 35 ans.

« Il y a beaucoup d'athlètes après leur carrière qui ont fait des dépressions. Ce n’est pas facile. Alors, quand tu [te retires] avec au moins la moitié de ton bac de fait ou une année à faire, tu es dans la continuité de ce que tu faisais. »

— Une citation de   Gregor Jelonek

Christopher Fiola le sait trop bien. En 2018, dans le doute d’obtenir son brevet d’athlète et pour réduire le stress financier, il a décidé de se trouver un emploi à temps partiel en plus de ses études. Il savait que ça pouvait interférer avec son sport et a appelé Gregor pour l’en informer.

Il me dit : "T’es courageux de faire ça." Il ne m’a pas dit : "Ah, merde! Ça va tout déranger ton entraînement!" Ce ne sont pas tous les coachs qui auraient dit ça. Je m’attendais à ce qu’il soit un peu déçu, se souvient-il.

Mon entraîneur veut que je sois le meilleur sur la glace. Je fais quelque chose hors glace et il m’encourage quand même. C’est juste beau. C’est venu me chercher, mentionne-t-il en versant quelques larmes. Oui, il y a eu des conflits d’horaire, mais l’entraîneur a trouvé une solution.

« Il nous bâtit comme humain, sur la glace autant qu'en dehors. »

— Une citation de   Christopher Fiola
Un homme en survêtement rouge sourit.
Christopher Fiola soigne une blessure et n'a pas patiné à la Coupe du monde de Québec. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Durant sa longue carrière, Gregor Jelonek a entraîné des athlètes devenus médecins, ingénieurs, actuaires, dentistes, électriciens, menuisiers. Tout le monde est parti avec un bac, une maîtrise, un doctorat ou un métier.

C’est ce dont je suis le plus fier, insiste-t-il. C’est de cette manière-là que j’évalue mon succès en tant qu’entraîneur, et non avec les résultats.

C'est le seul coach que j'ai vu être content pour ses athlètes quand ils prennent leur retraite, indique Laurent Dubreuil. La plupart des entraîneurs veulent garder leur athlète. Lui, il veut que l'athlète soit bien.

Ils se cognent le poing
Laurent Dubreuil et Gregor Jelonek Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Y croire
Y croire

Le bien-être avant la performance, oui, mais pas question de se méprendre, Gregor Jelonek en mange, du patinage de vitesse. Et il croit fermement au potentiel de ses athlètes.

En 2012, Laurent Dubreuil a remporté les mondiaux juniors et a terminé 11e aux Championnats du monde séniors. Tout un exploit à son âge! Cette année-là, l’Américain Shani Davis, légende de son sport, n’a pas gagné de course pour la première fois depuis 2004. Un désastre.

Peu de temps après, Gregor a confié à Laurent avoir été approché informellement par les Américains pour entraîner leur équipe et Shani Davis. Gregor avait dit non.

Il a dit : "Premièrement, je suis bien à la maison. Et deuxièmement, j'ai mon Shani Davis dans mon groupe", en parlant de moi, indique Dubreuil. Lui voulait travailler avec moi plus qu'avec un des trois ou quatre meilleurs patineurs de l'histoire de notre sport. J’étais comme sous le choc.

C’est toute une marque de confiance envers le jeune patineur d’alors. Surtout que ça faisait 14 ans qu’un Québécois n’avait pas gagné de médaille en Coupe du monde.

« Gregor m’a dit : "On va en gagner des médailles, nous aussi. Je n’ai pas envie de coacher Shani, j’ai envie de te coacher, toi." Ça donne envie d’y aller en maudit! »

— Une citation de   Laurent Dubreuil

Depuis, Laurent Dubreuil compte 36 médailles individuelles en Coupe du monde.

Il soulève un trophée.
Laurent Dubreuil est 2e au classement général du 500 m en Coupe du monde cette saison. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Y croire, c’est la base, insiste Gregor Jelonek. Il raconte avoir déjà eu sous son aile des jeunes au talent très limité, mais qui rêvaient de s’entraîner avec lui à l’anneau extérieur de Québec. Il insiste : ils font partie des athlètes les plus marquants pour lui.

« Un jeune qui est passionné et qui vit son rêve, il mérite juste une chose, c'est que son entraîneur croit en lui. »

— Une citation de   Gregor Jelonek
Gros plan d'une de profil
Gregor Jelonek Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Le bon mot
Le bon mot

La vie d’athlète n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a des hauts et des bas et plusieurs virages pour les patineurs.

Béatrice Lamarche le reconnaît d’emblée : elle traverse une saison éprouvante. Au lieu de garder ça pour elle, la patineuse de 25 ans a appris à ouvrir son jeu.

Gregor m'a dit un moment donné : "La meilleure chose que tu puisses faire pour qu'on t'aide, c’est être 100 % vraie avec nous." Moi, quand ça ne va vraiment pas, c'est la première personne à qui j'ai envie de parler, confie-t-elle.

C’est ce qui est arrivé l’automne dernier. Elle prenait alors part à une Coupe du monde en Chine. Gregor n’y était pas. C’est Muncef Ouardi qui accompagnait l’équipe. Ça ne tournait pas rond pour la patineuse de Québec. Elle se sentait perdue. Sous les conseils de Muncef, elle a donc pris le téléphone.

« J’ai appelé Gregor en pleurant. On s’est parlé pendant cinq minutes. En fait, je n’ai rien dit. Il n’avait vu aucune de mes courses. Je n’ai pas eu besoin de parler, il a dit tout ce que j’avais besoin d’entendre. »

— Une citation de   Béatrice Lamarche, patineuse de l'équipe canadienne de longue piste
Une patineuse de vitesse dans un virage.
Béatrice Lamarche n'hésite pas à se confier à Gregor Jelonek. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Comme si Gregor Jelonek était doté d’un sixième sens, capable de sentir l’autre malgré les milliers de kilomètres, capable d’intervenir au bon moment avec les bons mots. C’est l’une de ses forces, admet-il.

L’entraîneur a rappelé à sa patineuse qu’elle était bonne, qu’elle se mettait probablement trop de pression et qu’elle devait retrouver le plaisir. À ce moment, elle ne s’amusait pas. Puis, il a ajouté ceci : Je vais te dire une chose : à Québec, le monde ne pense pas à toi.

On s'imagine que le monde arrête quand on n'a pas des bonnes courses. Lui m'a dit : "Le monde ne pense pas à ça." Quand on se met la pression, c'est comme si on veut plaire. Tu ne veux pas que les autres soient déçus par ce que tu fais. Le monde continue de vivre même si tu finis 14e. Ça a vraiment sonné une cloche dans ma tête, raconte-t-elle.

Il arrive aussi à Valérie Maltais de douter et de se dire oui, mais… un peu trop souvent. Là aussi, Gregor Jelonek a le mot pour apaiser le hamster en elle.

Quand tu as des doutes, tu te trouves poche instantanément et tout va mal. Ça va rapidement au négatif. Mais il a le tour de te ramener en te disant : "Attends, tu ne deviens pas poche instantanément." Puis, il trouve la petite phrase qui te permet de puiser dans ton potentiel, explique-t-elle.

Jordan Belchos, fiancé de Valérie Maltais et aussi patineur, a été surpris de se faire arrêter par Gregor Jelonek dans la rue en 2021 lorsqu’ils étaient en compétition aux Pays-Bas en temps de COVID. Les deux ne travaillaient même pas encore ensemble, puisque Jordan était alors basé à Calgary.

Il m’a dit : "Je peux voir que tu penses trop, que ça ne va pas bien." Je me suis dit : "Mais comment est-ce qu'il peut voir ça?" Il m'a vraiment dit des bons mots au bon moment, raconte-t-il.

Antoine Gélinas-Beaulieu lui avait confié qu’il vivait de l’intimidation de la part d’un membre du personnel à son retour au sport en 2015. Ça l’affectait beaucoup. Gregor Jelonek y est allé d’une puissante image pour lui.

« Gregor m’a dit : "Tu sais, le canard, il laisse le courant passer sous lui. Il reste au-dessus de ça." Cette image m'est restée en tête. Ça m’a fait réaliser que ces gens-là ont leurs propres difficultés. Ils ont leur propre toxicité. Je n'ai pas à rentrer dans leur courant. »

— Une citation de   Antoine Gélinas-Beaulieu

Je n'ai pas à embarquer dans leur monde, dans leur jeu. Ça a changé ma mentalité par rapport à ça et m’a fait reprendre le contrôle sur mes relations et sur les abus de pouvoir, poursuit le champion du monde du sprint par équipe.

Un patineur ajuste ses lunettes avant sa course.
Antoine Gélinas-Beaulieu affirme que Gregor Jelonek est son roc.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Cet entraîneur au grand cœur, au mot juste et à la passion plus grosse que le Centre de glaces Intact Assurance n’a pas toujours eu l’approche aussi décontractée avec ses patineurs.

Laurent Dubreuil a vu changer Gregor Jelonek au fil du temps. Il est aussi passionné qu’avant, mais plus calme, plus réfléchi et un peu plus détaché.

Il est moins directif. Même quand je suis arrivé, il était déjà moins directif que 10 ans auparavant. Il y avait une histoire où il avait demandé à une équipe junior de se tenir la main à l’aéroport parce qu’il était terrifié qu’il y en ait un qui se perde, dit-il.

Au début, il nous traitait plus comme des enfants. Puis maintenant, il nous traite plus comme des adultes.

Il se concentre.
Laurent Dubreuil a vu Gregor Jelonek évoluer au fil du temps. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Gregor Jelonek est le premier à reconnaître que son approche a évolué. Au début, la confiance et les repères n’y sont pas, mais il y a des attentes à gérer, tout comme la relation avec l’athlète.

« C'est sûr que quand tu commences à coacher, tu es plus directif. Mais avec les années, tu te rends compte que si tu es trop directif, ça t'amène beaucoup de tension à l'intérieur de toi, beaucoup d'anxiété aussi. Alors il faut que tu changes ton approche. »

— Une citation de   Gregor Jelonek

Il faut que tu apprennes à t'adapter à chacun des athlètes que tu entraînes. Ils ne sont pas tous pareils, rappelle-t-il. Alors, tu es mieux d'avoir une approche qui est plus calme, qui est plus zen et plus à l'écoute.

Gros plan d'homme avec un chandail rouge et une casquette noire.
Gregor Jelonek Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

L’intensité
L’intensité

Chaque fois que nous avons prononcé le mot intensité au sujet de Gregor Jelonek, tous ses patineurs ont rigolé, car l’entraîneur ne passe pas inaperçu pendant les courses. Il est du type démonstratif. Le nombre de décibels a tendance à monter en flèche.

C'est écœurant, son intensité!, lance Valérie Maltais. Tu la sens, cette énergie-là, quand tu patines. Quand tu passes à 50, 60 km à l’heure, tu n'entends pas nécessairement les mots, mais t'entends sa voix. C’est vraiment l’fun.

La patineuse de La Baie se souvient d’une épreuve en Norvège, cette année, où il avait perdu pied tellement il s'époumonait.

Juste avant une course, où on se sent en mission, il s'assure de nous ramener à la base, au neutre. Mais tu le sais dans sa voix que c'est quand même : "Enweye, vas-y!", ajoute-t-elle.

« Si je ne suis pas énergique en compétition, je ne vois pas comment l'athlète peut l'être aussi. Dans le sport de haut niveau, tu ne peux pas être passif. »

— Une citation de   Gregor Jelonek

Laurent Dubreuil aime raconter la fois où Gregor avait regardé la finale de l’Euro 2000 avec lui et ses parents lorsqu’il n’avait que 8 ans. Un match opposant l’Italie à la France, pays d’origine de son père.

Je n'avais jamais vu un adulte intense comme ça, se souvient le patineur. Ça m’a tellement marqué que j’avais encore peur de lui quand il a commencé à me coacher. Même 10 ans après.

La plupart des anciens protégés de Gregor Jelonek ont gardé contact avec lui après leur retraite sportive. Ils ont trouvé en lui un coach pour la vie.

« Un monde avec toutes des personnes comme lui serait vraiment un bon monde. »

— Une citation de   Jordan Belchos, patineur de l'équipe canadienne de longue piste
Assis sur la glace, il regarde au loin.

Un document réalisé par Radio-Canada Sports

Partager la page