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Les Carabins à la Coupe Vanier : 48 h chrono

Les Carabins à la Coupe Vanier : 48 h chrono

Publié le 27 novembre 2023

La tension est palpable dans le vestiaire. Les Carabins de l’Université de Montréal mènent 9-6 sur les Thunderbirds de UBC à la mi-temps de la Coupe Vanier, mais les visages sont longs, crispés.

Le secondeur Harold Miessan vient pourtant d’enflammer le vestiaire avec un discours passionné.

Dans un coin, le centre Alexis Lévesque-Gallant a le sentiment qu’il doit faire quelque chose. Il trouve que l’équipe est trop tendue.

Lui, le meneur habituellement silencieux, choisit des mots crus, mais qui visent juste.

Les gars, on se sort la tête du cul là, let’s go!

Des mots qui mettent la table à ceux de l’entraîneur-chef Marco Iadeluca.

« Si je t’avais garanti à notre première rencontre d’équipe le 6 janvier dernier qu’on serait en avance par trois points à la finale de la Coupe Vanier, aurais-tu signé le contrat? On est où on voulait être le jour 1! Mettez un sourire sur vos visages, les gars. On touche à l’objectif, il est juste devant nous! »

— Une citation de   Marco Iadeluca, entraîneur-chef des Carabins

Regardez-moi!, crie-t-il, plus fort. On est à 30 minutes de devenir immortels! Soyons excités. On va leur montrer ce que peuvent faire 48 Carabins quand l’enjeu est le plus grand. C’est notre moment, les gars! C’est notre moment!

Les joueurs, gonflés à bloc, crient puis se frappent la poitrine avec le poing. Ils retournent sur le terrain et reviendront au vestiaire avec la coupe et des cigares au bec, forts d’une victoire de 16-9.

Les Carabins ont ouvert toutes grandes leurs portes à Podium dans leur conquête de la Coupe Vanier. Voici le récit des 48 dernières heures qui les ont menés au deuxième titre national de leur histoire.

L’occasion de plonger dans l’univers surprenant et habituellement très secret d’une équipe de football.

Un joueur de football discute avec un homme pendant un entraînement.
Les Carabins ont tenu leur dernier entraînement avec épaulettes à deux jours de la Coupe Vanier.  Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Jeudi, à 48 h du match
Jeudi, à 48 h du match

Il est tout juste passé 13 h sur le terrain du magnifique stade Richardson de l’Université Queen’s, à Kingston. Les Carabins viennent de terminer leur dernier entraînement officiel de la saison.

Ils ont peaufiné leur préparation et répété des jeux pendant deux heures, sous un soleil discret derrière un filtre nuageux.

Au terme de la séance, l’entraîneur-chef Marco Iadeluca réunit le groupe au centre et s’adresse brièvement à ses joueurs. Il laisse le mot de la fin au capitaine et demi défensif Bruno Lagacé, un vétéran de cinquième année et étudiant à HEC.

L’homme à la moustache style fer à cheval ne s’éternise pas.

On reste focus, les gars. Soyez à l’heure au meeting.

L’entraînement est terminé, mais pas la journée des Carabins.

Après une courte pause dans leur chambre, la cinquantaine de joueurs sont conviés à une réunion d’équipe, la deuxième de la journée, dans une grande salle de leur hôtel. Marco Iadeluca prend la parole en premier.

Il commence par donner l’horaire du lendemain, à commencer par le déjeuner à 8 h 30, à la même heure que celui du samedi avant le grand match. Il veut installer la routine le plus rapidement possible.

Iadeluca, en bon père de famille, rappelle aussi à ses protégés de bien se tenir le soir au banquet organisé pour honorer les meilleurs joueurs de la dernière saison de football universitaire au pays. Jonathan Sénécal ne le sait pas, mais il sera nommé joueur par excellence au pays, tandis qu’Harold Miessan va remporter le titre de joueur défensif.

Ce soir, les gars, vous représentez les Carabins. On est sharp, on est polis, lance-t-il.

Un homme devant un ordinateur parle à des gens assis à ses côtés.
Marco Iadeluca (devant son ordinateur) dans une réunion d'équipe Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Ce sera la première interaction directe entre les Montréalais et leurs rivaux de UBC, aussi invités. Cette rencontre ne sera d’ailleurs pas oubliée le jour du match. Les Carabins estiment que certains membres des Thunderbirds leur manquent de respect.

Rapidement, Iadeluca oriente son allocution sur le match de samedi.

Il rappelle aux joueurs que les Carabins ont perdu leurs trois derniers matchs contre des formations de l’Ouest canadien, dont la finale de la Coupe Vanier contre ces mêmes oiseaux du tonnerre, à Québec, en 2015.

« Ils se présentent ici sans aucun complexe? C’est all right pour nous. On va donner un grand spectacle à la nation. On adore jouer au football ensemble. Plus c’est gros, plus on répond présent. »

— Une citation de   Marco Iadeluca

Iadeluca laisse ensuite sa place à Jean-Samuel Blanc, ancien joueur des Bleus, aujourd’hui coordonnateur des unités spéciales. Pendant une dizaine de minutes, il décortique des séquences vidéo de l’entraînement matinal et corrige le positionnement ou les angles de poursuite de ses joueurs.

Il demande ensuite à ce que l’on déplace deux tables et aligne ses joueurs en formation pour répéter une autre fois certains concepts.

La moitié du groupe, l’attaque, quitte ensuite la salle pour une autre, et le coordonnateur défensif Denis Touchette prend la parole. Touchette a remporté la Coupe Vanier comme joueur en 1987 avec l’Université McGill, justement contre les Thunderbirds.

Un homme devant son ordinateur portable regarde une séquence vidéo de football.
Denis Touchette, coordonnateur défensif des Carabins Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Sa longue feuille de route dans le football, son crâne un peu dégarni et sa moustache permanente, qui résiste au passage des modes, font de lui un homme respecté et aimé de ses joueurs.

« Les gars me disent souvent que je jouais à l’époque des casques en cuir. J’utilise beaucoup l’humour dans mes communications parce que le football, ça reste un jeu et il faut avoir du plaisir. On passe tellement de temps ensemble, je ne serais pas capable de le faire sans plaisir. »

— Une citation de   Denis Touchette, coordonnateur défensif des Carabins

Pendant une bonne demi-heure, il passe en revue les différentes formations de sa redoutable unité, dans un jargon bien souvent incompréhensible pour le commun des mortels qui ne baigne pas dans le monde du football.

Un homme gesticule en s'adressant à un groupe.
Antoine Pruneau, responsable des demi offensifs des Carabins Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

La matière est dense, les détails nombreux à assimiler. Pour détendre l’atmosphère, il taquine un joueur, puis Antoine Pruneau, son adjoint et responsable des demis défensifs. Il faut avoir l’esprit vif pour survivre aux flèches amicales nombreuses dans une équipe de football.

La réunion se termine par une analyse détaillée des receveurs adverses, de leurs tendances et de leurs tracés favoris. C’est beaucoup d’informations à assimiler.

Il faut juste qu’ils retiennent ce qui peut affecter leur position à eux, c’est ça qui est important, précise Touchette. Les joueurs vont souvent se regrouper et vont réviser les notes. Ils se questionnent entre eux.

Un entraîneur parle à ses joueurs pendant un entraînement.
Marco Iadeluca donne des directives à ses joueurs Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Vendredi, veille du match
Vendredi, veille du match

À 24 h du match, les Carabins foulent le terrain pour une répétition générale sans équipement. Pendant un peu moins d’une heure, ils révisent encore certaines formations. L’ambiance est détendue, le soleil généreux, mais le fond de l’air est froid.

Au début de la séance, Sarah Brisson-Legault réunit les joueurs autour du logo de l’Université Queen’s au centre du terrain. Elle est consultante en préparation mentale pour les Carabins depuis deux ans.

Pendant moins d’une dizaine de minutes, elle guide les joueurs dans une séance de visualisation mentale en vue du jour du match. Les joueurs sont silencieux et ont les yeux fermés. Dans ses bras, elle tient un petit haut-parleur et parle calmement au rythme de différentes chansons qui sont associées à des moments précis de cette journée, qu’elle décrit avec minutie.

Une femmes avec une tuque noire s'adresse à des joueurs rassemblés autour d'elle.
Sarah Brisson-Legault s'adresse aux joueurs sur le terrain Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Rien n’est laissé au hasard, du trajet en autobus vers le stade au retour sur le terrain après la mi-temps.

Sa séance se termine au son de la chanson Win de Jay Rock.

Les joueurs ont des outils mentaux qu’on a vus depuis le début de l’année et je m’en sers dans une visualisation guidée, explique-t-elle.

« La musique nous aide à représenter l’environnement similaire et on visualise toutes les formes d’adversité pour que les distractions soient éliminées le jour du match. Leur cerveau sera prêt. »

— Une citation de   Sarah Brisson-Legault, consultante en préparation mentale des Carabins

Le travail en préparation mentale ne se limite pas aux séances individuelles et de groupe. En collaboration avec le coordonnateur des communications de l’équipe, Renaud St-Laurent, Sarah Brisson-Legault s’assure que les publications des réseaux sociaux de l’équipe s’arriment à son message.

On essaie que nos messages soient cohérents pour ne pas qu’il y ait de dissonance cognitive et on essaie d’avoir la même ligne directrice, précise la spécialiste. On va donc passer nos idées avec des musiques qui les rejoignent et ça rend nos publications plus efficaces.

La trame narrative, c’est que les Carabins jouent dans la deuxième saison d’une série télé : les éliminatoires, après leur saison. Chaque match est un nouvel épisode. La Coupe Vanier sera le quatrième de quatre.

Deux hommes aux cheveux peroxydés avec des manteaux bleus sur un terrain de football.
Raphaël Bergeron-Gosselin et Renaud St-Laurent, de l'équipe des communications des Carabins Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Le coordonnateur des communications assure aussi une veille sur les publications sur les réseaux sociaux qui pourraient déranger les athlètes. Depuis leur éclatante victoire de 29-3 contre les Mustangs de Western, en demi-finale canadienne, plusieurs observateurs concédaient la victoire aux Bleus. Il y a là un danger réel.

« Quand j’ai vu des contenus qui vantaient trop les exploits de l'équipe, j’en ai parlé avec Sarah pour voir comment elle pouvait l’aborder avec les gars. Notre mot d’ordre en éliminatoires, c’est que le travail n’est pas terminé, même si certains voulaient nous couronner déjà. »

— Une citation de   Renaud St-Laurent, coordonnateur des communications des Carabins

Les messages de l’entraîneur-chef Marco Iadeluca, eux, ne sont jamais bien longs. Avant de quitter le terrain, vendredi midi, il s’appuie sur la date, le 24 novembre, pour passer son message.

« Demain matin, ce sera comme le matin de Noël pour nous. Les cadeaux seront sous le sapin et ce sera le temps de les déballer et de jouer. Après, on aura un mois pour fêter Noël pour vrai. »

— Une citation de   Marco Iadeluca

Cette image, Iadeluca n’avait pas prévu l’utiliser. Il a eu l’idée durant l’entraînement.

Je ne prépare jamais rien. Je suis quelqu’un d’émotif et je vis le moment présent, raconte-t-il. J’aime dire ce que je pense quand je le pense. J’ai juste eu le flash qu’on était à un mois de Noël.

De retour à l’hôtel, les joueurs profitent de deux heures libres. Une bonne vingtaine de jeunes hommes au manteau bleu se retrouvent dans un restaurant tex-mex où le rapport calories-prix est plutôt avantageux.

Les mastodontes de la ligne offensive sont installés aux tables à l’entrée. Tous ont opté pour le format le plus généreux de burritos. Les pains prennent la forme de briques presque aussi grosses qu’un ballon de football.

Ses amis rigolent pendant qu'il mange son énorme sandwich.
Alexis Lévesque-Gallant (au centre) dévore son sandwich. Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

Un des joueurs en commandera même un deuxième!

Les deux employées au comptoir ont du mal à répondre à la demande. Débordée, l’une d’elles brûle même la quesadilla du coordonnateur des communications qui engloutira malgré tout sa portion sans trop rechigner.

Les joueurs sont ensuite conviés à leurs dernières réunions de la saison.

Le coordonnateur offensif Gabriel Cousineau prend la parole. Il est le seul quart-arrière à avoir mené les Carabins à la Coupe Vanier en 2014. Sa glorieuse carrière universitaire a toutefois pris fin en finale de la Coupe Vanier en 2015.

Son dernier geste sportif avec les Carabins a été de lancer une interception qui a mené à la victoire de UBC. Il s’est fait tatouer la date de son ultime match en bleu sur le haut de la poitrine.

Ça peut avoir l’air d’un échec, mais c’est ce qui m’a donné l’ultime motivation en entrant dans ma vie adulte. Le travail n’est jamais vraiment fini. C’est comme lorsque tu montes une montagne, tu restes si peu de temps au sommet. Le résultat final, c’est un clin d’oeil par rapport au processus. C’est un peu mon côté spirituel, je m’en sers beaucoup pour motiver les gars. Ils me trouvent peut-être fatigant, mais je suis comme ça, dit-il.

Cousineau branche son ordinateur et enchaîne les blagues avec des GIF et des photos projetés sur un écran géant. Il se moque de bon cœur d’à peu près tous les membres et unités de l’équipe, lui inclus.

Les éclats de rire sont intenses, francs et généreux. Certains joueurs rient tellement qu’ils en pleurent. La pression d’une longue saison n’est pas venue à bout du plaisir sincère qu’ont les membres de cette grande famille.

Après cette courte, mais intense séance de rigolades, Cousineau reprend son sérieux et motive le groupe. Sa voix craque. Dans un vestiaire de football, les émotions sont bien plus ouvertement exprimées qu’on peut le croire.

« C’est super émouvant les grands matchs. Chaque fin d’année, qu’on gagne ou qu’on perd, je braille. Plusieurs gars vont quitter (l’équipe) et j’ai tissé de super belles relations avec eux. Je suis le plus jeune des trois gars chez moi et je vois tous les joueurs comme les petits frères que je n’ai jamais eus. »

— Une citation de   Gabriel Cousineau, coordonnateur offensif des Carabins

Les joueurs se divisent ensuite par unité. Avec l’attaque, Cousineau va rapidement survoler les 120 jeux qu’il a dans sa manche pour le match du lendemain.

Les jeux sont regroupés en fonction du type de situations. Premier essai, deuxième essai et court, deuxième essai et long et ainsi de suite. Cousineau demande à son quart-arrière Jonathan Sénécal de sélectionner les jeux qu’il préfère dans chaque catégorie. Cousineau choisira les jeux pendant le match, mais il veut s’assurer du niveau de confort de son protégé.

Il entretient d’ailleurs une relation privilégiée avec Sénécal. Quand Cousineau jouait pour les Carabins, il entraînait Sénécal au Collège Laval. Pendant son heure de lunch, Sénécal venait observer son mentor lorsqu’il analysait des séances vidéo.

« Pour moi, que Jonathan mène l’équipe à une Coupe Vanier, ce serait le plus grand accomplissement sportif de ma vie, devant même la coupe que j’ai remportée comme joueur. »

— Une citation de   Gabriel Cousineau
Un joueur en blanc court avec le ballon. Un adversaire en bleu tente de le plaquer.
Les Carabins ont battu UBC 16-9 en finale de la Coupe Vanier Photo : Carabins/James Hajjar

Samedi, jour de match
Samedi, jour de match

Il est environ 9 h 15 quand les premiers joueurs des Carabins prennent place dans les deux autobus qui les conduiront au stade. L’un des premiers à y monter, le demi défensif Kaylyn St-Cyr, revêt le chandail numéro 21 que son père, Irv Smith, a porté avec les Alouettes au début des années 2000.

Ce sera son dernier match avec les Carabins et son père, une source d’inspiration, a fait le voyage du Maryland pour venir le voir.

Le court trajet vers le stade, habituellement de 10 minutes, en prendra plus du double. Les autobus des Carabins sont suivis par ceux de UBC. Devant, la coupe Vanier est attachée et exhibée dans la boîte d’un camion aux couleurs de l’Université Queen’s. Le cortège circule dans l’indifférence la plus totale en ce samedi matin endormi à Kingston.

Le silence dans l’autobus n’est brisé que par la radio commerciale que personne n’écoute. Les joueurs ont tous leurs écouteurs et ont les yeux rivés sur leur téléphone.

Marco Iadeluca est assis dans la première rangée, aux côtés de sa fille Amanda. L’étudiante au cégep et joueuse de flag football n’a pas manqué un match ni un entraînement de l’année. Elle aide son père comme elle le peut.

Au stade, à trois heures du botté d’envoi, chacun vaque à sa routine. Pour s’amuser, le secondeur Nicky Farinaccio s’empare d’une caméra qui servira à la diffusion du match et demande à ce qu’on le prenne en photo.

Plus loin, le garde beauceron Adam Lachance, verres fumés sur le nez et écouteurs sur les oreilles, répète des gestes techniques, ses pas, son placement de mains, devant des adversaires fantômes.

Les joueurs vont lentement rentrer au vestiaire pour mettre leur uniforme blanc et bleu avant de retourner s’échauffer. Les soldats des tranchées, les lignes offensive et défensive, seront les derniers à revenir sur le terrain.

Lorsqu’ils y reviennent, ils sont accueillis par une haie d’honneur formée par tous les autres joueurs de l’équipe. Les gros bonshommes, il faut en prendre soin. Les amitiés aussi d’ailleurs.

À la fin de l’échauffement, le tout dernier de Kaylyn St-Cyr avec les Bleus, le demi défensif et le quart Jonathan Sénécal s’enlacent, conscients qu’ils en avaient le privilège pour la dernière fois.

Des joueurs de football, vêtus de blanc et de bleu, se concentrent dans le vestiaire avant un match important.
La ligne offensive des Carabins à quelques minutes de la finale nationale.  Photo : Radio-Canada / Antoine Deshaies

De retour au vestiaire, le calme règne. Les guerriers de ligne offensive se maquillent le tour des yeux avec du crayon noir. Dans l’autre moitié du vestiaire, Denis Touchette y va de derniers rappels à son unité défensive qui n’a pas accordé de touché à ses trois derniers matchs.

Vous avez réussi à faire ça toute l’année, ça finit aujourd’hui. Amuse-toi et profites-en, man, crie-t-il à ses joueurs.

On va faire ce qu’on fait de mieux, les gars, on va semer le chaos, ajoute Kaylyn St-Cyr.

L’équipe se réunit ensuite autour de sa consultante en préparation mentale, qui dirige un court exercice de respiration. Marco Iadeluca, après avoir demandé à ses joueurs de toucher à leur voisin, prononce son dernier discours d’avant-match.

Un entraîneur de football, vêtu d'un chandail bleu, prononce un discours engagé dans le vestiaire avant un match de championnat.
Marco Iadeluca Photo : Carabins/James Hajjar

L’allocution d’un peu plus de trois minutes culminera sous les cris de ses joueurs, prêts à défoncer le mur pour lui.

« Fais confiance au gars à ta gauche et fais confiance au gars à ta droite. La recette de notre succès, c’est qu’on est une équipe, une famille et on joue ensemble. Les 48 joueurs vont gagner cette partie-là. Tu vas avoir des hauts et des bas. Tu restes concentré. »

— Une citation de   Marco Iadeluca

Il exhorte ses joueurs à demeurer disciplinés sur le terrain.

On les a vus au banquet, cette équipe-là, ils aiment ça jacasser. Toute l’année, on a dit qu’on ne parlait pas. À la fin de la journée, on va parler, pas maintenant. Sur le terrain, tu parles avec ton casque et tes épaulettes, entre les lignes et entre les sifflets. On se concentre sur nous.

Cette partie-là n’était pas personnelle, on était ici pour compléter le travail amorcé, mais ils en ont fait une affaire personnelle! Ils en ont fait une affaire personnelle! On va leur montrer. Quand 48 Carabins donnent tout ce qu’ils ont, on va toujours sortir au sommet qu’on affronte n’importe qui, n’importe où. On va toujours être au sommet.

« Ça fait trois ans qu’on travaille et c’est notre moment. C’est notre moment. Attachez vos casques, buckle up, let’s go!!! »

— Une citation de   Marco Iadeluca
Des partisans de football en bleu acclament leur équipe.
Les partisans des Carabins en liesse Photo : Carabins/James Hajjar

Il ne reste que trois secondes au cadran. Les Carabins sont en avance par sept points et les Thunderbirds, profondément dans leur territoire, ont besoin d’un jeu miracle pour forcer la prolongation. La défense montréalaise a le match entre ses mains.

Mathieu Pronovost, le responsable de la ligne offensive, n’en peut plus. Son travail est terminé, il s’écrase sur le banc, vidé. Le bloqueur Alexandre Levac vient le rejoindre. Le mastodonte lui prend la main. Ils vivront ces dernières secondes à l’écart.

Devant eux, Marc-Antoine Dequoy, Redha Kramdi, Benoit Marion et Brian Harelimana, quatre anciens Carabins devenus joueurs dans la LCF, multiplient les accolades, sûrs que le match est gagné.

Le quart Jonathan Sénécal a un genou au sol à côté du receveur Alexandre Jones Dudley. Les deux partiront à courir en criant vers le centre du terrain une fois le jeu terminé. Juste à côté, Marco Iadeluca lève les bras au ciel vers les partisans des Carabins dans les gradins. Sa fille Amanda se jette dans ses bras.

L'entraîneur de football, vêtu de noir, enlace sa fille après une victoire de son équipe.
L'entraîneur des Carabins, Marco Iadeluca, et sa fille Amanda Photo : Carabins/James Hajjar

Gabriel Cousineau, lui, peine à y croire. Il l’avait annoncé, mais il a les yeux pleins d’eau. Il a réussi, ils ont réussi.

Le petit receveur Carl Chabot, qui avait perdu la finale de la Coupe Vanier en 2019, pleurait avant même que les trois dernières secondes se soient écoulées.

« Ce sont des larmes de joie et de fierté parce qu’on a consacré 40 heures par semaine depuis des années pour en arriver à ce moment. On a tellement de plaisir au sein de l’équipe, on développe des relations interpersonnelles avec tout le monde. C’est vraiment spécial d’être un Carabin. »

— Une citation de   Carl Chabot, receveur des Carabins

Au cœur du capharnaüm créé par l’arrivée des familles et des partisans de l’équipe, Denis Touchette peine à trouver les mots. Il est félicité de toutes parts. Son unité a réussi l’exploit de n’accorder aucun touché en quatre matchs éliminatoires. 

Pour la deuxième fois de sa vie, la première comme entraîneur, il touche à la coupe Vanier.

Je ne peux pas te dire comment je me sens, parce que ça va vite et il y a beaucoup d'émotions. L’université nous donne beaucoup de ressources, on a du plaisir à travailler tout le monde ensemble. Ça transpire dans notre façon de jouer et ça me rend très fier.

Ce groupe-là le méritait, parce qu’on a subi deux grosses défaites depuis deux ans et on tenait à réécrire l’histoire avec une fin plus heureuse, dit Marco Iadeluca sur le terrain. Avant le match, j’ai dit aux entraîneurs que peu importe si l’on gagnait ou l’on perdait le match, je n’aurais rien fait de différent cette année.

« Les joueurs ont cru en nous et nous ont suivis depuis le début. Les gars étaient tellement concentrés cette semaine, on n’a presque rien eu à faire. C’est un groupe très spécial. »

— Une citation de   Marco Iadeluca
Des joueurs de football, vêtus de blanc et de lunettes de ski, s'aspergent de champagne dans le vestiaire après la conquête d'un titre.
Célébrations dans le vestiaire des Carabins à la Coupe Vanier 2023 Photo : Carabins/James Hajjar

Un groupe très spécial qui a longuement célébré cette deuxième conquête dans le vestiaire après le match. L’un des meilleurs receveurs de passes au pays, Hassane Dosso, était au cœur des célébrations, malgré qu’il ait subi une grave fracture à la jambe en fin de saison.

Il dansait sur une jambe, cigare au bec et béquilles dans une main, champion comme les 48 qui ont joué le match et tous les autres qui ont contribué à cette conquête.

Parce que même les immortels ont parfois besoin de béquilles.

Photos d'entête et du chapitre 3 (samedi) par James Hajjar/Carabins de l'Université de Montréal

Photos des chapitres 1 (jeudi) et 2 (vendredi) par Antoine Deshaies

Un document réalisé par Radio-Canada Sports

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