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5 leçons climatiques tirées de la fournaise de Phoenix

Envoyé spécial

5 leçons climatiques tirées de la fournaise de Phoenix

Publié le 28 août 2023

Des millions d’Américains ont eu très chaud cet été. Des phénomènes météorologiques dopés par les gaz à effet de serre ont contribué à maintenir les températures à des niveaux extrêmes et dangereux. Phoenix a battu toutes sortes de records. Mais dans cette ville située en plein désert de l’Arizona, on tente de s’adapter… même si le mercure risque de grimper encore.

Deux personnes assises devant un immense ventilateur.
Le 19 juillet 2023, des gens tentent de se rafraîchir au centre Justa pour les sans-abri alors que la température atteint 40 degrés Celsius à Phoenix. Photo : La Presse canadienne / AP/Ross D. Franklin

1. Des villes aux températures « trop » extrêmes pour le corps humain
1. Des villes aux températures « trop » extrêmes pour le corps humain

Il faut quelques heures au cerveau d’un visiteur pour comprendre que le corps humain n’apprécie pas vraiment les 45 degrés Celsius. Ce n’est pas tant le soleil sur la peau que la chaleur qu’il émet.

Après quelques heures à ces températures élevées, l'énergie se dissipe, la patience s’évapore. Le visiteur cherche l’ombre et l’eau. Mais pas celle de la bouteille laissée dans un véhicule stationné sous le soleil.

La normalité des choses n’existe plus : les poignées de porte en métal brûlent, les bancs de parc en plastique perdent leur utilité. Même le cellulaire réclame un peu de fraîcheur…

À Phoenix, le répit vient surtout avec l’air climatisé. En pleine chaleur, les rues sont désertes. Ceux qui doivent sortir le font rapidement. Les activités extérieures se font très tôt ou après le coucher du soleil. Des conditions bien difficiles pour ceux qui n’ont pas de domicile où emmagasiner un peu de fraîcheur.

Les itinérants sont parmi les plus vulnérables. Surtout ceux qui campent sur l’asphalte du centre de Phoenix. Chaud n’est pas le bon mot, lance Ajoana, rencontrée près d’une douche improvisée avec un tuyau d’arrosage attaché à une clôture. C’est brûlant. Comme en enfer! Elle dort mal sous la tente, sommeillant en agitant un morceau de carton près de son visage.

Il y a une semaine où ça a été vraiment pénible. Je pense qu’ils ont trouvé trois morts. Des gens parfois intoxiqués, dont le corps n’a pas supporté les longues périodes de chaleur.

Le secteur surnommé The Zone est un des endroits qui inquiètent beaucoup les autorités municipales. De l’eau fraîche, des solutions hydratantes et des conseils sont régulièrement dispensés par une petite armée de bénévoles.

Nos appels au 911 sont prioritaires, explique Michelle Litwin, du programme de réponse à la chaleur pour Phoenix. Les hôpitaux ont ajusté leurs routines. Les corps en surchauffe sont plongés dans un sac mortuaire rempli de glace.

Chaque matin, un autobus municipal se gare près du campement. C’est un refuge climatisé de plus pour aider les corps à rester fonctionnels. Une autre mesure pour tenter d’éviter les morts. Lorsqu’il fait très chaud, Ajoana consacre ses journées à rester au frais. Si l’on voit quelqu’un qui a l’air déshydraté, on lui donne à boire. Tant qu’on reste ensemble, on est en sécurité.

Un homme marche dans une rue asphaltée.
La chaleur extrême enregistrée à Phoenix nuit à la qualité de vie de ses résidents. Photo : Getty Images / Mario Tama

2. Tous ne sont pas égaux devant les chaleurs extrêmes
2. Tous ne sont pas égaux devant les chaleurs extrêmes

Contrairement aux itinérants, la vaste majorité des habitants de Phoenix a accès à l’air climatisé le jour et la nuit. L’été, la ville dépend plus que jamais de son réseau électrique. Le son des climatiseurs est omniprésent.

D’ailleurs, une bonne partie des décès liés à la chaleur surviennent justement dans des domiciles où le climatiseur est soit brisé, soit inutilisé pour économiser sur la facture d’électricité. Une facture qui peut vite monter par ces temps où le mercure ne descend pas beaucoup. Le privilège de pouvoir dormir la nuit? Ça vaut 400 dollars [américains] pour le mois de juillet, lance Juana Silva.

C’est le double d’une facture normale. Et c’est un problème pour sa famille. Nous vivons d’une paie à l’autre. On s’habitue à l’air climatisé, mais c’est un choc de voir que ça coûte 400 dollars.

Juana habite un des quartiers où il y a le moins d'arbres de tout Phoenix. Il y fait donc plus chaud la nuit en raison de l’effet îlot de chaleur. Inversement, les quartiers plus aisés ont plus d’arbres… et sont généralement plus au frais.

C’est une inégalité de l’ombre qui a des conséquences financières et sanitaires. Surtout que les moins riches marchent davantage au soleil pour aller travailler et faire les courses.

Juana explique que les pompiers viennent fréquemment dans son quartier. Souvent en raison de coups de chaleur. Ceux qui travaillent à l’extérieur sont eux aussi vulnérables, même s’ils commencent aux aurores et font des pauses plus longues.

Un homme se tient debout sur un sentier. Les différentes zones de chaleur sont peintes sur l'image.
Une caméra thermique capte les zones de chaleur dans cette scène à Phoenix, en Arizona. Il faisait 105 degrés Fahrenheit (40 degrés Celsius) le 26 juillet 2023. Photo : Reuters / CARLOS BARRIA

3. Le défi d’anticiper les vagues de chaleur extrêmes
3. Le défi d’anticiper les vagues de chaleur extrêmes

Ceux qui habitent Phoenix sont habitués à modifier leurs comportements pour s'adapter aux températures extrêmes de l’été. Comme les Canadiens le font l’hiver. Sauf que les prévisions liées aux bouleversements climatiques laissent envisager une multiplication et une intensification des périodes chaudes.

Tout un paradoxe pour cette métropole américaine qui croît rapidement ces jours-ci : on ne trouve pas grand monde à Phoenix pour suggérer de déménager et d’abandonner cette ville en plein désert.

Nous prenons ça très au sérieux, nous voulons être la ville du désert la plus durable, rappelle la mairesse, Kate Gallego. Nous essayons de planifier, d’anticiper les besoins pour les infrastructures et les citoyens.

L’administration municipale est à l’avant-plan des efforts. Depuis deux ans, un tsar de la chaleur affine de multiples stratégies. L’aide immédiate aux plus vulnérables est repensée, les solutions à plus long terme sont étudiées. C’est désormais sur le bureau du tsar de la chaleur qu’arrivent les questions urgentes et les pistes de solutions qui peuvent être partagées avec d’autres services municipaux et les entreprises qui aident la ville à se développer.

La mairesse assure que la création d’un bureau de réponse et d'atténuation de la chaleur a concentré les énergies de bien des gens. Ça a comblé un vide de gouvernance. Qui, dans une ville, est responsable de ce qui touche la chaleur?

Depuis, le service de voirie a entrepris de couvrir certaines rues d’un produit pour que l’asphalte réfléchisse la chaleur plutôt que de l’absorber. On considère aussi les différentes options de toits blancs et les meilleures façons de fournir de l’ombre aux passants.

Un cycliste passe près d'un cactus tombé au sol.
La vague de chaleur de l'été 2023 en Arizona contribue à la mort de ses célèbres cactus. Photo : Getty Images / Mario Tama

4. Les solutions de la science et de l’urbanisme
4. Les solutions de la science et de l’urbanisme

Les chaleurs extrêmes de l’été devraient pousser à l’action, lance Anna Bettis, de l'organisme Nature Conservancy, qui met en avant des solutions inspirées de la nature. Comment peut-on dessiner nos quartiers pour qu’ils ne soient ni aussi chauds ni victimes de l’effet d’îlot de chaleur? Comment inciter les développeurs immobiliers à créer des bâtiments plus frais? Même chose pour les quartiers existants.

Anna Bettis croit qu’en utilisant les bonnes solutions, Phoenix peut devenir moins intolérable qu’aujourd’hui. Même si les étés sont appelés à être plus chauds. Nous avons le pouvoir de changer les choses, lance-t-elle.

L’environnementaliste cite des scénarios étudiés à l’Université de l’État d’Arizona, où beaucoup de chercheurs se penchent sur tout ce qui touche les températures extrêmes. Leurs travaux informent notamment l’administration de Phoenix.

Ces gens étudient parfois des sujets pointus et les réponses qu'ils obtiennent peuvent sauver des vies. Par exemple, on cherche à déterminer quelles sont les maladies chroniques les plus susceptibles d’empirer rapidement sous l’effet d’une vague de chaleur.

D’autres veulent comprendre quels types d’ombre (venant des arbres, d’une voile, d’un édifice) sont les plus efficaces ou encore comment réagit le corps humain à différents types de chaleur. Une température de 35 degrés Celsius à l’ombre, c’est un ressenti de plus de 71 en plein soleil, debout sur du béton à Phoenix. Mais les données seront différentes là où l’air est plus humide.

Ce qui marche ici ne marchera peut-être pas à Montréal, explique la chercheuse Ariane Middle.

Des automobilistes réunis à South Mountain Park après le coucher du soleil.
Point de vue sur la ville de Phoenix qui subit une vague de chaleur à l'été 2023. Photo : Getty Images / Mario Tama

5. Les villes en climat plus tempéré peuvent aussi avoir chaud
5. Les villes en climat plus tempéré peuvent aussi avoir chaud

En plein désert, Phoenix offre en quelque sorte un avant-goût de ce que signifie vivre dans un monde plus chaud. Les défis de cette métropole du désert peuvent servir de leçons.

La canicule qu’a subie l’Europe en 2003 (70 000 morts estimées) et celle qu’a affrontée l’ouest de l’Amérique du Nord en 2021 (1400 décès estimés, dont 800 au Canada) signalent que les villes au climat plus tempéré ne sont pas à l’abri.

L’avertissement vaut pour les élus, les producteurs d’énergie, mais aussi pour les usines sans climatisation, où la production peut être paralysée par des chaleurs extrêmes rendant les locaux trop chauds.

La mairesse de Phoenix l’a bien compris. Kate Gallego recommande d’ailleurs à toutes les villes de nommer un responsable pour évaluer les risques liés à la chaleur.

La chaleur, c’est un défi pour les communautés qui avaient l’habitude de se préoccuper du froid. La chaleur, c’est un problème grandissant qui mérite aussi leur attention.

Photo d'en-tête : Yanik Dumont Baron
Photos des chapitres suivants :
La Presse canadienne/AP/Ross D. Franklin
Getty Images/Mario Tama

Un document réalisé par Radio-Canada Info

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