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L'art d'utiliser les réseaux sociaux pour partager les réalités autochtones

L'art d'utiliser les réseaux sociaux pour partager les réalités autochtones

Texte : Tania Rock-Picard et Véronik PicardIllustrations : Véronik Picard

Publié le 29 janvier 2021

En 2020, deux facteurs ont favorisé l’émergence de nouveaux créateurs de contenus sur les réseaux sociaux, soit le contexte pandémique et la montée en popularité de TikTok. Parmi eux, des Autochtones de différentes nations ont voulu mettre le sourire sur les lèvres de leur public et en ont profité pour sensibiliser à leur réalité.

Certains avec l'humour, d’autres avec le chant ou la danse. Shina Novalinga, James Jones, Sandra-Lyne Michel et Jonathan Vollant utilisent leur plateforme avec cœur, et pour continuer de faire évoluer les choses à leur façon. 

Sina Novalinga, une influenceuse inuk.
Sina Novalinga, une influenceuse inuk Photo : Radio-Canada / Véronik Picard

Sina Novalinga, des chants de gorge qui changent les choses
Sina Novalinga, des chants de gorge qui changent les choses

Assise dans son appartement à Montréal, Shina Novalinga, une Inuk de la communauté de Puvirnituq, au Nunavik, me raconte que sa mère et elle ont décidé de s’amuser un soir de confinement.

Elles ont publié une vidéo de chant de gorge qui a pris des proportions inespérées. À seulement 22 ans, Shina atteint les 1,2 million d'abonnés sur TikTok. Elle est également finissante d’une technique en gestion d'entreprise au CEGEP John Abbott. 

J’ai toujours eu peur du jugement des autres face à la culture inuit, alors je n’en parlais pas à mes amis et collègues de classe, confie-t-elle. La réaction positive de la communauté sur TikTok par rapport aux chants de gorge lui a permis d’assumer sa culture et d’en devenir une porte-parole.

« Il y a une belle communauté autochtone sur TikTok et je trouve ça très encourageant d’avoir le soutien de toutes ces personnes. »

— Une citation de   Shina Novalinga

Kayuula Novalinga est la mère de Shina, mais aussi une chanteuse de gorge professionnelle. C’est ensemble qu’elles publient des vidéos sur TikTok. Face à face, elles livrent leur performance avec des chants traditionnels qui leur ont été transmis par d’autres membres de leur communauté par la tradition orale.

@shinanova

If done with respect, I encourage you to try to imitate this sound ✨@kayuulanova #throatsinging #culture #ancestors #educational

♬ original sound - Shina Nova

Les chanteurs de gorge se connectent ensemble, ce qui a permis à ma mère et moi de renforcer notre relation, même si nous avons toujours été meilleures amies, ajoute Shina.

Ensemble, elles enseignent leur culture à de jeunes Inuit qui sont placés dans des familles d'accueil avec des parents allochtones. 

Sensibilisation à la culture inuit

Shina espère qu’elle peut avoir un impact positif et instructif sur son public, car elle a l’impression qu’au Québec peu de gens connaissent la culture inuit. 

Plusieurs personnes que je rencontre ne savent pas que dans leur province, il y a des Inuit ainsi qu’une culture et une réalité toujours bien vivante et différente de la leur, dit Shina Novalinga.

Ses vidéos ont donc souvent pour but de donner une voix à son peuple. Elle espère qu’il puisse être fier de parler des aspects culturels de sa vie tels que la chasse au béluga et ce mets typique qu’est le béluga cru.

Ce sont des sujets qui sont très critiqués principalement en raison de la surpêche du béluga autrefois. Pour elle, il est important que son public fasse la différence entre la surpêche et la pêche pour des raisons de survie et de perpétuation d’une culture.

@shinanova

Some of our favorite traditional meal, "Mattaq" #indigenous #inuit #culture #beluga #traditionalfood @kayuulanova

♬ original sound - Shina Nova

Elle explique également qu’en raison des transports de marchandises vers le nord par avion, la nourriture coûte beaucoup plus cher au Nunavik que dans le reste de la province de Québec. La poursuite des activités traditionnelles telles que la pêche au béluga et la chasse au caribou est donc essentielle. 

L’importance des femmes

Shina a grandi entourée de femmes qui sont très importantes pour elle. Grâce à sa plateforme, elle désire que les femmes autochtones qui vivent de la violence ou qui se remettent de traumatismes  se sentent importantes elles aussi. 

C’est pour cette raison qu’en décembre dernier, elle a utilisé sa plateforme pour organiser une levée de fonds afin de mettre en lumière ces femmes. Avec les 11 000 $ amassés, elle a préparé des sacs cadeaux pour Noël contenant des produits essentiels, mais aussi des vêtements et des bijoux faits à la main par des artisanes autochtones. 

Dans les prochains mois, elle prévoit continuer à produire du contenu sur les réseaux sociaux. Sa mère et elle ont également un premier album de chants de gorge en chemin. 

Pour les prochaines années, elle désire faire un baccalauréat en études autochtones et ensuite fonder sa propre entreprise.

James Jones, un influenceur cri.
James Jones, un influenceur cri Photo : Radio-Canada / Véronik Picard

James Jones, une personnalité qui fait craquer des millions de personnes
James Jones, une personnalité qui fait craquer des millions de personnes

C’est à travers nos écrans que James Jones, un Cri de la communauté de Tallcree, en Alberta, et moi avons échangé sur sa vision de la sensibilisation aux réalités autochtones par le biais des réseaux sociaux. Lui, en Alberta, moi au Québec, il m’explique que selon lui, tous les Autochtones au Canada ont le même point commun : l’humour. 

C’est avec cet humour qu’il a publié ses premières vidéos sur TikTok. Dans l'une de ces vidéos on pouvait le voir, valise à la main, bien déçu de ne pas pouvoir faire la route des pow-wow en raison de la pandémie de COVID-19. 

Il a donc décidé de sortir ses regalia (habits traditionnels de danse) dans son salon. C’est à ce moment que la communauté sur TikTok a commencé à découvrir James Jones, mieux connu sous le nom de Notorious Cree. 

Avant de publier cette vidéo, il était gêné de montrer ses regalia, il avait peur de la réception des gens par rapport à sa culture. 

« Lorsque j’ai constaté la réaction positive des gens, j’étais tellement fier d’avoir eu le courage d’être moi-même. »

— Une citation de   James Jones

James Jones est à l’origine d’un nouveau phénomène sur TikTok, soit l’émergence de créateurs de contenus autochtones. Le magazine Vogue s’est même intéressé, en juillet dernier, à cet engouement positif pour les vidéos de ce Cri du nord de l’Alberta. 

Un danseur dans l’âme

James Jones danse depuis son jeune âge. Il a commencé avec le breakdance et le Hip Hop. Depuis maintenant 15 ans, il danse dans les pow-wow et il possède des regalia pour chacun des types de danse qu’il pratique : grass dance, fancy dance, hoop dance et chicken dance

La danse de cerceau lui a permis de faire des performances avec le groupe de musique A Tribe Called Red, avec qui il a fait une tournée d’un mois en Australie. James Jones confie que c’est grâce à ces expériences qu’il s’est rapproché de sa culture, ce qui lui a permis de devenir l’homme qu’il est aujourd’hui. 

Je n’ai pas eu la chance de connaître la culture crie dans ma jeunesse, c’est une partie de moi qui me manquait et, pendant de nombreuses années, je me sentais perdu, confie-t-il.

J’ai travaillé fort pour devenir l’homme que je suis aujourd’hui.  Je n’ai pas toujours été sobre et sage, mais j’ai fait de belles rencontres avec des aînés autochtones de partout dans le monde qui m’ont permis de me reconnecter avec ma culture et de devenir une meilleure version de moi-même.

Changer les choses auprès des siens

Bien conscient qu’il n’a pas eu la chance d’apprendre sa culture autour de lui, il se fait un devoir de la partager pour les autres Autochtones qui le suivent et qui n’ont pas eu cette chance non plus.

Il tient à dire à tous les Autochtones que peu importe leur apparence ou leur vécu, ils peuvent être fiers de leur culture et ils peuvent la vivre comme ils le souhaitent. Il reprend également une phrase du célèbre film Smoke Signals : C’est toujours une belle journée pour être autochtone.

Ce créateur de sourires permet également aux allochtones de découvrir différentes réalités autochtones au Canada. James collabore avec d’autres créateurs de contenu pour faire découvrir leurs cultures. Il a notamment passé quelques jours avec Shina Novalinga dans les dernières semaines, au grand bonheur de leurs abonnés. Il nous souhaite beaucoup d’amour et de respect pour l’année 2021.

Sandra-Lyne Michel et Jonathan Vollant, des influenceurs innus.
Sandra-Lyne Michel et Jonathan Vollant, des influenceurs innus Photo : Radio-Canada / Véronik Picard

« Rire », « respect » et « résilience » : les 3 R de Jonathan et Sandra-Lyne
« Rire », « respect » et « résilience » : les 3 R de Jonathan et Sandra-Lyne

Depuis leur maison, à Wendake, Sandra-Lyne Michel, Innue de Uashat mak Mani-Utenam, et Jonathan Vollant, Innu de Pessamit, racontent l’histoire derrière les vidéos qu’ils publient sur Facebook et sur TikTok. En leur compagnie, même à distance, les conversations sont faciles et les rires sont contagieux. 

Depuis le début du confinement, en mars 2020, ils partagent des moments cocasses qui font rire autant les Autochtones que les allochtones sur les réseaux sociaux. Ces deux Innus sont devenus des créateurs de bonheur grâce à leurs capsules humoristiques.

Le rire, Jonathan en a eu besoin très jeune. À l’âge de 11 ans, il reçoit un diagnostic de tumeur au cerveau. Il a combattu  ce cancer pendant plus d’un an, mais il lui reste des séquelles. Désormais, Jonathan a des problèmes de mémoire à court terme. 

« Le rire m’a sauvé la vie et c’est ce que je souhaite redonner et partager à tous durant les dures épreuves de la COVID-19. »

— Une citation de   Jonathan Vollant

Sandra-Lyne et Jonathan ont décidé d'en rire. Dans les vidéos, Sandra-Lyne joue des tours à Jonathan, qui se prête au jeu. Sandra-Lyne met l’accent sur le respect, elle spécifie qu’en général les Innus n’ont pas tendance à rire des autres, mais avec les autres. 

Pour eux, l’humour aide à traverser les difficultés, à se sentir bien et à se rapprocher, encore plus en ces temps de pandémie. C’est pourquoi rire, respect et résilience sont des mots qui sont souvent revenus lors de l’entrevue.

Des rires qui font du bien

Aujourd’hui, celui qui est devenu une véritable vedette dans sa communauté utilise le rire pour aider les autres à atteindre cette résilience qui lui a été si utile. 

Pour Sandra-Lyne et Jonathan, il est important de bien utiliser leur plateforme. Ils organisent donc des levées de fonds virtuelles pour différentes causes. Grâce à l'une de leurs vidéos qui a été partagée près de 1000 fois en 24 heures, ils ont recueilli 15 000 $ pour la famille de Joyce Echaquan.

D’un appel d’une jolie anglophone qui lui fait des avances, à celui d’une infirmière pour des résultats de COVID-19, en passant par une conversation avec sa tante Hortance, Jonathan crée des événements cocasses avec ses réactions comiques. De son côté, Sandra-Lyne organise des coups de téléphone humoristiques à l’aide de complices qui jouent différents rôles. 

@sandralinemichel

#pourtoi un souper presque parfais a l anglaise

♬ son original - Sandra-Line Michel

Plusieurs commentaires les encouragent à continuer à aider et à faire rire la population. Sandra-Lyne raconte, émue, qu’une femme les a contactés par Facetime peu de temps avant son décès, afin de les remercier pour ces beaux derniers moments qu’elle a vécus à rire aux éclats en regardant ces vidéos sur son lit d’hôpital.

Tant mieux si ça peut aider, même si je ne pensais pas que ça allait se rendre-là. Ça me donne le goût d’en faire plus pour les personnes avec une santé mentale fragile. Je pense à eux et c’est pour eux que je le fais, ajoute Sandra-Lyne. 

Des personnes anxieuses ou dépressives les remercient également pour leurs vidéos. Pour Sandra-Lyne, ces messages d’espoir valent plus qu’un salaire ou de l’or.

Des répliques qui font sensation

Leurs répliques sont tellement populaires que leurs citations se sont vite répandues à la suite de la publication de vidéos qui ont été vues par des dizaines et des centaines de milliers de personnes. Sandra-Lyne a alors décidé de faire une série de chandails à l'effigie de Jonathan où est inscrit : No interesting à l’amour...Call me last year

Leur objectif était de vendre 75 chandails. Après 800 commandes ils ont dû arrêter la vente puisqu’ils n’arrivaient plus à gérer la demande. L’engouement était tel que Sandra-Lyne a organisé un concours du plus beau sourire et a reçu 900 photos de participants. 

Il est important pour eux d'encourager des entreprises autochtones. Ils ont donc collaboré avec un entrepreneur de Pessamit pour produire ces chandails. 

Sandra-Lyne et Jonathan se sont dernièrement inscrits sur TikTok pour propager sur cette nouvelle plateforme leur médication en période de pandémie, le rassemblement à distance et le rire. Selon eux, le rire est la médecine de l’âme, du corps et de l’esprit. L’une de leurs vidéos a été vu 300 000 fois en seulement une semaine. 

Les souhaits pour 2021 de ces transmetteurs de bonheur? Que tout un chacun d’entre nous se porte bien et continue d’être fort et résilient pour se retrouver bientôt après la pandémie. Ils espèrent contaminer le plus de monde possible avec leur bonheur. 

D’ici les retrouvailles d’après COVID, Sandra-Lyne et Jonathan continuent à aider gratuitement et à faire rire avec leurs aventures abracadabrantes sur les réseaux sociaux.

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