FRANZ KOGLMANN ou l'art de la précision mélancolique par Marc Chénard
Le Navire "Night", 21 février 1999
PORTRAIT D'UN MARGINAL
Viennois pure laine, Franz Koglmann est autant un improvisateur
qu'un compositeur qui assume pleinement son identité européenne.
Né dans la banlieue de la capitale autrichienne, à
Mödling, le 21 mai 1947, cette personnalité de premier
plan s'est hissée au rang des chefs de file de la musique
de jazz européenne post-free.
Sa vocation professionnelle aurait été nourrie dès son
enfance par sa famille, ses parents étant des musiciens amateurs. Il
choisit dès son adolescence la trompette et il s'inscrit au
conservatoire de Vienne à la fin des années 60. À la
même époque, il découvrit Miles Davis et Chet Baker, deux
chantres d'un concept plus lyrique de la trompette. En 1973, il se rendait
à New York pour tâter le pouls du jazz. Conséquence de ce
séjour: " À mon retour, je n'étais plus
intéressé à poursuivre des études, parce que je ne
voulais plus imiter les modèles américains. "
S'ensuivent alors une période d'immersion dans la musique free
européeene, des rencontres et enregistrements avec le saxophoniste
soprano et exilé américain Steve Lacy et une autre séance
avec le méconnu trompettiste de la musique noire Bill Dixon.
À l'orée des années 80, Koglmann se met à
refléchir davantage sur la composition et il fonde, en 1984, son premier
grand ensemble, le Pipetett (rétranché quelques années
plus tard du second 't'). Par aileurs, il crée des petits ensembles,
dont un premier trio ('KoKoKo', avec le bassiste Klaus KOch et le saxophoniste
Eckard Kolterman), puis le Pipe Trio avec Raoul Herget (tuba) et Rudolf Ruschel
(trombone), ainsi que, en 1991, le Monoblue Quartet avec le saxophoniste et
clarinettiste britannique Tony Coe, le guitariste Burkhard Stangl et le
bassiste Klaus Koch.
Suivant quelques parutions discographiques indépendantes sur son
étiquette 'pipe records', c'est en 1986 qu'il se lie avec
l'étiquette helvétique hatArt, produisant pour cette compagnie
pas moins de dix disques sous son nom ou en co-direction avec d'autres.
Discographie (tous les titres sont sur hatArt)
About Yesterdays Ezzthetics (1987)
Orte der Geometrie (1988)
Ich (1986)
Schlaf Schlemmer, Schlaf Magritte (Réédition 1992)
The White Line (1989)
The Use of Memory (1990)
L'heure bleue (1991)
Annette (avec Paul Bley et Gary Peacock) (1992)
Cantos I-IV (1993)
We Thought About Duke (Pipe Trio + Monoblue Quartet + Lee Konitz) (1995)
Oh Moon My Pin-Up (1998) Co-production hatOLOGY et Wespennest (éditeur)
Premiers enregistrements (non-réédités en CD)
Flaps (avec Steve Lacy) pipe Records (1973)
Opium for Franz (avec Bill Dixon, Allan Silva, Steve Lacy) pipe Records
Good Night (Trio KoKoKo) Creative Works Records (1985)
FRANZ KOGLMANN: PORTRAIT D'UN IDÉOLOGUE MUSICAL
" Franz Koglmann est un musicien réfléchi et un qui
réfléchit aussi. (...) Koglmann attaque les clichés les
plus vitaux qui alimente le débat sur l'improvisation et le jazz. (...)
C'est une bonne chose que fait Koglmann en remettant en question les
critères de la musique improvisée. "
Peter Rüedi (extraits de son texte de présentation du livre p. 25)
Plus qu'un compositeur ou un musicien improvisateur, Franz Koglmann est un
penseur de la musique qui n'hésite pas non plus de susciter la
polémique avec musicologues et journalistes. En 1990, il fit l'objet de
vives reproches des critiques lorsqu'il proposait dans les notes de son disque
" A White Line " l'existence d'une filière de 'jazz blanc' ( remontant
à Bix Beiderbecke)
au même titre qu'un jazz noir. À ces pourfendeurs qui l'accusait
d'un certain racisme dans son propos, il répondit:
" Wagner est désigné comme compositeur typiquement allemand alors
que Verdi est considéré comme typiquement italien. Et je n'ai
jamais rencontré qui que ce soit qui s'inscrit en faux à cela. En
jazz, c'est différent et il me semble - du moins, c'est mon opinion -
qu'il y a un genre de militantisme libéral, une manière
d'égalitarisme qui veut rendre tout semblable en niant toute
différence. "
Musicien contreversé donc, Franz Koglmann n'hésite pas non plus
de jeter l'huile sur le feu en déclarant, par exemple:
" Mon attitude non-jazzistique est le résultat du fait que mes
ancêtres ne cueuillaient pas le coton le long du Mississipi. Ce serait
malhonnête que de montrer mon " groove. À toutes fins pratiques,
je préfère la manière détachée et
appolonienne de jouer du Cool Jazz, parce que cela me semble plus honnête
que d'essayer bien faiblement d'imiter un quelconque musicien noir ". (p.37)
Par rapport au jazz, Franz Koglmann exprime ses réserves, surtout en
matière d'improvisation qu'il considère comme
réalité paradoxale en soit: " (...) elle est supposée
d'être une 'extemporisation', une création faite sur le vif, mais
elle est en même temps la démonstration artistique de tout un
savoir acquis. " (p.39) En revanche, une musique entièrement
composée serait une torture pour lui et il apprécie l'irritant
que procure l'improvisation au-travers d'une structure composée.
Dans un ordre plus général d'idées, ce musicien, qui
revendique pleinement son statut de marginal, estime que les notions
d'avant-garde ont permis de découvrir des points limites, en autres le
free jazz qu'il estime ne pas avoir libéré le jazz du tout, mais
de l'avoir conduit à un cul de sac. " Après tout, on ne peut pas
jouer plus free que free." renchérit-il. Ce qui lui importe
plutôt, c'est de manipuler tous les développements musicaux de
notre siècle et d'en créer de plus larges synthèses,
d'où l'une des ses observations les plus pertinentes: " Nous ne sommes
plus à l'heure des révolutions, mais bien au complexités
accrues. "
De par son appartenance culturelle, Franz Koglmann porte en lui ce
caractère typiquement viennois, empreint d'un rationalisme stoïque
et d'une certaine langueur mélancolique qui transparaît dans ses
oeuvres. Chez lui, la deuxième école de Vienne (Schönberg et
les siens) habite ses orchestrations, tout comme Schubert et d'autres
maîtres classiques. À ces derniers, des airs de cool jazz
caractérisent son propre jeu ainsi que les accompagnements bien
dosés de la rythmique de son grand ensemble, le Pipetet.
PROFIL D'UNE OEUVRE
Oh Moon My Pin Up
Cantate pour choeur de 6 voix, un chanteur soliste et ensemble de huit musiciens
Composition et arrangements: Franz Koglmann
Textes: Les Pisan Cantos d'Ezra Pound, Éditions New Directions, New York
Libretto colligé par: Christian Baier
Direction d'orchestre: Gustav Bauer
Direction de choeur: Alois Glaßner
Orchestre: Mario Arcari: Hautbois, hautbois d'amour, cor anglais
Tony Coe: Saxo ténor, clarinette
Angelika Riedl: basson
Franz Koglmann: trompette, bugle
Rudolf Ruschl: trombone
Raoul Herget: tuba
Michael Hintersteiniger: guitare
Barre Phillips: contrebasse
Voix: Phil Minton: soliste- Ezra Pound)
Ursula Fiedler: 1. Soprano
Birgit König: 2. Soprano
Lydia Seidl-Vierlinger: alto
James Curry, Alois Glaßner: ténors
Erich Klug: basse
Première publique: 7 mars 1997, au Wiener Konzerthaus.
Concert d'ouverture du festival " Hörgänge " (Approches
d'écoute) placée sous la thématique de " Musik et Haltung
" (Musique et attitude)
CD présenté avec un livre de 130 pages contenant des essais et
entrevues en anglais et en allemand avec Franz Koglmann.
Publié par : Wespennest, zeitschrift und edition (en co-production avec
Hat Hut Records et ORF)
Rembrandtstr. 31/9
A-1020 Wien
Autriche (Österreich)
Fax: 011-43-1-333-29-70
office@wespennest.at
Tirage: 999 exemplaires
EZRA POUND: ESQUISSE BIOGRAPHIQUE
" Christian Baier, qui a compilé les textes et rédigé le
libretto, m'a proposé l'idée. Cela a suscité mon
attention, d'autant plus que j'avais pris connaissance de et apprecié
l'oeuvre de Pound durant ma jeunesse au début des années
soixante. " Franz Koglmann
Né d'une collaboration entre deux musiciens, " Oh Moon, My Pin Up "
consiste en une cantate dont le titre et les textes sont puisés dans les
" Pisan Cantos ", oeuvre magistrale du poète américain Ezra Pound.
Écrivain damné dans son pays, mais pourtant reconnu pour son
génie littéraire, Pound était de ces intellectuels
américains qui se sont retrouvés en Europe au tournant du
siècle, des exilés cherchant tout autant le dépaysement
que de nouvelles sources d'inspiration. C'est en Angleterre d'abord que Pound
élira domicile où il se mettra à écrire, en 1917,
ses Cantos, l'oeuvre maîtresse à laquelle il se consacrera, petit
à petit, jusqu'à son achèvement, en 1959.
En 1921, il se retrouvera dans le Paris effervescent de l'après-guerre,
côtoyant l'avant-garde artistique et entamant, entre autres, une proche
amitié et collaboration avec le compositeur George Antheil. Quatre ans
plus, il arrive en Italie, un séjour de 20 ans durant lequel il
embrassera la cause fasciste en se rapprochant de Mussolini même. En
1939, cependant, il retournera brièvement aux États-Unis (et en
vain) pour dissuader l'Amérique de prendre les armes à l'approche
de l'inévitable conflit mondial. Lorsque le Président Roosevelt
refuse de le rencontrer, il retournera en Italie. Peu après
l'entrée en guerre des États-Unis en 1941, il prendra parole
à l'antenne de Radio Rome, proclamant ouvertement ses
allégéances fascistes et dénoncant les politiciens anglais
et américains. Son visa de retour est alors annulé et une
accusation in absentia de haute trahison pendra sur sa tête dès
1943.
Il se livrera, deux ans plus tard, aux autorités américaines et
sera interné dans un camp de prisonniers pour plusieurs semaines. Il y
rédige ses " Pisan Cantos " durant cette période. En novembre, il
sera déporté aux États-Unis, mais, en prévision de
son procès, il subira une évaluation pyschiatrique pour
déterminer sa compétence mentale. Quatre experts s'entendent
à le déclarer incompétent: Pound sera alors placé
en asile pour 12 ans, de 1946 à 1958. Plusieurs de ses oeuvres sont
publiés durant cette période et le premier prix litéraire
Bollinger de la bibliothèque du Congrès lui sera même
décerné en 1948, bien que cette récompense sera fortement
contestée.
Sous la pression de plusieurs hommes de lettres de son pays, l'accusation de
haute trahison sera abrogée, ce qui lui permettra de gagner sa
liberté et de retourner en Italie où il mourra à Venise en
1972. Après avoir terminé ses Cantos, en 1959, il n'écrira
plus rien et sera affligé de nombreuses dépressions durant son
ultime exil.
L'OEUVRE
Le contexte:
1945: Après s'être livré aux troupes d'occupation
américaines, Ezra Pound sera placé dans le " Disciplinary
Training Center " aux abords de Pise. Il sera installé en pleine cour du
camp dans une cage (dite " cage de gorille ") spécialement
renforcée , celle-ci surveillée par une sentinelle à tout
moment. Sous le soleil d'été et éclairé la nuit par
un projecteur, il sombrera dans la folie après trois semaines et sera
alors transféré dans une tente couverte dans le secteur
médical du camp. On lui accordera un lit, du papier, des crayons et une
boîte de bois faisant office de table de travail. C'est au cours de cette
période qu'il rédige ses " Pisan Cantos ".
Démarche
Le texte colligé par Christian Baier est un choix de vers puisés
des Cantos LXXIV à LXXXIV qui servent de base à un traitement
musical comprenant composition et improvisation.
* Le chanteur soliste Phil Minton incarne Ezra Pound dans ses accès de
folies et ses moments passagers de sérénité.
* Le choeur agit plutôt comme la muse, la voix intérieure en
quête de spiritualité.
* L'orchestre, enfin, sert de médiateur entre le profane de Pound et le
sacré du choeur.
Celui-ci prépare par moments les moments de lyrisme de Minton et
détourne ailleurs les voix de leur vertueuse tradition vocale.
Matériaux musicaux:
1- Citations furtives et parfois intégrales de deux chants de luth du
compositeur italien de la renaissance Francesco de Milano,
évoqués par Pound dans ses Cantos.
2- Utilisation d'un motif musical descendant fa/fa/ré/sol
évoqué aussi par Pound à la vue d'oiseaux assis sur des
fils électriques de télégraphes, ceux-ci ressemblant
à une portée musicale.
Manipulation des matériaux
1-Techniques inspirées du cinéma français de la nouvelle
vague (Alain Resnais et Jacques Rivette): Les " Flashbacks " et " Flash
forwards "
Apparition furtive d'un des champs de luth à deux reprises dans la plage
IV et apparition intégrale de celle-ci dans la plage V.
2- Les citations: Jazz et musique swing des années quarante
Clins d'oeil à " Sweet and Lovely " et " Oh Lady Be Good " dans la plage
IIb
3- Improvisation / Composition
L'improvisation permet de délier les cadres compositionnels en
fournissant une espèce d'irritant à la structure.
Notes sur la structure globale de l'oeuvre
- Ouverture très énergique avec de multiples textures rythmiques
et harmoniques où se heurtent entre elles des harmonies vocales avec
passages hystériques, des allusions jazzistiques, des motifs
encastrés foisonnants en fondu et des images sonores
dérivées des textes, le tout sur un tempo vigoureux.
- Finale très calme qui s'éteint dans le néant
- Changements multiples et brusques dans le premier mouvement mettant en relief
le côté profane de la réalité du camp en contrepoint
d'une grandeur poétique solonnelle.
- Évocations de l'antiquité et réflections
méditatives sur la nature offrant un contraste à un staccato
féroce issue d'une idéologie obstinée.
APPENDICE
Appréciations critiques et observations du compositeur:
" Oh Moon, My Pin-Up n'est pas un judgment musical sur Pound, ni même une
condamnation ou une apologie, mais une écoute sensible et
fouillée des relations fragiles émergeant entre plan vocal et
celui des accents langagiers de la poétique de Pound qui émanent
de sa crise existentielle liée aux événements politiques
de la fin de la guerre. "
Peter Niklas Wilson (p. 11)
" Le grandiose et la perennité du significatif (à la Goethe)
n'existe plus désormais. Mais il y aura des publics
spécialisés qui se poseront la question qu'est ce qui en
était du jazz en Europe centrale et comment on pouvait en faire une
musique de grande intelligence et de goût. La réponse à
cela sera: Koglmann. " Franz Schuh (p.111)
" Où est la musique qui lie l'intelligence de Ligeti avec le Swing de
Bobby McFerrin? questionna le philosphe Peter Sloterdijk. (...) J'ai toujours
pensé de manière mégalomane que ma musique serait la
réponse à cette question. " Franz Koglmann
"Un sentiment véritable dépend de la clarté de
l'idée ."
(Franz Koglmann citant le philosophe colombien Nicolas Gomez Davila) p.45
[N.B.: Toutes les citatitions incluses dans les pages précédentes
sont puisées du livre et traduites de l'allemand ou de l'anglais en
français]
Depuis la première de cette oeuvre, Franz Koglmann a aussi
composé une suite d'une vingtaine de minutes intitulée " Don't
Play, Just Be " dirigée par Sylvain Cambreling. Lors de la
préparation du livre accompagnant le présent enregistrement, il
entamait une nouvelle pièce
" Kinder der Nacht " (Les enfants de la nuit).
Présentateur: Marc Chénard
Animatrice: Hélène Prévost
EXTRAITS DIFFUSÉS D'UNE ENTREVUE ACCORDÉE À VIENNE, LE 15
NOVEMBRE 1994
Premier extrait:
I think in our time, we... the situation of our time is completely the opposite
of that of our modern avant-garde. Because they found endings. They found
endings. For instance, John Cage, the piano player plays nothing, it's silence.
And these things. Or they are completely free improvisations: you cannot play
more free than free. So they found real end points, I think. And now, it's not
necessary to get in to the next avant garde steps. I think now it's important
to find a synthesis of the possibilities. If we have a 'Grammatik' now, let's
say a 'Grammatik' in German. We have a 'Grammatik' where we could work like a
language.
Traduction:
Je pense que notre situation actuelle est tout à fait à
l'opposé de celle de notre avant-garde, parce que celle-là est
arrivée à son point limite. Par exemple, chez John Cage, son
morçeau où le pianiste ne joue rien, c'est le silence. Des choses
comme cela. Ou il y a les improvisations totalement libres: on ne peut pas
jouer plus 'free' que 'free'. Ils se sont alors retrouvés à des
points limites, je le pense. Et maintenant, je ne crois plus que ce soit
nécessaire de s'engager dans d'autres démarches d'avant-garde. Je
crois qu'il est maintenant nécessaire de trouver une synthèse de
ces possibilités. Si ces choses nous permettent maintenant de nous doter
d'une 'grammaire', nous pouvons alors les manipuler comme un langage.
Second extrait:
F.K. : A cross to make a synthesis, that's new. That's new: to keep all the
developments of this century together. I think the important steps of this
century was jazz and film. This is new. That's the new art of this century. And
to work with all these elements, that also means, for instance, to use film cut
possibilities in composition works, in musical compositions. I did it sometimes.
M.C.:You do work with visual medium?
F.K.: No. For instance... well, one time I did a film music. But, for instance,
in the film of Alain Resnais, the French filmmaker, it is very typical of him
to make so-called 'flash forwards', you know what it means, the opposite of...
M.C.: Flash backs, flash forwards.
F.K.: flash backs, yeah, flash forwards. And this princip(le), I tried to keep
in music for a lot of pieces. For instance, Canto II, you hear some elements,
and you don't know why, but three or four minutes later you hear this element
in another context, and then your remember: 'I heard this two minutes ago, and
now I know why I heard it.
M.C. It's sort of, like musical anticipation.
F.K.:Yeah.
Traductions:
F.K.: Effectuer des croisements, voilà ce qui est nouveau. La
nouveauté consiste à mettre ensemble tous les
développements issus de notre siècle. À mon avis, les deux
plus importants développements de ce siècle sont le jazz et le
cinéma. Travailler avec tous ces éléments veut dire, par
exemple, se servir des procédés de montage
cinématographique dans le domaine de la composition musicale.
M.C.: Travaillez-vous avec le médium cinématographique?
F.K. À part une musique de film, non. Je veux dire plutôt la chose
suivante: Alain Resnais, le cinéaste français, utilise une
technique dite du 'flash forward' et ça lui est bien typique. Vous savez
ce que cela veut dire, le contraire du...
M.C.: Flash back flash forward.
F.K.: Exact. J'ai donc essayé d'utiliser ce principe dans ma propre
technique d'écriture musicale. Par exemple, dans le Canto II, vous
entendez des éléments et vous ne savez pas pourquoi. Mais trois
ou quatre minutes plus tard, vous entendez cet élément dans un
autre contexte et là, vous vous en souvenez: 'J'ai entendu cela il y a
une couple de minutes et là je sais de quoi il s'agit au juste.
M.C.:C'est un genre d'anticipation musicale.
F.K.: Oui.
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