NED
BOUHALASSA
20
janvier 2002
Hélène Prévost : Je suis en compagnie de
Ned Bouhalassa pour parler ou du moins s'amuser autour de ce qu'on
appelle la frontière entre l'électroacoustique et la musique électronique,
sujet de l'heure. En fait, dans certains milieux, on en parle beaucoup
parce que Montréal, on le sait, est une plaque tournante pour la
musique électronique en Amérique du nord, c'est Le Monde qui le
dit . . .
Ned Bouhalassa : Dans un article bourré de
fautes, en passant. Ça vaudrait la peine de passer à travers et
de remarquer toutes les fautes qu'il y a là-dedans.
H.P. : J'ai remarqué que l'article ratissait
très large parce qu'on mélangeait autant le Silophone que God Speed
You Black Emperor. On sait qu'on a voulu faire un portrait de la
ville de Montréal et comme si l'électronique était . . . Je pense
que j'ai senti le malaise ou peut-être l'incompréhension de ce que
ça sous-entend la musique électronique, électroacoustique et ces
catégories-là. Pour toi ça soulevait ça aussi ?
N.B. : Moi malheureusement je n'ai pas lu
l'article, mais j'ai un très bon ami à moi qui m'a promis qu'il
allait écrire une lettre au Voir et au Devoir.
H.P. : Est-ce que vous pourriez nous le copier
?
N.B. : Oui, tout à fait, parce qu'il paraît
que c'est complètement bourré de fautes. Entre autres, on parle
d'un groupe local qui s'appelle Les Jardiniers comme étant les pionniers
du House quand, en fin de compte, ce n'est pas tout à fait vrai.
Ils font toutes sortes de musique, mais c'est un phénomène relativement
récent. Moi je pense que les pionniers de ce genre électronique
ce sont ceux qui étaient DJ en 1986 ou 1987 dans les premiers clubs
technos à Montréal. Je pense que ce sont ces gens-là qui ont surtout
été de l'avant. D'un autre côté, je trouve que ce n'est pas si grave.
L'important c'est que le monde parle d'une scène électronique. Je
suis certain que tous les jours il y a des articles bourrés de fautes
à propos de New York, à propos de la scène de Londres. Peut-être
que ça veut tout simplement dire qu'on grandit sur la scène. On
prend une place.
H.P. : Ça veut dire
que c'est multi-facettes et qu'on a perdu le contrôle peut-être
sur la nomination de tout ça. On t'a néanmoins invité. C'est Sophie
Laurent qui a eu l'idée de t'inviter parce que, entre autres, tu
as été membre du jury du Prix Ars Electronica à l'automne 2001 et
qu'il y a plein de questions qui ont été soulevées autour des musiques
électroacoustiques et électroniques, l'évolution de tout ça. Les
choix du jury sans doute reflètent ça et les gens qui posent leur
candidature. Ta propre carrière de compositeur reflète un peu, je
pense, tout ce chemin-là. Tu as une formation classique entre guillemets
avec Francis Dhomont, Kevin Austin, entre autres. Avais-tu fait
des études classiques, théorie, solfège… ?
N.B. : Oui, mais j'ai aussi fait des études
à Concordia, des analyses de Mozart, de Beethoven, etc. J'ai pris
des cours d'orchestration. Je connais la musique!
H.P. : Tu es connu comme électroacousticien
à ce moment-là.
N.B. : Il faut dire que je mène aussi une
carrière de compositeur de trames sonores et je commence de plus
en plus à être connu pour ça. Le cinéma, cinéma-télévision et quand
je fais ce genre de travail là ça peut aller des trames électroacoustiques
à des choses tout à fait conventionnelles, mais vraiment typiquement
Hollywood.
H.P. : Tu écris de la musique instrumentale,
à ce moment-là ?
N.B. : Oui, mais tout dans le studio ou presque.
H.P. : Tu veux dire que tout est simulé,
échantillonné ? Tu ne travailles pas avec de vrais musiciens ?
N.B. : Oui, mais en général pas plus d'un
musicien.
H.P. : Et tu rajoutes des pistes. Tu es aussi
connu pour ton intérêt pour la musique dite électronique. On va
essayer de voir un peu ce que ça sous-entend et même tu fais de
la musique dite techno, mais quand on dit techno, est-ce qu'on parle
de techno dance ou de techno expérimental ou de techno comme musique
technologique ? Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?
N.B. : Tellement de choses, mais effectivement,
il y a deux ans j'ai écrit 45 minutes pour une chorégraphe qui s'appelle
Ireni Stamou, montréalaise d'origine grecque et elle m'a demandé
de lui faire un mélange hybride entre la musique techno et la musique
de la Méditerranée. À ce moment-là, c'était du gros drum and bass
et de temps en temps aussi du travail au niveau de la texture qui
est propre à l'électroacoustique, comme on le sait. Effectivement,
ça peut aller carrément de la musique pour danser. Dans ce cas-là,
c'était le cas. Les six danseuses voulaient danser, alors je les
ai fait danser. J'aime beaucoup moi-même danser et je peux très
bien me débrouiller là-dedans, mais je peux faire aussi de la techno
beaucoup plus expérimentale en me basant, entre autres, sur mon
expérience en tant que compositeur électroacoustique.
H.P. : Pourquoi penses-tu qu'on t'a invité
à Ars Electronica ?
N.B. : Je crois que c'est parce que la polémique
avec les choix récents d'Ars Electronica, ça ne date pas de cette
année ; ça fait déjà plusieurs années. Je crois qu'en 2000, c'est
vraiment là que ça a brassé fort. Il y a eu une très vive réaction
aux choix qui ont été faits. Je me rappelle, entre autres, quand
Aphex Twin avait gagné le premier prix, il y avait eu une grosse
polémique autour de ça. Je crois que, cette année, ce qu'on a essayé
de faire, c'est d'aller chercher quelqu'un du milieu électroacoustique
qui pourrait être sur le jury et qui pourrait ramener la pendule
un peu plus vers le milieu. Les gens ne le savent peut-être pas,
mais pendant des années, Ars Electronica c'était vraiment uniquement
pour les gens, des compositeurs du milieu académique. On parle principalement
des acousmates et de compositeurs de musique assistée par ordinateur,
mais jamais on aurait eu quelqu'un qui oeuvrait en dehors des institutions
qui aurait pu se mériter une distinction.
H.P. : Comme cette année, avec entre autres
Oval [Markus Popp] qui s'est mérité un prix.
N.B. : Tu veux dire est-ce qu'on lui aurait
donné, il y a quelques années ?
H.P. : Non, justement.
N.B. : Probablement pas.
H.P. : Pourquoi hésites-tu ?
N.B. : Parce que son travail quand même,
à mon avis, c'est un travail qui déborde une distinction particulière
ou une pratique particulière. Je crois que ce sont aussi des installations
qu'il fait et à ce niveau-là, il y a toujours eu à Ars Electronica
un intérêt pour tout ce qui est installation. Je pense qu'il aurait
peut-être eu quelque chose quand même. Je pense plutôt à quelqu'un
comme Kid 606 qui n'aurait jamais remporté de prix, à Autechre qui
n'aurait jamais remporté de prix parce qu'il y a quand même du rythme
dans ce qu'ils font et il n'y a pas beaucoup de rythme dans la musique
acousmatique.
H.P. : C'est vraiment la bête noire ?
N.B. : Peut-être aussi avec les beaux accords,
la mélodie des choses comme ça. Je dirais d'abord et avant tout,
tout ce qui se rapporte à la culture pop.
MUSIQUE : Richard Chartier : series [1] (edit)
(2001) > series [LINE_001]
H.P. : Comment on peut délimiter les territoires
entre la musique électroacoustique et la musique dite électronique
avec toutes ces variantes ? Est-ce que c'est relié au support, à
la lutherie, au mode de diffusion, performance live, au lap-top,
le fait qu'on manipule en temps réel, au langage et là, Ned rajoutait
bien sûr les lieux de recherche des divers compositeurs, la notion
de transe qui accompagne une large part de certaines de ces musiques
et la revanche des non-musiciens parce que plusieurs non musiciens
se retrouvent concepteurs à défaut d'être compositeurs parce que
tous ne prétendent pas être des compositeurs ou faire de la musique.
Beaucoup de gens viennent des arts visuels, des arts graphiques
et nous sommes rendus là. Qu'est-ce qu'on rajoute ? Sur quoi on
peut développer ?
N.B. : C'est sûr que d'abord, les lieux de
diffusion, ça peut déjà nous donner une bonne idée . . .
H.P. : Hors de la salle de concert ?
N.B. : Exactement. C'est drôle parce que
moi, justement le mois prochain, j'ai été invité à faire une carte
blanche à l'Université Concordia. J'ai passé beaucoup d'années à
l'Université Concordia et j'ai présenté beaucoup de concerts électroacoustiques.
J'en ai programmé beaucoup. J'ai fait beaucoup de diffusions là-dedans
et cette fois-ci j'ai décidé que ce que je vais apporter avec moi
ce sont justement des pièces qui ne sont pas de musique électroacoustique
exprès pour essayer d'ouvrir un peu la porte là-bas.
H.P. : Ça va chauffer ?
N.B. : Peut-être. J'espère.
H.P. : Là tu le fais dans un contexte académique,
c'est intéressant, parce que tu amènes une musique qui n'est pas
liée à ces milieux-là, dans une situation de concert avec des gens
assis, qui écoutent des haut-parleurs ; ce que certains détestent.
Certaines personnes préfèrent être debout, parler, bouger, mais
indépendamment de l'aspect social, parce qu'il y a toute une nouvelle
relation à la musique et avec les gens qui la consomment. Il y a
un aspect de diffusion aussi. Souvent dans les concerts de musique
électronique - du moins ceux auxquels j'ai assisté dans le cadre
de festivals comme MUTEK ou le festival des nouveaux médias ou des
choses comme ça - , l'environnement est souvent quadra sinon multiphonique.
Le son est partout. C'est une expérience physique. J'ai été étonnée
justement pendant MUTEK, c'était justement le soir de Goem. La musique
était diffusée sur quatre haut-parleurs, mais il n'y avait pas cette
préoccupation du son dans l'espace qu'on trouve chez les électroacousticiens
ou les acousmates, en fait. Est-ce que tu remarques ça toi ou .
. .
N.B. : Oui, tout à fait. Ça ne fait pas partie
de leur discours cette notion de découper l'espace, c'est plutôt
d'occuper l'espace. C'est ça qui les intéresse et aussi peut-être
d'occuper l'espace autant externe qu'interne donc, dans certains
cas, de ne laisser aucune chance à l'auditeur de s'échapper, de
le capter, de le faire rentrer dans le son. Il y a des acousmates
ou des compositeurs électroacoustiques qui veulent faire la même
chose, Goem, par exemple : quelqu'un qui ne se préoccupe pas du
tout . . . Je crois que c'est une musique physique et je crois que
beaucoup de musiques de style electronica se veulent aussi très
physiques plutôt qu'une poétique narrative à travers le son qui
se déplace.
H.P. : Est-ce qu'il y a un point de rupture
dans l'histoire de la musique électroacoustique où on peut identifier
que . . . ou c'est à travers les infiltrations, l'influence des
musiques pop, la technologie, la disponibilité des outils.
N.B. : Je crois que c'est la technologie.
Je crois que c'est vraiment là. Je crois que le fait que des jeunes
ou des moins jeunes qui ont le goût de faire des expériences avec
le son ne soient plus obligés d'être des musiciens pour avoir accès
à des studios… Parce qu'il y a quelques années, c'était impensable
de pouvoir s'acheter soi-même de l'équipement pour faire de la musique
électroacoustique ou de la musique électronique. C'était impensable.
Ça coûtait des milliers de dollars. Aujourd'hui, on peut faire avec
500$. Je crois que ça c'est une véritable révolution et à ce moment-là,
il y a plein de jeunes qui se retrouvent à faire de la musique électronique
ou de la musique on peut dire expérimentale sans avoir pris un seul
cours, sans avoir suivi un seul maître.
H.P. : Parce que nos habitudes d'écoute font
qu'aujourd'hui on est convié à un ensemble de musiques. Les couloirs
ne sont plus les couloirs officiels qu'ils étaient. C'est un peu
comme la salle de concert et autant pour une radio publique comme
Radio-Canada, on peut s'attendre à entendre des musiques extrêmement
diversifiées. Ce n'est pas un couloir unique.
N.B. : Je dirais que c'est la même chose
quand même dans les universités. Je sais que quand j'enseignais,
ça m'arrivait régulièrement d'amener des exemples dans la classe
de pièces qui n'étaient pas de compositeurs électroacoustiques et
je pense que c'est aussi une génération. Je pense que tous ceux
qui sont de ma génération ont vraiment commencé à vouloir faire
de la musique parce qu'ils étaient influencés par la musique populaire
et non pas parce qu'ils avaient pris tellement de cours de piano,
ils avaient écouté tellement de Mozart et Beethoven que c'était
décidé, ils voulaient être compositeur.
H.P. : Toi comme musicien, comme compositeur
et comme mélomane, est-ce que tu sens une dichotomie entre la musique
de l'histoire, la musique est reliée à l'évolution des instruments,
des langages, du Moyen-Âge à . . .
N.B. : Pas du tout. Pour moi, c'est un seul
trait, c'est un continuum, surtout quand on parle de musique qui
sert à autre chose, qui n'est pas juste pour écouter, mais qui sert
aussi à ramener les gens ensemble, à célébrer un mariage, à célébrer
un événement. Toute une musique qui se prête au rituel pour moi
c'est un continuum. Il y a toujours eu ces deux mondes ; le monde
de la musique dite savante et le monde de la musique dite populaire
et ça ne change pas du tout maintenant.
H.P. : On continue avec Janek Schaefer.
N.B. : Janek Schaefer qui est connu surtout
comme quelqu'un qui traite les vinyles un peu à la manière de Martin
Tétreault et de Christian Marclay, mais quand on ne le voit pas
en train de faire une performance, quand on ne fait qu'écouter la
musique pour elle-même on croirait que c'est un compositeur de musique
électroacoustique qui est allé dans les grandes écoles ; ce qui
n'est pas le cas. J'ai aussi choisi Plastikman (Ritchie Hawtin)
de l'Ontario et j'ai choisi cet extrait simplement parce qu'il y
a un travail au niveau de l'espace qui est intéressant.
H.P. : On l'écoute.
MUSIQUE :
Janek Schaefer : Accident Assistant (2000) > Wire tapper [The Wire
Oct. 2000]
Plastikman ( Richie Hawtin) : Consumed (1998) > Consumed [Novamute
3048-02]
H.P. : Est-ce qu'on pourrait dire que la
musique électronique est en lien avec la société électronique qui
se bâtit maintenant comme la musique concrète a pu être en lien
avec la société industrielle du début du 20e siècle ou est-ce que
j'élimine cette question ?
N.B. : Non, non. C'est une bonne question.
Je pense que ça ramène un petit peu à nos sujets qu'on aborde. J'ai
un copain qui collectionne les disques de musique concrète et les
vieux vinyles. Il en a trouvé un qui s'intitule Musique concrète
qui vient de France et la couverture du vinyle c'est un mur de béton.
Je crois que les sujets de beaucoup de pièces électroacoustiques,
acousmatiques souvent sont des sujets pas mal abstraits, c'est vrai,
mais où on reconnaît quand même, par exemple, dans un Gilles Gobeil,
des sons industriels. Donc, c'est la machine. Dans beaucoup de pièces
de musique électronique, ce qu'on entend plus, ce sont des sons
qui nous rappellent notre télécopieur ou le fait que notre disque
de Frank Sinatra on l'a fait joué trop souvent et maintenant, il
fait des petits " glitch " ou il reste pris et ça, Oval l'a fait
très bien et beaucoup d'autres aussi le font et continuent de le
faire et il y a toute une tendance de prendre des erreurs électroniques
et de s'en servir comme sujet, comme objet pour notre discours musical.
H.P. : On est dans la contemplation des objets
qui nous entourent.
N.B. : C'est aussi peut-être une façon de
se les approprier, de les rendre un peu plus humain, peut-être.
H.P. : Tout cela nous ramène encore au lieu
d'écoute, le lieu des événements et le lieu des performances, parce
que le terme performance est apparu aussi conjointement au mot concert.
On ne parle pas que d'un concert. C'est presque difficile de parler
d'un concert de Ritchie Hawtin ou de parler d'un concert de Richard
Chartier. On va parler d'événement, d'installation parce que c'est
souvent le cas.
N.B. : Oui. Ça s'apparente davantage aux
arts visuels. Dans le cas de Ritchie Hawtin, je pense qu'on va parler
plus d'un spectacle parce que, quand même, c'est un des DJ-compositeurs
qui est très intéressé par la forme. Donc ces spectacles de DJ,
on ne rentre pas et on ne ressort pas comme on pourrait rentrer
et ressortir d'un magasin de disques où il y a de la musique qui
joue. On rentre, on sort, ce n'est pas grave. Il y a un début, un
milieu et une fin. Il y a un cheminement, un voyage qui se dessine.
Ça, je trouve ça très intéressant. Donc, il y a quand même une certaine
préoccupation. C'est beaucoup plus long, c'est beaucoup plus étiré.
Ça ne commence pas à 20 heures pour finir à 22 heures. Ça va peut-être
commencer à 3 heures 30 et finir à 8 heures.
H.P. : Est-ce que c'est relié à l'aspect
de la transe dont tu parlais en début ?
N.B. : L'aspect de la transe pour moi est
très important. Ça délimite encore une fois certaines tendances
acousmatiques où on nous demande de suivre le parcours du compositeur.
On nous demande de suivre le trajet qui a été choisi pour nous.
H.P. : Donc de comprendre la composition.
N.B. : Oui, de comprendre le parcours. D'autres
musiques, je crois qu'on les apprécie mieux quand on s'y noie et
l'aspect de la répétition, justement, ça fait partie de la transe.
Cette idée que quelque chose se répète. Je crois que, parfois, il
y a une certaine critique de la musique électronique où on critique
justement le fait que c'est tout le temps la même chose. Ça se répète,
c'est la petite boucle qui se répète. Effectivement, c'est vrai
pour beaucoup de musique électronique, c'est la petite boucle qui
se répète, mais il y a beaucoup de musique électroacoustique et
acousmatique qui sont ennuyantes où on entend seulement des portes
et des avions. Il faut faire attention. Je crois qu'il y a de la
mauvaise musique et de la bonne musique dans tous les styles. De
la bonne musique répétitive, c'est de la musique où ça se répète
et ça ne se répète jamais. Les variations sont seulement très subtiles
et il faut être patient.
H.P. : Est-ce que selon toi la musique électronique,
à travers différents aspects et on en énumère quand même quelques-uns,
crée ce pied de nez à la tradition presque de la même manière que
les Viennois avec le système sériel et dodécaphoniste ? On fait
une rupture avec la mélodie, les structures prévisibles et là, la
musique dite électronique, electronica, expérimentale, je ne sais
plus où elle se termine, les lieux d'écoute, la nature des musiques,
la durée des musiques, le fait que parfois on ne sait pas si elle
a commencé, les gens parlent, elle continue, les gens parlent, parfois
ils se taisent. Elle se termine parce qu'on a dit tu joues une demi-heure
ou tu joues une heure, mais ça aurait pu durer deux heures ou vingt
minutes.
N.B. : L'ironie dans tout cela, c'est un
peu comme l'enfant qui dit qu'il veut être le contraire de son parent
et que, 15-20 plus tard il est exactement pareil. Je crois qu'il
y a beaucoup d'artistes en electronica qui, éventuellement, veulent
la même reconnaissance et le même genre d'écoute précise que peuvent
avoir les compositeurs en musique électroacoustique, par exemple,
où tout le monde se tait et on écoute avec beaucoup de respect.
Je crois qu'il y a beaucoup de musiciens ou de non-musiciens qui
présentent leur musique dans des clubs et qui aimeraient, en fin
de compte, qu'on les écoute avec beaucoup plus de sérieux.
H.P. : Il y en a un actuellement qui le propose
à travers la série Volt AA d'Éric Mattson qui s'est terminé le 16
janvier 2002 et dont on offre certains concerts à l'antenne, et
vraiment il voulait faire une proposition d'écoute. Les gens ne
peuvent ni fumer ni boire ni bouger. Ils sont un petit peu captifs
mais pour leur plus grand plaisir. C'est vraiment un lieu où on
convie à l'écoute. Le premier soir, en décembre, j'ai été ébahie.
Ça faisait longtemps que j'avais entendu un tel silence. J'ai vu
que ça correspondait à un grand besoin. Les gens étaient là et ce
n'était pas parce qu'on leur avait imposé. Ils endossaient ce choix-là.
Tu es d'accord avec moi. Tu vois ça comme un retour du balancier,
ce que tu me disais tout à l'heure.
N.B. : Je crois aussi que les artistes qui
oeuvrent dans ce domaine-là sont plus ouverts à ce que cette musique-là
agisse un petit peu comme une tapisserie, pour un autre genre d'événement
qu'un concert tandis qu'en musique électroacoustique, je pense que
c'est plus difficile de faire passer ça, cette idée-là que le public
va peut-être écouter seulement 15% de ce que tu as fait.
H.P. : Ton troisième choix ?
N.B. : Le troisième choix, on retrouve un
duo anglais qui s'appelle Autechre qui est probablement un des groupes
les mieux connus dans la musique electronica. Il y a un groupe de
lecteurs par courriel qui est presque dédié à eux, qui est très
connu, qui s'appelle IDM (Intelligent Dance Music). Ce sont des
pionniers de ce style-là, Intelligent Dance Music, où on peut danser,
mais il faut aussi penser pendant qu'on danse. Ce que j'aime beaucoup
dans leur cheminement, c'est qu'ils ne se répètent pas vraiment.
On reconnaît un style du début, des premiers disques au début des
années 90 à aujourd'hui. Leurs couleurs changent tout le temps et
maintenant ils sont devenus très abrasifs et je crois qu'ils jouent
beaucoup plus avec le rythme dans une même pièce ; ce que je trouve
très intéressant.
H.P. : Suivi de ... ?
N.B. : Kid 606. Il est tout jeune. Je crois
qu'il est au début de la vingtaine et il était à Montréal récemment
lors du Festival du Nouveau Cinéma et des Nouveau Médias et c'est
quelqu'un qui est vraiment de la rue. Il représente tout un courant
à San Francisco de jeunes qui utilisent des portables et qui vont
utiliser toute sorte de musique très récente et très populaire et
la déconstruire, la faire passer à travers toute sorte de processus,
utiliser les mêmes outils que des compositeurs en électroacoustique,
mais avec comme sujet Britney Spears, par exemple, ou dans ce cas-ci,
Missy Elliott.
H.P. : On écoute.
MUSIQUE :
Autechre: Uviol (2001) > Confield [WARPCD128]
kid606 : I got mine (2001) > Freakbitchlickfly [Violent turd 01]
H.P. : Tu me disais que la musique de Kid
606 qui clôture ton choix musical, à tes oreilles et à ton entendement,
était du même ordre que toutes les musiques que tu nous a fait entendre,
que c'est une musique qui est aussi expérimentale ou exploratoire,
inédite . . .
N.B. : Oui, il y a une recherche et dans
le milieu des musiques qui sortent des institutions, je crois qu'on
évite beaucoup le rythme. C'est typique, depuis très longtemps.
H.P. : C'est péjoratif.
C'est tendancieux. On dit tout de suite que c'est pop ou commercial.
N.B. : Surtout si on perçoit un temps fort
qui revient tout le temps à la même place.
H.P. : Surtout si la pulsion est plus rapide.
Plus elle se rapproche du 130, plus les petits pieds se mettent
à bouger et là ça devient inquiétant.
N.B. : Oui, tout à fait. Pour moi, ce n'est
pas un critère pour empêcher quelque chose de...
H.P. : As-tu toujours
pensé comme ça ?
N.B. : Non, pas du tout. Quand j'était étudiant,
je ne voulais rien entendre de la musique pop, même une recherche
autour de la musique pop, ça n'avait pas sa place, ce n'était pas
de la vraie musique, etc.
H.P. : Est-ce que c'est nécessairement pop
parce qu'il y a une pulsion régulière ?
N.B. : Non, c'est inspiré de la musique
pop.
H.P. : Moi, j'ai de la difficulté parfois
dans le secteur de certaines musiques électroniques, techno. Moi
je décroche quand la pulsion devient omniprésente dans le sens que
c'est la valeur dominante et je sens que c'est un geste conscient
de la part de l'artiste d'aimer ça comme une valeur dominante qui
fait qu'il accroche 90% de la clientèle et que parfois j'ai le sentiment
que leur propre travail est escamoté par la pulsion. Pas toujours,
mais . . .
N.B. : Je crois que, par exemple, dans le
cas de quelqu'un comme Plastikman, la pièce qu'on a entendue, le
temps fort était très clair et était tout le temps pareil. Il n'y
avait pas de surprise. Moi, je trouve que c'est quelque chose qui
peut très bien marcher si le reste des différents aspects de ce
qu'est une pièce sont intéressants. S'il y a, par exemple, un temps
fort qui est très clair et quelque chose de très répétitif au niveau
rythmique, mais qu'à d'autres aspects, par exemple, au niveau de
l'espace, on passe d'un espace restreint à un grand espace vaste
ou, au niveau mélodique, ça se promène partout, il y a tout de sorte
d'accords bizarroïdes… si au niveau du timbre aussi, on nous passe
toute sorte de timbres et qu'on voyage au niveau des couleurs, que
le rythme soit le même, ça ne me dérange pas du tout. En fin de
compte, je trouve que c'est ce qui fait marcher une pièce ; s'il
y a au moins un aspect de la musique, un aspect du son qui est stable
et relativement simple, le reste peut être complexe. Il y a quelque
chose de stable auquel on s'accroche. Je trouve que ça a sa place.
H.P. : Tu es tolérant de nature ?
N.B. : Oui. Je suis ouvert de nature. Tout
à fait.
H.P. : J'allais parler de l'aspect ludique
ou de l'aspect plus social de la musique, celle qui relie, qui rallie,
qui fait qu'on a envie de communiquer les uns avec les autres. C'est
relié à la musique de maintenant. Est-ce que ça fait partie de manière
viscérale de la musique de maintenant ?
N.B. : Je pense que ça a à voir aussi avec
une chose qu'on a abordé plus tôt : les lieux de recherche, les
lieux d'inspiration. Dans le cas d'un Kid 606, les lieux d'inspiration,
on les entend presque dans sa musique. Ce sont des partys, ce sont
des situations où tout le monde est soit un peu drogué, soit un
peu saoul ou voudrait l'être. Ludique tout à fait, en train de crier,
peut-être en train de se chamailler. Il y a une folie, une belle
folie à mon avis qui ressort dans la musique et dans d'autres musiques
beaucoup plus sérieuses, c'est tout à fait le contraire et ça s'entend
parce que le compositeur a peut-être fait ses recherches dans une
bibliothèque… Il y a un certain triomphe de la folie.
H.P. : Et pourtant, il y a un discours assez
articulé, dépendant des gens, qui sous tend certaines œuvres dans
le domaine de l'electronica soit parce que les gens viennent de
la philosophie ou de la pensée ou des arts graphiques. Ils sont
habitués à concevoir des structures, des architectures. Ils approchent
la musique de la même manière et ont un discours. Je pense que la
musique fait partie d'un phénomène d'ensemble, d'une évolution d'ensemble,
de tous les langages de la médiatisation de nos environnements.
Tout pouvant se retrouver sur support visuel en mouvement, fixe,
photo, photo en mouvement…
N.B. : Et tout peut inspirer un travail qui
est singulier ou qui se limite par exemple au son, mais tout le
reste des différents moyens de s'exprimer vont nous influencer en
tant qu'artiste.
H.P. : Et à un moment
donné on a besoin d'une sorte de structure pour comprendre les phénomènes.
Moi, je fais peut-être de la radio parce que ces phénomènes m'intéressent.
J'essaie de comprendre pourquoi on répond, pourquoi tel stimulus
nous amène à tel type de réaction, tel type d'individu dans tel
contexte va répondre à tel genre de musique. Quel aspect les séduit
? Est-ce que c'est l'espace, est-ce que c'est la durée, est-ce que
c'est le silence, est-ce que c'est la provocation ? De plus en plus,
et beaucoup à cause des musiques comme elles sont maintenant, ça
m'amène à concevoir l'ensemble comme un vaste plateau multimédiatique.
J'ai beaucoup de difficultés à séparer les divers champs. Je vois
chaque champ intervenant sur l'autre. Le mot intervenant sur l'image
qui intervient sur les directions, les épaisseurs ; je délire, mais
c'est ma marotte, c'est ma passion aussi.
N.B. : Ce qui manque peut-être un peu c'est
de la réflexion à beaucoup d'artistes en ce moment. Le temps de
réflexion est très limité parce qu'on est tiré d'une part et d'autre
par toute sorte d'occasions. Je crois qu'il n'y a jamais eu autant
d'occasions qu'il y a aujourd'hui de se faire entendre.
H.P. : Et pourtant ce n'est pas facile pour
les artistes audio…
N.B. : De se faire entendre ? Je crois que
ce n'est pas que c'est difficile de se faire entendre, c'est difficile
de gagner sa vie en faisant ça. Il y a beaucoup de moyens de se
faire entendre qui sont gratuits où on ne paie pas beaucoup. Je
crois qu'il y a aussi une ironie là-dedans. Quelqu'un peut être
entendu partout, tout le temps et ne pas gagner grand chose parce
que ce sont des courants alternatifs.
H.P. : On va diriger notre barque dans un
courant alternatif qui est celui de Oval [Markus Popp]. Est-ce que
tu le connais personnellement ? Tu l'as vu travailler à quelques
reprises?
N.B. : Moi, je l'ai seulement vu quand il
est venu lors du Festival Elektra. C'est la première fois que je
l'ai vu. C'est la première fois que j'ai entendu sa musique dans
une situation de concert ou d'événement, mais je connaissais son
travail de studio que j'aime beaucoup. C'est le cas pour beaucoup
d'artistes. J'aime beaucoup leur travail dans une écoute de studio
et j'aime beaucoup moins les voir en spectacle, mais ça, c'est quelque
chose qui pourrait faire partie d'une autre émission, tout l'aspect
du spectacle qui n'est pas là. Il n'y a rien d'intéressant à regarder
quelqu'un qui joue sur son portable.
H.P. : Oval qui est un maître du " glitch
", de l'erreur numérique, qui a été un des premiers, je crois, à
l'insérer dans son travail, dans son langage.
N.B. : Il y en avait d'autres, mais je crois
que c'est le premier qui a été reconnu pour ça. Je crois que c'est
la première personne qui a pris un CD et qui a grafigné dessus et
qui l'a fait jouer sur son lecteur CD.
H.P. : Alain Thibault qui était producteur
de l'événement Elektra d'où est issu ce concert me disait que la
plupart des pièces qu'on entend, moi je vous en propose six ou sept
extraits de ce concert-là, sont des pièces qui apparaissent sur
son dernier CD "Commerce". On l'écoute.
MUSIQUE : Concert d'OVAL [Markus Popp] enregistré
en concert pendant la série ELEKTRA, à l'Usine C à Montréal, le
10 novembre 2001.
H.P. : Il nous reste quelques minutes et
32 millions de sujets à aborder. Je retiens certains termes qui
ont émergé durant ces dernières 20 minutes : dématérialisation,
abstraction, grande densité dans le cas de cette musique-là. Tu
as parlé que c'était une musique qui était assez loin de l'électronique
tel qu'on l'a entendu depuis le début de l'émission ou tel que tu
entends l'électronique en général et que c'était, d'une certaine
manière, plus près de l'électroacoustique par une certaine rugosité
ou le traitement de la matière. Tu as parlé de romantisme, que tu
y voyais là un sentiment relié à la mort de la musique.
N.B. : Oui, parce qu'on perçoit - même à
travers tout ce qui apparaît peut-être à la première écoute comme
du bruit - , des mélodies, des fragments mélodiques. C'est un peu
comme s'il y avait une voie ancienne de la musique qui essayait
de se frayer un chemin à travers tout ce bruit ou peut-être que
c'est Markus Popp qui voudrait en fin de compte vraiment écrire
une symphonie.
H.P. : Bien qu'il s'en défende du moins dans
ce qu'il écrit, parce que tu me disais qu'il fait des présentations
qui sont, je crois, assez techniques et très denses.
N.B. : Oui. C'est un chercheur. On parle
vraiment de quelqu'un qui fait de la grosse recherche et qui fait
des installations. Ce qu'il dit, c'est qu'il essaie de faire en
sorte que la musique devienne un logiciel. C'est très conceptuel.
H.P. : Je sais qu'il cherche à faire disparaître
le compositeur ou l'interprète éventuellement, mais…
N.B. : C'est ça, mais ce que je trouve ironique
c'est que quand j'écoute sa musique, moi j'entends le compositeur
à travers tout ça. Les notes qu'on entend ont été choisies et on
reconnaît des fragments mélodiques qui sont diatoniques. On ne parle
pas de musique très atonale en fin de compte. Je suis certain qu'il
y a quelqu'un en ce moment même dans une université qui est en train
de faire une maîtrise, qui analyse Oval et qui va retrouver là-dedans
des accords de Beethoven ou je ne sais pas.
H.P. : Mais ça n'a peut-être aucune importance
justement. La source n'a pas d'importance.
N.B. : Effectivement.
H.P. : Dans le cadre du jury d'Ars Electronica,
c'était l'installation que vous aviez eu à apprécier ?
N.B. : Non. En fin de compte, on a tenu compte
de son travail endisqué donc c'était "Commerc ". Je pense qu'on
a entendu des extraits de ça. Si on avait voulu approfondir ou s'assurer
de notre choix. Notre choix était déjà fait à l'écoute pur et simple.
On écoute, on aime, on pense que c'est intéressant.
H.P. : À travers plus de 300 œuvres, me disais-tu.
N.B. : Oui, c'est ça. Heureusement, je dois
admettre qu'on n'a pas écouté toutes les 300 œuvres du début à la
fin.
H.P. : Comme tout jury qui se respecte, se
met des balises.
N.B. : C'est un concours ouvert où il n'y
a pas de critère d'entrée et pas de prix à payer. N'importe qui
peut envoyer quelque chose et on a même reçu quelque chose d'une
jeune personne de Roumanie qui a peut-être un petit synthétiseur
de Radio Shack et qui pense qu'il fait de la musique électronique
parce que ça fait deux semaines qu'il joue et qu'il fait blip blip.
On s'est tapé un bon 15 secondes de ça.
H.P. : Est-ce que vous avez eu des discussions
très fermes, très viriles ou très violentes sur . . .
N.B. : On en avait sur le menu du soir parce
qu'on allait tous les soirs manger ensemble en plus. C'était exceptionnel.
On passait toute la journée à discuter, à avoir effectivement des
grosses discussions parfois très lourdes avec des grosses divergences
d'opinion. On allait souper et boire ensemble jusqu'à 2 heures du
matin et on recommençait le matin à 10 heures. Ça a fait des journées
quand même très chargées, mais c'était incroyable parce que chacun
avait la chance de vraiment changer l'opinion de la personne. Quand
on peut discuter et argumenter avec quelqu'un pendant des heures,
on peut effectivement les faire changer d'opinion. C'est ce qui
m'est arrivé plus d'une fois. Plus d'une fois, je me suis viré sur
mon opinion du matin parce que, effectivement, on m'a convaincu.
H.P. : J'ai le sentiment que vous avez fait
un choix qui était éclairé, mais éclairant dans le sens qu'un jury
a un rôle . . .
N.B. : On était conscient de ça dès le début
parce que c'était un concours très connu, très prestigieux et on
le voit par exemple lorsqu'il y a des événements qui suivent le
concours où un des interprètes est présenté ou un des compositeurs
est présenté, souvent on va écrire qu'il s'est mérité une distinction
au prix Ars Electronica. On sait très bien que ça a un impact sur
la programmation. Ça a un impact dans certains cas sur la diffusion
et sur ce qui va être endisqué. Ça a un impact dans la carrière
d'un artiste surtout des jeunes moins connus. On était aussi conscient
qu'il ne fallait pas être trop à la mode, mais on ne peut pas faire
autrement que de l'être. Quand même, il y a certains choix qui ont
été faits par respect pour un style de musique ou une tendance musicale
qui ne doit pas être mis à l'oubliette simplement parce qu'elle
n'est pas à la mode.
H.P. : Ce qui m'amène à une question. Même
si tu me disais tout à l'heure que, malgré ce qu'on peut penser,
plusieurs artistes en art électronique ou en audio ou art audio
sont loin d'être des millionnaires et ce n'est pas du tout un endroit
où on fait des sous. Je ne veux pas dire que tout le monde est pauvre,
mais que ce n'est pas nécessairement un endroit où on devient riche.
N.B. : Je crois que le problème c'est que
quand on parle electronica, beaucoup de gens pensent immédiatement
techno et pensent immédiatement à la dernière pub qu'ils ont vu
de Volkswagen à la télévision où on entend de la musique techno.
Effectivement, la personne qui a fait cette trame-là a probablement
été très bien payée, mais ce n'est pas le cas pour tous ceux qui
font de la musique techno mais de la recherche dans la musique techno,
de la musique expérimentale. La plupart des artistes dont on a entendu
des œuvres ce soir ne gagnent pas leur vie uniquement de leur musique.
Ils la gagnent en faisant autre chose aussi. Ils enseignent comme
en électroacoustique ou ils font carrément autre chose que de la
musique.
H.P. : Il y a une chose que tu as relevé
pendant qu'on écoutait Oval, parce que c'est une musique quand même
assez abrasive qui exige une écoute. Nous on parlait, mais on a
le droit parce qu'on travaillait en même temps (rires). Tu parlais
de l'aspect narratif peut-être poétique qui semblait peut-être te
manquer à travers certaines musiques, est-ce qu'on peut dire électronique
en général ou plus particulièrement ces musiques . . .
N.B. : Électronique en général, mais ça je
crois que c'est peut-être plus parce que ça m'arrive régulièrement
d'en entendre beaucoup d'un trait. C'est qu'après, à un moment donné,
quand ça fait plusieurs soirs qu'on en entend beaucoup, ce qui commence
à me manquer, c'est un sujet reconnaissable. On pourrait dire peut-être
de la figuration ou de l'art figuratif, quelque chose que je reconnais,
quelque chose qui va me faire voyager d'une autre manière qu'uniquement
au niveau physique.
H.P. : Qui se développe, qui a un début,
un pendant et un après, donc un espace narratif.
N.B. : Ou même qui commence par la fin et
qui va jusqu'au début, mais qui a un tracé reconnaissable.
H.P. : On va se quitter avec un extrait tout
nouveau d'un disque de Tim Hecker. Tim Hecker c'est Jetone aussi.
Je ne le savais pas, je l'apprends. Sur Substractif : " Music for
Tundra " et on va voir … peut-être qu'on va y trouver ces espaces.
N.B. : J'espère qu'il ne fera pas froid !
transcription
: Carole Legault et Sophie Laurent
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