PAR DATE »
PAR MOTS-CLÉS :
PAR LA POSTE:
INDICATIF PRÉSENT
1400, RENÉ-LÉVESQUE EST
BUREAU 1328
MONTRÉAL (QUÉBEC)
H2L 2M2

PAR COURRIEL:
indicatif@radio-canada.ca

Une heure avec Bernard-Henri Lévy
[3 mai 2006]

Même s'il n'est pas officiellement journaliste, Bernard-Henri Lévy pratique ce métier à l'occasion. La liberté de la presse le concerne. « J'ai la chance, par rapport au journaliste professionnel, de prendre le temps » affirme celui qui a parcouru les États-Unis pendant un an et qui a consacré une enquête sur Daniel Pearl. Son implication auprès de Reporters sans frontières remonte à 21 ans, soit à la création de cette organisation. « J'ai la chance de ne pas être dans le cas de tous ces journalistes assassinés, emprisonnés. Quand on a beaucoup soi-même, il faut rendre », dit-il. 
 
 
La guerre 
Bernard-Henri Lévy appuie les pressions de Reporters sans frontières Canada qui exige qu'on montre les cercueils des soldats tués en Afghanistan : « C'est une entrave au devoir d'informer. Ça rend la guerre abstraite. Ça déréalise la guerre. On a le sucre sans sucre, le beurre sans graisse et la guerre sans morts. C'est une tendance de l'Amérique de supprimer la part du mal, de nous convaincre que tout le monde, il est beau, il est gentil ». 
 
 
Ses images marquantes 
Le philosophe lie sa première image au principe même de son plus récent livre, American vertigo : l'effondrement des tours du World Trade Center. « Le vertige d'American vertigo vient de là. Le gouffre s'ouvre le 11 septembre, au moment de l'effondrement des tours », explique-t-il à Marie-France Bazzo. 
 
Sa deuxième image marquante est la décapitation du journaliste Daniel Pearl. Cette image l'a suffisamment hanté pour qu'il consacre une enquête à ce journaliste assassiné par Al-Qaïda. « Elle (l'image) dit que les hommes sont des chiens. C'est une escalade vers l'inhumain », constate tristement le philosophe. 
 
 
Daniel Pearl 
Pour écrire Qui a tué Daniel Pearl?, Bernard-Henri Lévy est retourné sur les pas du journaliste exécuté. « Je savais que je prenais des risques en écrivant ce livre, les mêmes causes pouvant produire les mêmes effets ». Il a mené son enquête à couvert, sans dévoiler clairement le sujet de ses recherches, afin de ne pas attirer les soupçons. 
 
 
Le vertige américain 
Quant à American vertigo, le magazine Atlantic Monthly l'a envoyé sur les traces d'Alexis de Tocqueville, 170 ans plus tard. En résumé, Bernard-Henri Lévy constate le vertige qui afflige les États-Unis. L'identité du pays et ses valeurs bougent sous ses pieds. Les Américains vont très mal parce que le pacte social à l'origine de la création du pays vacille sur ses bases. « C'est un livre d'aventure, un journal de voyage, plus proche de Jack Kérouac (On the road) que de Tocqueville ». 
 
Afin de bien comprendre les États-Unis et de prendre des notes, Bernard-Henri Lévy a parcouru le pays en voiture (avec un chauffeur). Il a alors remarqué la destruction de certaines grandes villes américaines, notamment Détroit et Buffalo. « Il y a cette espèce de désamour de leur ville. Les villes faibles, on les laisse mourir », déclare-t-il. Et une fois à Las Végas, il s'est aperçu que « L'Amérique est la caverne d'Ali Baba de la planète ». 
 
Le philosophe a aussi remarqué l'omniprésence de la religion. « Il y a un nouveau rapport au divin, complètement inédit. Dieu est un ami qui vous veut du bien. Dans l'histoire des religions, il se passe en Amérique quelque chose de neuf, et de pas rassurant, qui change le rapport que nous avons au bien et au mal ». 
 
Bernard-Henri Lévy a écrit American vertigo à cause de « ce point de crise ». Son pari : les Américains vont rebondir, « Les ressorts démocratiques tiennent bon ». Le désastre provoqué par l'ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans a démontré la faillite de la démocratie au sommet et des institutions, mais la victoire des pouvoirs locaux et du réseau social. « Ça, c'est la grande Amérique, c'est la force du pays ». Bernard-Henri Lévy s'attendait à parcourir un pays sauvage, mais il a trouvé « un pays tocquevillien ». 
 
 
  • Bernard-Henri Lévy, American vertigo, éditions Grasset, 2006.

    Écoutez l'entrevue (49:03)







  •