JOURNALISTE
Florence Meney


 

 

« Elle a travaillé à l'amélioration du sort des femmes dans la vie publique. Elle était une amie de mon épouse. Cela nous fait énormément de peine de la voir partir, mais elle avait fait son travail. »
Jean Chrétien

« Elle a été mêlée à la vie du Québec pendant tant d'années et de tant de façons... C'était une grande Québécoise et une grande canadienne qui pouvait donner l'heure juste. »
Lise Bacon, sénatrice libérale

Je l'ai combattue, mais c'était toujours dans un esprit de respect mutuel. On a mis les armes à terre et on regardait les phénomènes des Affaires québécoises comme deux personnes de deux générations différentes qui devisaient. Il n'y avait pas de sujet tabou pour elle. »
Claude Charron, ex-ministre péquiste

« Sa passion la plus intense était la littérature. Elle aimait écrire. »
Roch Bolduc, sénateur

« Quand on a des convictions, quand on est profondément engagé, il n'y a pas de fin. »
Serge Joyal, sénateur

« S'il y avait une personne au monde qui connaissait les deux côtés de la médaille, c'était elle. Elle connaissait si bien la politique du Québec comme du Canada. Elle avait été parmi le premier groupe de femmes au pays ayant avancé pour que les femmes aient leur mot à dire. »
Raymond Saint-Pierre, journaliste

« Elle disait à Trudeau qu'elle ne l'aimait pas; elle disait à René Levesque qu'il était beaucoup trop colérique. »
Raymond Saint-Pierre, journaliste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Meech, c'est la dernière chance pour les Québécois de revenir dignement dans la Confédération. »

« Le pays est beaucoup plus fort que ses politiciens. Ce pays, je l'aime et je vais continuer à le défendre. J'aime ce pays d'amour. »

À propos de la présence du Bloc Québécois au Parlement :
« La présence de ce parti me semble une aberration. Mais dans quel autre pays au monde permettrait-on cela? Cette démocratie, il faut la protéger. »

 


En bref

- Née en 1919. Décédée en novembre 2001.
- Écrivaine, animatrice et femme politique.
- Députée libérale provinciale (Québec) de 1979 à 1981.
- Sénatrice conservatrice de 1988 à 1994.
- Ardente militante de l'unité canadienne.
- A siégé à la Commission Pépin-Robarts.
- Fervente admiratrice de l'écrivain Colette.

« Mon regret, c'est d'avoir parfois claqué des portes,
d'avoir dit des choses un peu dures...
mais je vais dire comme Édith Piaf, je ne regrette rien. »
- Solange Chaput-Rolland



Solange Chaput-Rolland est née à Montréal en 1919. Elle a fait ses études au Couvent d'Outremont, à la Sorbonne et à l'Institut catholique de Paris.

Très jeune, elle sent que la littérature l'attire et la nourrit. Elle profite en particulier de son séjour à Paris pour s'abreuver aux sources vives de l'écriture. Toute sa vie, écrire et lire seront deux pôles essentiels.

Lorsqu'on se penche sur la vie de Solange Chaput-Rolland, ce qui frappe d'emblée. c'est que celle qu'on décrit comme une bagarreuse de tous les combats a touché à de multiples domaines, des arts à la politique, en passant par les droits des femmes.



Une femme de lettres et de culture,
une communicatrice



C'est la télévision qui la fera connaître, dans les années 1950, et qui lui donnera le goût des affaires publiques.

Depuis plus de trente ans, Solange Chaput-Rolland était bien connue comme éditorialiste, journaliste, auteure politique et animatrice d'émissions d'affaires publiques à la radio et à la télévision.


 

Elle a travaillé comme éditorialiste au réseau Télémédia et a été animatrice d'émissions d'affaires publiques à Télé-Métropole jusqu'en 1977. Cette année-là, le gouvernement du Canada la nommait commissaire à la Commission de l'unité canadienne.

D'abord critique littéraire pour plusieurs journaux et revues du Québec, elle a fondé et dirigé un journal mensuel, Points de vue, et a écrit de nombreux ouvrages analytiques de l'actualité politique au Québec et au Canada. Mettant à profit sa connaissance intime des milieux politiques, elle écrira plus tard la télésérie Monsieur le ministre.

Elle collabore entre autres à L'Écho du Nord, L'Avenir du Nord, La Revue moderne, Amérique française, Le Devoir et Le Canada.

En 1984, elle publie Le Mystère Québec, dixième et dernier tome de son journal politique commencé en 1964 par Chers ennemis et qui commente vingt ans d'actualité politique au quotidien.



Une femme d'engagement politique

Si elle a d'abord évolué en politique sous la bannière libérale sur la scène provinciale, aux côtés de Robert Bourassa, c'est dans les rangs conservateurs que Solange Chaput-Roland siégera plus tard. Brian Mulroney est allé la chercher après l'échec des négociations constitutionnelles du lac Meech pour la nommer sénatrice.

Solange Chaput-Roland s'est battue toute sa vie pour que les femmes puissent occuper une véritable place dans la vie publique. Tout naturellement, cette émule de Thérèse Casgrain se tourne vers la politique. Elle est élue dans la circonscription de Prévost en 1979, et elle sera députée à l'Assemblée nationale du Québec jusqu'en 1981.

En 1977, le gouvernement du Canada la nomme à la Commission Pépin-Robarts sur l'unité canadienne. Elle se lance à fond dans sa mission.


En 1979, la Commission Pépin-Robarts dépose son rapport de 75 recommandations pour sortir le pays de l’impasse constitutionnelle. La Commission propose un « fédéralisme asymétrique » qui accorde plus de pouvoirs aux provinces, sur les droits linguistiques notamment. Mais Ottawa rejette cette option et relègue le rapport Pépin-Robarts aux oubliettes.


En 1980, le Parti Québécois, exaspéré par l’impasse constitutionnelle et les fins de non-recevoir à ses demandes de reconnaissance culturelle et politique, propose aux Québécois d’opter pour l’indépendance. Ce projet de sécession systématique, assorti d’une souveraineté-association, est soumis à la population québécoise lors d’un référendum particulièrement déchirant.

À cette occasion, Solange Chaput-Rolland fut l'une des principales militantes du camp du Non.

Elle suit ardemment les rebondissements constitutionnels qui secouent le pays et le divisent. L'échec des négociations du lac Meech lui porte un dur coup.


Meech

Après l’arrivée des conservateurs à Ottawa en 1984, le premier ministre Brian Mulroney promet de trouver un accord qui amènera le Québec à adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982 dans « l'enthousiasme et la dignité ». Bien disposé envers les conservateurs, le Québec pose cinq conditions à son adhésion, dont la reconnaissance d’un statut distinct pour la province au sein de la Confédération. Le 30 avril 1987, les premiers ministres provinciaux et fédéral acceptent ces conditions. La même année, la formulation de l’Accord du lac Meech est adoptée à Ottawa, après de longues heures de débat. L’accord doit toutefois être ratifié (accepté à la majorité des voix) par toutes les législatures provinciales ainsi que par la Chambre des communes dans un délai de trois ans.

Au cours de ces trois années, l’appui des provinces anglophones à l’Accord s’effrite. Le Manitoba s’y oppose en premier, après que le gouvernement du Québec eut fait appel à la « clause nonobstant » pour maintenir la Loi 178 sur l'affichage. Vient ensuite Terre-Neuve. Le premier ministre libéral, Clyde Wells, s'oppose à Meech dans les mêmes termes. Ces derniers refusent de tenir le vote libre prévu dans leur législature respective sur l’accord. En mai 1990, des députés fédéraux québécois, Lucien Bouchard en tête, quittent le Parti conservateur en claquant la porte. Ils fonderont plus tard le Bloc Québécois.

Le 22 juin 1990, le délai de trois ans expire. L’Accord du lac Meech est définitivement mort. Robert Bourassa annonce qu’il ne négociera plus à onze et qu’il attendra désormais une offre valable du gouvernement fédéral avant de rouvrir le dossier constitutionnel.



Cette déclaration faite dans une entrevue à Radio-Canada (1994) donne la mesure de l'attachement de Solange Chaput-Rolland à l'unité canadienne. Elle dit : « Le pays est beaucoup plus fort que ses politiciens. Ce pays, je l'aime et je vais continuer à le défendre. J'aime ce pays d'amour. »

De l'avis de tous, Solange Chaput-Rolland est l'une des politiciennes qui connaissent le mieux le pays, ses divisions et ses forces communes. Elle n'hésitera pas, dans ses tournées canadiennes de promotion de l'unité nationale, à donner un avertissement aux anglophones sur la nécessité de respecter le Québec :

« On est distinct parce qu'on est ici depuis longtemps, parce qu'on a eu mal dans notre chair, on a résisté... il va bien falloir que les anglophones le comprennent un jour,
nom de Dieu! »

(1987)


Solange Chaput-Rolland a occupé la fonction de sénatrice pour le Parti progressiste-conservateur de 1988 à 1994. Elle a pris sa retraite à 75 ans, parce qu'elle avait atteint l'âge limite, mais aussi, selon certains, parce qu'elle était désillusionnée par l'institution du Sénat.

« La vie est un perpétuel recommencement. Je vais continuer, je vais m'occuper des personnes âgées... en écrivant quelques autres livres. Ce n'est pas un arrêt, c'est un point de suspension. Je pense davantage à demain qu'au lendemain. Quand on arrive à mon âge, c'est plus sûr », dira-t-elle. (Entrevue accordée à Radio-Canada en 1994, lors de son départ du Sénat)



Une femme de distinctions

Au fil des ans, Solange Chaput-Rolland a collectionné les honneurs.

Plusieurs distinctions ont souligné la vigueur de ses écrits : elle a été élue Femme de l'année par la Presse canadienne en 1968 et a remporté le Memorial Award du Media Club en 1972 pour ses éditoriaux, ainsi que le Don Mac Arthur Award (1975) pour ses reportages radiophoniques sur la guerre en Israël.

Elle a été membre du Conseil des Arts du Canada, des conseils d'administration de l'Université de Montréal et de la Fondation Lionel-Groulx. En 1974, elle a fondé le prix Judith-Jasmin, qui couronne les meilleurs écrits politiques dans les médias.

Elle est aussi devenue officier de l'Ordre du Canada en 1975.

En 1983, elle devenait la seule femme au Québec à avoir reçu un doctorat honoris causa en droit de l'Université Queens.




Conclusion

Ces dernières années, Solange Chaput-Rolland vivait plutôt dans l'isolement, selon le sénateur conservateur Jean-Claude Rivest, qui l'a côtoyée à l'Assemblée nationale. Elle se consacrait à la défense des droits des personnes âgées. Solange Chaput-Rolland est morte de problèmes cardiaques dans sa demeure des Laurentides.


« Le plus grand honneur, c'est d'avoir gardé
la confiance de certains Québécois. »


Biographie

Fumées, Montréal, Beauchemin, 1943

Chers ennemis : essai-étude (avec Gwethalyn Graham), Montréal, Éditions du Jour, 1963

Mon pays, le Québec ou le Canada?, Montréal, Cercle du livre de France, 1966

Québec année zéro, Montréal, Cercle du livre de France, 1968

Une ou deux sociétés justes?, Montréal, Cercle du livre de France, 1969

La seconde conquête, Montréal, Cercle du livre de France, 1970

Face to Face (avec Gertrude Laing), Toronto, New Press, 1972

Les heures sauvages, Montréal, Cercle du livre de France, 1972

Watergate, Montréal, Cercle du livre de France, 1973

Les maudits journalistes, Montréal, Cercle du livre de France, 1975

Lettres ouvertes à treize personnalités politiques, Montréal, Cercle du livre de France, 1977

De l'unité à la réalité, Montréal, Cercle du livre de France, 1981

Le mystère Québec, Montréal, Cercle du livre de France

Et tournons la page (biographie), Montréal, Libre Expression

Le tourment et l'apaisement, Montréal, Libre Expression

Chère Sénateur (avec Brenda Robertson), Montréal, Libre Expression

Nous deux, Montréal, Libre Expression, 1993

Les quatre saisons d'Isabelle (roman), Montréal, Libre Expression

Où es-tu? (roman), Montréal, Libre expression, 1995

Les élus et les déçus (roman), Montréal, Libre expression, 1996

 

Hyperliens

Canada : la saga constitutionnelle (dossier)
Gouvernement du Canada : Sénat

 

Solange Chaput-Rolland

Une femme de tous les combats