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Le Liban à la croisée des chemins

Radio-Canada

Le 22 juin 2005 - Journaliste: Isabelle Montpetit

Libérés depuis quelques semaines de 29 ans de tutelle syrienne, les Libanais sont allés aux urnes entre le 29 mai et le 19 juin. La coalition antisyrienne de Saad Hariri a obtenu la majorité à l'Assemblée nationale, avec 72 sièges sur 128, après avoir raflé la totalité des 28 sièges en jeu lors de la dernière étape du scrutin.

Les législatives se sont déroulées sur quatre semaines :

  • 29 mai : à Beyrouth;

  • 5 juin : au Liban-Sud;

  • 12 juin : au Mont-Liban (centre) et dans la région de la Bekaa (est);

  • 19 juin : au Liban-Nord.
  • Deux grands courants s'opposaient dans le pays : les partisans de l'autonomie libanaise et les avocats du nationalisme arabe, qui rêvent d'une Grande Syrie englobant le Liban.

    L'opposition antisyrienne n'a pas réussi à maintenir l'unité qu'elle avait su créer au cours des derniers mois. L'ancien général chrétien Michel Aoun, le chef druze Walid Joumblatt et le sunnite Saad Hariri, fils de l'ancien premier ministre assassiné le 14 février, ont tenté de présenter des listes uniques, mais leurs négociations ont échoué.

    La troisième étape du scrutin, le 12 juin, a confirmé la volatilisation du front antisyrien. Des alliances étonnantes ont été conclues entre Michel Aoun et des candidats prosyriens d'une part, et entre Walid Joumblatt et le Hezbollah prosyrien d'autre part.

    Contre toute attente, les troupes de Michel Aoun ont remporté 21 des 58 sièges en jeu; celles de Walid Joumblatt 27 sièges et le Hezbollah et ses alliés, 10. La confrontation entre les différentes tendances a entraîné un taux de participation de 54 %.

    Les deux premières étapes de l'élection s'étaient déroulées sans surprise.

    Les listes de Saad Hariri ont raflé les 19 sièges des trois circonscriptions de Beyrouth. Pour neuf de ces sièges, il n'y a pas eu d'opposition. Le taux de participation n'a été que de 27 %.

    Au Liban-Sud, les listes unifiées des deux partis chiites prosyriens Hezbollah et Amal ont gagné les 23 sièges des deux circonscriptions en jeu. Six de ces sièges ont été attribués par défaut à trois chrétiens et trois sunnites, faute d'opposants. C'est le cas de celui de Bahia Hariri, soeur de l'ancien premier ministre assassiné. Le taux de participation a atteint 45 % dans cette région à majorité chiite.

    Le Canada, l'Europe et les Nations unies ont délégué une centaine d'observateurs pour surveiller la régularité du scrutin.

    Un système confessionnel

    Traditionnellement, au Liban, la vie politique a des assises confessionnelles. En vertu de la Constitution, le président est un chrétien maronite, le premier ministre, un sunnite, et le président de l'Assemblée nationale, un chiite. Les sièges de l'Assemblée nationale sont répartis également entre chrétiens et musulmans.

    De plus, la vie politique est dominée par quelques grandes familles, qui se transmettent le pouvoir de génération en génération.

    Le découpage des circonscriptions a été modifié en 2000 à la demande de la Syrie, et cette carte électorale prévaut toujours. Les chrétiens considèrent toutefois que ce découpage noie leur vote dans celui de la majorité musulmane, ce qui en a amené plusieurs à boycotter le scrutin.

    Chaque circonscription compte un nombre déterminé de députés de chacune des confessions. Les partis doivent tenir compte de cette contrainte dans la composition de leurs listes. L'électeur a toutefois la possibilité de choisir des candidats provenant de différentes listes. Les candidats qui obtiennent le plus grand nombre de suffrages sont élus, à condition que la répartition confessionnelle soit satisfaite.

    Une des tâches du futur gouvernement sera d'abolir le confessionnalisme du système politique, comme l'exige l'accord de Taëf, qui a mis fin à la guerre civile en 1989.

    Le fil des événements

    La crise qui a mené au retrait syrien couvait depuis septembre 2004, date de l'adoption, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la résolution 1559, initiative conjointe des États-Unis et de la France.

    L'application de cette résolution sous-entend le retrait total des forces syriennes, présentes au Liban depuis 1976. La Syrie avait alors répondu à l'appel des milices chrétiennes en lutte contre les forces palestiniennes. À la fin de la guerre, l'accord de Taëf a permis aux Syriens de maintenir leurs troupes au Liban, tant que certaines zones libanaises étaient occupées par Israël.

    La résolution 1559 exige également la fin de l'ingérence syrienne dans le processus électoral et le désarmement du Hezbollah prosyrien, de même que des milices palestiniennes basées dans les camps de réfugiés.

    En septembre 2004, également, le deuxième mandat du président prosyrien Émile Lahoud arrive à son terme. Selon la Constitution, il ne peut pas être renouvelé une troisième fois. La Syrie oblige alors le Parlement libanais à modifier la Constitution pour prolonger le mandat du président.

    Le premier ministre Rafic Hariri menace d'abord de démissionner si la Constitution est modifiée, puis finit par céder aux pressions syriennes et tente de former un gouvernement d'union nationale. Il démissionnera quelque temps après.

    On voit alors émerger un vaste courant multiconfessionnel antisyrien qui réunit, autour du sunnite Rafic Hariri, plusieurs formations chrétiennes, mais aussi le chef druze Walid Joumblatt, allié des Syriens depuis une trentaine d'années.

    Mais le 14 février, Rafic Hariri est assassiné au cours d'un attentat que la majorité des Libanais a tôt fait d'attribuer à la Syrie. Des centaines de milliers de Libanais de toutes confessions descendent dans la rue pour réclamer le retrait de la Syrie des affaires libanaises.

    Damas finit par céder. Le 24 mai, une équipe des Nations unies confirme le retrait des forces syriennes. L'équipe conclut également qu'« aucun personnel des services de renseignement militaires syriens ne demeure au Liban dans les endroits connus ».

    Certains observateurs croient toutefois que la Syrie ne se satisfera pas d'une situation où elle n'a pas son mot à dire au Liban.

    Les assassinats du journaliste Samir Kassir, le 2 juin, et de l'ancien chef du Parti communiste libanais Georges Hawi, le 21 juin, tendent à leur donner raison. Ces deux fervents opposants à la présence syrienne ont péri dans des attentats à la voiture piégée attribués à la Syrie par de nombreux Libanais.

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