Morgan Tsvangirai
              L'adversaire de Robert Mugabe


JOURNALISTES
Florence Meney
Mise à jour :
3 février 2003

« Toutes les tentatives d'intimidation, toutes les menaces faites contre nous seront vaines... nous offrons une alternative crédible à la dictature en place. Nous ne laisserons aucune chance à Mugabe lors de ce scrutin. »

« Le plus important, c'est qu'il a du bon sens. S'il était élu, il saurait s'entourer de gens capables et il accepterait leur avis. »
- Masipula Sithole, analyste politique

Un homme qui incarne l'opposition à
Robert Mugabe

Morgan Tsvangirai, ancien mineur et leader syndical très populaire, constitue, de l'avis des observateurs, l'opposition la plus crédible à Robert Mugabe depuis l'indépendance (1980). Monsieur Tsvangirai a d'ailleurs déjà mis Mugabe en échec lors des législatives de juin 2000 en raflant près de la moitié des sièges au Parlement, quelques mois seulement après avoir formé son parti.

 





Percée historique de l'opposition en juin 2000

Résultats des élections législatives de juin 2000 :
MDC : 57 sièges
ZANU-FP (parti de Robert Mugabe) : 62 sièges

À 51 ans, Tsvangirai est toujours plein de feu et de volonté. Ses discours sont colorés, fougueux. L'homme n'hésite pas à multiplier les qualificatifs injurieux tels que « despote dérangé » à l'endroit de Mugabe. Le leader de l'opposition a également lancé un appel à l'armée, qui appuie sans restriction Robert Mugabe, l'exhortant à respecter les résultats du scrutin, quels qu'ils soient.


Robert Mugabe, dans les années
qui ont suivi l'indépendance.

S'opposer ouvertement à l'ancien héros de l'indépendance comporte des risques, comme l'a constaté Morgan Tsvangirai : lui et son mouvement sont sujets à des tentatives multipliées de répression de la part de l'État et d'un président qui refuse de lâcher le pouvoir.


Qui est Morgan Tsvangirai ?

Aîné d'une famille de neuf enfants dont le père était maçon, Tsvangirai est né en 1952 à Gutu (dans l'est du Zimbabwe). Il a suivi de brèves études mais a dû quitter l'école afin d'aider à nourrir les siens.

À vingt ans, il travaille comme ouvrier dans une usine de textiles, au nord-est de la capitale, Harare. C'est à cette époque qu'il pénètre dans le monde du syndicalisme, d'abord comme simple membre d'une cellule. Deux ans plus tard, le jeune Morgan change de métier. Il devient mineur pour une compagnie d'extraction de nickel à Bindura. Il passera près de dix ans dans cette mine, gravissant les échelons pour finalement devenir contremaître.

Robert Mugabe aime insulter les modestes origines de Morgan Tsvangirai en l'appelant « ignoramus ». Il lui reproche de ne pas avoir participé au combat qui a mené à l'indépendance du Zimbabwe.

Tsvangirai prend aussi du galon au sein du syndicat et devient chef de section du syndicat Associate Mine Workers Union; il sera ensuite choisi pour devenir l'un des responsables du National Mine Workers Union, avant de devenir secrétaire général du Zimbabwe Congress of Trade Unions en 1988.

Morgan Tsvangirai s'est aussi fait connaître en donnant de multiples conférences dans les universités d'Afrique et d'ailleurs. Il s'est aussi exprimé dans le cadre de nombreuses rencontres internationales.

C'est un homme d'une grande éloquence, et un travailleur de force, dont l'énergie en impose à son entourage. Par contre, on lui reproche parfois d'être impulsif et de parler avant de réfléchir.

Morgan Tsvangirai est marié depuis 1978. Le couple a six enfants (de 8 à 22 ans).


Son engagement contre le président

C'est vers la fin des années 90 que l'homme émerge en politique. En décembre 1997 et au début de 1998, il prend la tête d'une série de grèves, dirigées contre le gouvernement de Robert Mugabe. Ces mouvements font suite à une décision de Robert Mugabe d'allouer unilatéralement aux vétérans de la guerre d'indépendance des indemnités de retraite, et de financer cette mesure en augmentant les impôts. La grève paralyse le pays et force Mugabe à reculer.


Le MDC est né en opposition aux politiques
économiques et sociales de Robert Mugabe.

En 1999, Morgan Tsvangirai fonde le Mouvement pour le changement démocratique avec l'aide du Zimbabwe Congress of Trade Unions. Le nouveau parti naît dans un pays où l'opposition au pouvoir est quasi inexistante. Le MDC va chercher ses appuis chez les travailleurs noirs en milieu urbain, mais il rassemble aussi des éléments très disparates, unis par une même volonté : débarrasser le Zimbabwe de Robert Mugabe.

On y retrouve la masse des chômeurs, mais aussi de riches industriels, et beaucoup de membres de la minorité ethnique ndébélé, qui ont été victimes de persécution. Tous ces citoyens, dont beaucoup sont jeunes, s'intéressent peu ou prou au passé glorieux de Robert Mugabe, le héros de l'indépendance, celui qui a secoué le joug colonial. Pour eux, le président vieilli, devenu despote, incarne l'échec, les injustices sociales et le marasme économique. Certains fermiers blancs, las des persécutions subies de la part du gouvernement en place, apportent leur soutien (y compris financier) au MDC.

De son côté, Robert Mugabe accuse le MDC d'être une marionnette de la minorité blanche du Zimbabwe et de la Grande-Bretagne. Il aime rappeler à la population que Morgan Tsvangirai n'a pas participé à la guérilla contre la minorité blanche et aux efforts pour rendre les terres les plus fertiles à la majorité noire du pays.

Au fil des années et à mesure que sa popularité grandit, le leader de l'opposition s'attire les foudres du gouvernement. Déjà en 1989, il avait été accusé d'être un espion sud-africain et avait été emprisonné pendant six semaines.

Depuis la fondation du MDC, Morgan Tsvangirai est l'objet de harcèlement répété des troupes du président et parfois d'agressions physiques.


C'est souvent dans la clandestinité que les
partisans de Morgan Tsvangirai se regroupent.

Selon ses partisans, il aurait même été la cible de trois tentatives d'assassinat. En 1997, un groupe d'agresseurs a surgit par la force dans son bureau, l'a assommé avec une barre de métal et a tenté de le jeter par la fenêtre (du dixième étage).

Cette agression n'était qu'un avant-goût des actes de violence qui allaient être perpétrés au cours des années suivantes par les « vétérans » et supporters du président, contre les partisans de Morgan Tsvangirai. Selon le MDC, une centaine de leurs membres ont été tués par les troupes de Mugabe au cours des deux dernières années.

En 2000, une grande victoire illustre la montée du MDC au sein de la société zimbabwéenne : Robert Mugabe tient alors un référendum visant à mettre en place une nouvelle constitution qui aurait consolidé les importants pouvoirs du président et permis l'expropriation des fermiers blancs, sans indemnisation. La population du Zimbabwe rejette la réforme.

Cette montée de l'opposition et de la popularité du MDC se confirme lors des législatives, la même année, quand le parti réussit à remporter près de la moitié des sièges.

Morgan Tsvangirai incarne pour beaucoup l'espoir d'un renouveau pour ce pays jadis prospère, mais aujourd'hui plongé dans la misère. M. Tsvangirai lui-même pense que le Zimbabwe peut être reconstruit. Cependant, il craint que les années de corruption et de despotisme ne créent la méfiance chez les grandes nations, celles-là même qui seraient les mieux placées pour aider le Zimbabwe. Devant des journalistes, récemment, le leader du MDC a déclaré : « La situation qui prévaut actuellement au Zimbabwe est une confirmation de l'afro-pessimisme. Si cela peut arriver ici, maintenant, au Zimbabwe, qui peut garantir que cela ne peut se reproduire dans 20 ans en Afrique du sud ? Mugabe et ses partisans renforcent aux yeux du monde entier l'idée que nous (en Afrique) pouvons tomber à ce niveau ».


Hyperliens :

Robert Mugabe
Notre dossier

Le Zimbabwe
Collection de sites Internet et d'informations sur le Zimbabwe

Le Zimbabwe en un clin d'œil

La dérive autoritaire
Article extrait de la presse africaine

Les Quinze appliquent des sanctions contre le Zimbabwe
Article du journal Le Monde

Jean Dussault s'entretient avec Emma Odwin, porte-parole de l'Union européenne dans le dossier du Zimbabwe

Le Commonwealth
Site officiel


Remerciements :
Jean-François Bélanger
Correspondant Afrique
Société Radio-Canada