Qui est Morgan Tsvangirai ?
Aîné
d'une famille de neuf enfants dont le père était
maçon, Tsvangirai est né en 1952 à Gutu (dans
l'est du Zimbabwe). Il a suivi de brèves études
mais a dû quitter l'école afin d'aider à nourrir
les siens.
À
vingt ans, il travaille comme ouvrier dans une usine de textiles,
au nord-est de la capitale, Harare. C'est à cette époque
qu'il pénètre dans le monde du syndicalisme, d'abord
comme simple membre d'une cellule. Deux ans plus tard, le jeune
Morgan change de métier. Il devient mineur pour une compagnie
d'extraction de nickel à Bindura. Il passera près
de dix ans dans cette mine, gravissant les échelons pour
finalement devenir contremaître.
Robert
Mugabe aime insulter les modestes origines de Morgan Tsvangirai
en l'appelant « ignoramus ». Il lui reproche
de ne pas avoir participé au combat qui a mené à
l'indépendance du Zimbabwe.
Tsvangirai
prend aussi du galon au sein du syndicat et devient chef de section
du syndicat Associate Mine Workers Union; il sera ensuite choisi
pour devenir l'un des responsables du National Mine Workers Union,
avant de devenir secrétaire général du Zimbabwe
Congress of Trade Unions en 1988.
Morgan Tsvangirai
s'est aussi fait connaître en donnant de multiples conférences
dans les universités d'Afrique et d'ailleurs. Il s'est
aussi exprimé dans le cadre de nombreuses rencontres internationales.
C'est un homme d'une grande
éloquence, et un travailleur de force, dont l'énergie
en impose à son entourage. Par contre, on lui reproche
parfois d'être impulsif et de parler avant de réfléchir.
Morgan Tsvangirai est marié
depuis 1978. Le couple a six enfants (de 8 à 22 ans).
Son engagement contre le président
C'est vers la fin des années 90 que l'homme émerge
en politique. En décembre 1997 et au début de 1998,
il prend la tête d'une série de grèves, dirigées
contre le gouvernement de Robert Mugabe. Ces mouvements font suite
à une décision de Robert Mugabe d'allouer unilatéralement
aux vétérans de la guerre d'indépendance
des indemnités de retraite, et de financer cette mesure
en augmentant les impôts. La grève paralyse le pays
et force Mugabe à reculer.
Le MDC est né en opposition aux
politiques
économiques et sociales de Robert Mugabe.
En 1999, Morgan Tsvangirai fonde le Mouvement pour
le changement démocratique avec l'aide du
Zimbabwe Congress of Trade Unions. Le nouveau parti naît
dans un pays où l'opposition au pouvoir est quasi inexistante.
Le MDC va chercher ses appuis chez les travailleurs noirs en milieu
urbain, mais il rassemble aussi des éléments très
disparates, unis par une même volonté : débarrasser
le Zimbabwe de Robert Mugabe.
On
y retrouve la masse des chômeurs, mais aussi de riches industriels,
et beaucoup de membres de la minorité ethnique ndébélé,
qui ont été victimes de persécution. Tous
ces citoyens, dont beaucoup sont jeunes, s'intéressent
peu ou prou au passé glorieux de Robert Mugabe, le héros
de l'indépendance, celui qui a secoué le joug colonial.
Pour eux, le président vieilli, devenu despote, incarne
l'échec, les injustices sociales et le marasme économique.
Certains fermiers blancs, las des persécutions subies de
la part du gouvernement en place, apportent leur soutien (y compris
financier) au MDC.
De
son côté, Robert Mugabe accuse le MDC d'être
une marionnette de la minorité blanche du Zimbabwe et de
la Grande-Bretagne. Il aime rappeler à la population que
Morgan Tsvangirai n'a pas participé à la guérilla
contre la minorité blanche et aux efforts pour rendre les
terres les plus fertiles à la majorité noire du
pays.
Au fil des années et à mesure que
sa popularité grandit, le leader de l'opposition s'attire
les foudres du gouvernement. Déjà en 1989, il avait
été accusé d'être un espion sud-africain
et avait été emprisonné pendant six semaines.
Depuis la fondation du MDC, Morgan Tsvangirai est
l'objet de harcèlement répété des
troupes du président et parfois d'agressions physiques.
C'est souvent dans la clandestinité
que les
partisans de Morgan Tsvangirai se regroupent.
Selon ses partisans,
il aurait même été la cible de trois tentatives
d'assassinat. En 1997, un groupe d'agresseurs a surgit par la
force dans son bureau, l'a assommé avec une barre de métal
et a tenté de le jeter par la fenêtre (du dixième
étage).
Cette agression n'était
qu'un avant-goût des actes de violence qui allaient être
perpétrés au cours des années suivantes par
les « vétérans » et supporters
du président, contre les partisans de Morgan Tsvangirai.
Selon le MDC, une centaine de leurs membres ont été
tués par les troupes de Mugabe au cours des deux dernières
années.
En
2000, une grande victoire illustre la montée du MDC au
sein de la société zimbabwéenne : Robert
Mugabe tient alors un référendum visant à
mettre en place une nouvelle constitution qui aurait consolidé
les importants pouvoirs du président et permis l'expropriation
des fermiers blancs, sans indemnisation. La population du Zimbabwe
rejette la réforme.
Cette montée de l'opposition et de la popularité
du MDC se confirme lors des législatives, la même
année, quand le parti réussit à remporter
près de la moitié des sièges.
Morgan Tsvangirai incarne pour beaucoup
l'espoir d'un renouveau pour ce pays jadis prospère, mais
aujourd'hui plongé dans la misère. M. Tsvangirai
lui-même pense que le Zimbabwe peut être reconstruit.
Cependant, il craint que les années de corruption et de
despotisme ne créent la méfiance chez les grandes
nations, celles-là même qui seraient les mieux placées
pour aider le Zimbabwe. Devant des journalistes, récemment,
le leader du MDC a déclaré : « La
situation qui prévaut actuellement au Zimbabwe est une
confirmation de l'afro-pessimisme. Si cela peut arriver ici, maintenant,
au Zimbabwe, qui peut garantir que cela ne peut se reproduire
dans 20 ans en Afrique du sud ? Mugabe et ses partisans renforcent
aux yeux du monde entier l'idée que nous (en Afrique) pouvons
tomber à ce niveau ».