•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

43 M $ pour mieux accompagner les victimes de violence conjugale

Une femme consulte son téléphone cellulaire assise dans une pièce plongée dans la pénombre, devant une fenêtre d'un quartier résidentiel.

Le reportage de Pierre-Alexandre Bolduc

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Le gouvernement Legault va investir près de 43 millions de dollars au cours des quatre prochaines années pour mieux accompagner les victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Malgré le manque de places dans les maisons d’hébergement, Québec assure « qu’aucune femme ne sera laissée sur le carreau ».

La ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a annoncé mardi un bouquet de nouvelles mesures destinées à bonifier la Stratégie gouvernementale intégrée pour contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et Rebâtir la confiance 2022-2027.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est responsable de redistribuer les fonds. Quelque 18 millions serviront à soutenir la mise sur pied d’initiatives par les organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes et aux auteurs de violence sexuelle ou conjugale.

Reconnaissance

Québec affirme ainsi reconnaître le rôle de ces organismes dans la lutte contre les violences faites aux femmes, indique le communiqué de presse.

Puisque ces organismes agissent quotidiennement auprès des victimes et des auteurs de violence, le gouvernement estime qu’ils ont l’expertise nécessaire pour agir en prévention, en dépistage et en intervention.

Martine Biron lors d'une mêlée de presse.

Martine Biron souhaite aider les victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale à passer plus facilement « à travers le réseau » de la santé et des services sociaux.

Photo : Radio-Canada

Sur les 42,9 millions de dollars alloués au MSSS, une somme de 16,6 millions ira à l’intégration des services offerts aux victimes de violence sexuelle et de violence conjugale dans le but d’assurer un continuum de soutien.

Ressources pivots

À ce propos, Martine Biron a évoqué la désignation, au sein de chaque CIUSSS et de chaque CISSS, d’une personne pivot qui aura la responsabilité d’accompagner les victimes de violence.

[Ça] va permettre d'encadrer la victime pour ne pas qu'elle ait à raconter son histoire une fois à la police, l'autre fois à un intervenant, l'autre fois à un avocat. On veut qu'il y ait une espèce de gestion pour accompagner la victime pour pouvoir lui permettre de savoir à quelles portes frapper et dans quel ordre, a expliqué la ministre.

C'est pour rendre ça plus facile, pour aider les victimes de violence conjugale et de violence sexuelle à passer à travers le réseau sans revivre tous ces traumatismes que ces personnes-là ont vécus.

Une citation de Martine Biron, ministre responsable de la Condition féminine

L’enveloppe consentie au MSSS inclut également une somme de 8 millions de dollars pour bonifier les services de visites et d'échanges de garde d'enfants supervisés et pour assurer la formation du personnel des ressources de supervision des droits d'accès en matière de violence conjugale.

Vue en contre-plongée d'un bâtiment aux accents d'aluminium et de verre.

La direction du refuge du YWCA de Québec a affirmé il y a quelques mois que le manque de places l'oblige à refuser entre 15 et 30 demandes d'hébergement par jour. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Un autre montant de 6,85 millions sera octroyé au Secrétariat à la condition féminine, qui relève de la ministre Biron, pour soutenir différentes initiatives du gouvernement et des organismes communautaires en matière de sensibilisation à la violence sexuelle et à la violence conjugale.

Les investissements de 42,9 millions annoncés mardi seront financés à même le transfert de 97,3 millions accordé par le gouvernement fédéral pour aider Québec à bonifier sa stratégie intégrée.

Pas d'investissement dans le béton

Même si de nombreuses maisons d’hébergement affirment refuser quotidiennement des femmes victimes de violence, faute de place, la bonification de la stratégie gouvernementale ne prévoit pas de nouveaux investissements dans les infrastructures.

On n'investit pas dans le béton. On investit dans l'accompagnement des victimes avec un bouquet de mesures d'accompagnement, a précisé Martine Biron.

La ministre a rappelé que son gouvernement prévoit construire, d’ici 2027, quatre maisons d’hébergement de première étape et 30 de deuxième étape. Elle affirme qu’il n’y a jamais eu autant de projets de maisons d’hébergement en cours de construction ou de planification au Québec.

Silhouette d'une femme qui a son jeune enfant dans les bras, adossée contre le mur, dans un couloir. Elle se touche le front comme si elle avait mal à la tête.

Les maisons d'hébergement peuvent accueillir les femmes victimes de violence et leurs enfants. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / kieferpix

Interpellée par les journalistes au sujet du manque de places en hébergement, Martine Biron a reconnu qu'il y a certaines maisons qui sont pleines. Elle a toutefois assuré qu’aucune victime de violence ne sera laissée sur le carreau, y compris celles à qui on refuse un hébergement.

Quand on dit qu'elles sont refusées, elles sont dirigées ailleurs où on peut leur donner le [soutien] nécessaire pour les accompagner. On ne dit pas à une femme : "Rappelez-nous après-demain." Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. On s'en occupe. On ne laisse pas les femmes en détresse toutes seules, a insisté la ministre.

Elle a fait valoir que les femmes victimes de violence n’ont pas toutes besoin d’une place en maison d’hébergement.

Ce n'est pas du "mur-à-mur". Ce sont différents cas et il y a des ressources autres que nécessairement les maisons d'hébergement, et si une femme a besoin d'une maison d'hébergement [...], qu'il n'y en a pas dans sa région et qu'elle veut absolument aller dans sa région, elle va aller dans une chambre d'hôtel, elle sera accompagnée et on va trouver un endroit pour cette femme-là, a précisé Martine Biron.

La sortie de la ministre a reçu un accueil mitigé de la part des organismes qui viennent en aide aux femmes violentées.

Pas d’impact sur l’accès?

La porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), Louise Riendeau, ne croit pas que les millions annoncés mardi vont permettre de faciliter l’accès aux maisons d’aide et d’hébergement.

Ça va bonifier d’autres services, ça peut bonifier des façons de faire, mais il n'y a pas là, à notre connaissance, des moyens pour mieux répondre aux femmes au moment où elles font leur première demande de services, a réagi Mme Riendeau en entrevue à Radio-Canada.

Une femme qui transporte de la literie s’apprête à entrer dans la chambre d’un refuge pour femmes violentées.

Les refuges pour victimes de violence conjugale peinent à répondre à la demande. (Photo d’archives)

Photo : La Presse canadienne / Chris Young

Elle a fait remarquer que la plupart des projets gouvernementaux annoncés par Québec concernent des maisons de deuxième étape. Ces dernières accueillent des femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants après leur passage dans une ressource d’urgence.

L’ennui, note Louise Riendeau, c'est que c'est justement dans ces maisons dites de première étape qu’on observe un engorgement.

Elles sont pleines

Ce que nos membres nous disent, c'est qu'effectivement, [ces maisons de deuxième étape] sont pleines, que les femmes y restent plus longtemps à cause de la crise du logement, notamment, et qu'il est parfois difficile d'accueillir des femmes, confie la porte-parole du RMFVVC.

C'est très difficile pour des intervenantes de faire face à cette situation-là quand on connaît bien la problématique de la violence conjugale. Être obligé de dire non à une femme au moment où elle est prête à faire un pas, c'est absolument dramatique et c'est toujours inquiétant.

Une citation de Louise Riendeau, porte-parole, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

De son côté, la coordonnatrice générale de l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2), Maud Pontel, avoue avoir été surprise en entendant Martine Biron affirmer que les ressources d’aide ne refusent personne.

Une femme dans la pénombre tente de se protéger de son agresseur en tendant son bras droit en avant, la main ouverte.

Au Québec, l’accès à des ressources d’urgence pour victimes de violence conjugale tarde à s’améliorer. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Quand j'entends la ministre dire qu'il n'y a pas de refus présentement, je trouve ça un peu regrettable [...]. Nous considérons que nous sommes dans un moment de crise puisqu’il y a des femmes qui appellent et qui ne peuvent pas avoir accès à des services immédiats alors qu'elles ont besoin de sortir de leur environnement violent, déplore Mme Pontel.

1 demande sur 2 refusée

Elle rappelle que la moitié des victimes qui contactent l’organisme SOS violence conjugale dans l’espoir d’obtenir une place en maison d’hébergement essuient un refus en raison du manque de places.

Une seule femme, c'est une femme de trop, mais là, avec les chiffres que SOS violence conjugale amène, on parle quand même de 50 % des femmes qui appellent et qui n'ont pas accès à des ressources présentement, souligne la coordonnatrice générale de l'Alliance MH2.

Quant à la possibilité de diriger une victime de violence vers une chambre d’hôtel, Maud Pontel affirme qu’il ne peut s’agir que d’une solution très temporaire, surtout si aucune mesure de soutien ou d’accompagnement ne lui est offerte.

Avec la collaboration de Pierre-Alexandre Bolduc

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Québec

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Québec.