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L’usage des langues autochtones lors d’enquêtes : un « standard » à cultiver et à dépasser

Une main montre du doigt un mot écrit dans une langue autochtone sur un tableau blanc.

Des experts pensent que le recours aux langues autochtones dans les enquêtes impliquant les communautés autochtones est à encourager. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Duncan McCue/CBC

Même si la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a développé des outils de communications en déné pour enquêter sur la mort de deux personnes survenue en 2021 dans la Première Nation Northlands Denesuline, dans le nord du Manitoba, certains experts et intervenants estiment que cette approche, bien que louable, demeure insuffisante et qu'il faudra en faire davantage.

À la recommandation de membres de la communauté et du chef de la Première Nation Northlands Denesuline, la GRC au Manitoba s'est appuyée sur cet élément culturel pour réaliser son enquête.

Lors d’une conférence de presse au quartier général de la GRC à Winnipeg jeudi, le corps de police a annoncé l’arrestation d’un suspect originaire de la même communauté que les victimes.

Dans ce cas, c’est directement à cause de cette communication [en dené] qu’on a reçu des informations qui nous permettent d’être ici aujourd’hui, avec quelqu’un d’accusé de deux meurtres.

Une citation de Robert Cyrenne, directeur des communications et relations avec les médias pour la GRC au Manitoba
La photo d'une affiche en déné avec les photos des deux victimes est diffusée dur un écran à l'intérieur du quartier général de la GRC au Manitoba à Winnipeg.

L'affiche en déné a été posée devant l'ancien domicile de l'une des victimes, Brent Denechezhe.

Photo : Radio-Canada / Catherine Moreau

La grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Cathy Merrick, souligne qu’il était important pour la communauté de voir les affiches en dené.

Nos langues sont très importantes pour nous, comme le sont nos traditions, notre culture et la protection de la Terre et de l’eau. Pour la grande cheffe, communiquer avec les Premières Nations dans leur langue devrait être le standard.

Des personnes assises dans une salle.

La grande cheffe Cathy Merrick, le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, et les ministres Nahanni Fontaine et Matt Wiebe lors d'une conférence de presse au quartier général de la GRC au Manitoba en février 2024

Photo : Radio-Canada / Trevor Lyons

C'est vraiment quelque chose qu'on essaie de faire de plus en plus à la GRC au Manitoba, c'est reconnaître l'importance de la langue communautaire, affirme Robert Cyrenne. C'est essentiel de parler avec la communauté, l'engagement. C'est parce qu’on a travaillé ensemble qu’on est ici aujourd'hui.

C’est une vision qui tranche avec la relation qu’entretenaient autrefois la GRC et les communautés autochtones. Cette relation n’a pas toujours été fondée sur la collaboration et la sensibilité culturelle et demeure complexe.

C’est plus de cent ans d’histoire. Vous savez, la GRC, c’était les gens qui enlevaient vos enfants pour les envoyer au pensionnat pour Autochtones. Encore aujourd’hui, la GRC est souvent le corps policier qui arrête les activistes environnementaux, rappelle Ted Palys, professeur en criminologie à l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique.

C’est un progrès, mais c’est nettement insuffisant.

Je trouve qu'il y a un progrès majeur de constater que la police fait l'effort d'un rapprochement culturel en utilisant la langue autochtone avec les personnes avec qui elle est en contact, affirme Mylène Jaccoud, professeure à l’École de criminologie de l’Université de Montréal.

De pouvoir au moins être compris dans sa langue, c'est un élément. Ça ne permet pas de tout combler, mais c'est quand même un point de départ. Mais c'est sûr que ce n'est pas suffisant.

Une citation de Mylène Jaccoud, professeure à l’École de criminologie de l’Université de Montréal

Son confrère de la Colombie-Britannique, Ted Palys, abonde dans le même sens.

Nous avons un exemple positif ici de la GRC qui rentre dans la communauté et établit des relations avec ses membres, mais tout de suite [après avoir conclu l’enquête et arrêté le suspect], on le sort de là. Pourquoi ne pas impliquer la communauté dans les prochaines étapes du processus, pour décider ce qui advient d’un membre de la communauté?

Les deux professeurs indiquent qu’il existe des alternatives au système carcéral et que la justice autochtone n'isole pas nécessairement les gens. Mme Jaccoud donne l’exemple du Cercle de guérison holistique de la collectivité de Hollow Water au Manitoba, qui s'occupe de personnes accusées d’infractions sexuelles.

C'est un des cercles les plus connus. Il y a même eu un rapport de recherche pour montrer que les taux de récidive étaient minimes, parce qu'il y a une prise en charge communautaire. Ils jumellent aussi les cercles de guérison avec des cercles de sentence, où la GRC travaille avec la communauté, explique-t-elle.

Mylène Jaccoud affirme qu’il faudrait réformer l’ensemble du processus. Pour elle, la prochaine étape sur la voie de la réconciliation serait de reconnaître les ordres juridiques autochtones. Que ce soit la Commission de vérité et réconciliation ou, au Québec, la Commission du juge Viens ou même l'ENFADA, toutes les dernières commissions convergent toutes vers cette idée, rappelle-t-elle.

Un développement au sujet duquel la grande cheffe de l'Association des chefs du Manitoba, Cathy Merrick affiche un certain scepticisme.

Je ne sais pas si je la verrai de mon vivant, l’AMC travaille là-dessus depuis longtemps, mais j'espère qu'un jour nous aurons notre propre système judiciaire.

Une citation de Cathy Merrick, grande cheffe, Association des chefs du Manitoba

Ted Palys note que la question dépasse toutefois le champ d’action de la GRC, puisque le travail de ce corps policier est d’appliquer la loi fédérale; il faut plutôt se demander ce que le Canada peut faire pour être plus respectueux des lois autochtones.

Pour lui, il revient à la communauté de décider de la relation qu’elle veut avoir avec le système de justice canadien. Il note que c’est exactement ce qu’affirme la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Cathy Merrick salue les efforts de la GRC pour bâtir des relations avec les communautés autochtones, soulignant que de nombreux agents vont à la rencontre des communautés en respectant leurs traditions.

Elle rappelle cependant que la réconciliation est un travail de longue haleine. C’est un processus continu auquel nous devons continuer de travailler ensemble, dans le respect des traditions de chacun. C’est ainsi que nous réimaginons notre façon de travailler ensemble.

La GRC au Manitoba n’avait pas répondu à notre demande d’information au moment de la rédaction de ce texte.

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