Loi 79 : 199 enfants autochtones sont recherchés au Québec
Le rapport annuel a été présenté aux familles d'enfants disparus ou décédés de Pikogan.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, s’est rendu vendredi à Pikogan, près d’Amos. Il a présenté aux familles le 3e rapport annuel de l’application de la Loi 79 autorisant la communication de renseignements aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission en établissement de santé.
Le ministre Lafrenière était accompagné de sa collègue Suzanne Blais, députée d’Abitibi-Ouest, et des représentants du Parti libéral, André Morin, du Parti québécois, Pascal Paradis, et de Québec solidaire, Manon Massé, ainsi que des membres de la Direction de soutien aux familles, du comité de suivi et de l’Association pour les enfants disparus Awacak.
Il honore ainsi deux engagements, soit de présenter le rapport dans une communauté autochtone et d’en faire une activité transpartisane.
C’est un jour important. C’est la troisième fois qu’on dépose le rapport annuel en communauté, d’abord chez les Innus, ensuite chez les Attikameks et aujourd’hui chez nos amis les Anishinabes à Pikogan.
La Direction de soutien aux familles a expliqué qu’en date du 29 février dernier, des recherches étaient en cours pour retrouver 199 enfants autochtones disparus ou décédés, à la demande de 116 familles.
Un objet sacré, en l'occurence un tambour au cadre en cèdre et en peau de chevreuil réalisé par l'artisan Pinock Smith et illustré par l'artiste Dean Ottawa de Kitigan Zibi, a été remis à Bruno Kistabish pour les familles qui ont perdu un enfant.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
L’an dernier, le rapport faisait état de 120 enfants. Elle a ajouté que sans la Loi 79, elle n’aurait eu accès qu’à 13 % des dossiers médicaux qu’elle a fouillés pour ses recherches.
Je suis heureux de voir que dans 85 % des cas, on a aidé les familles à trouver de l'information qu’elles n’auraient pas eu autrement. Mais je suis déchiré de savoir qu'on cherche l'information sur près de 200 enfants
, souligne-t-il.
Le rapport annuel fait aussi état de deux exhumations et il y en aura d’autres, prévient Ian Lafrenière. Pourquoi? Parce que oui, les familles ont besoin de savoir. Mais vous imaginez le processus incroyablement difficile pour les familles. C'est lourd. C'est stressant. C’est émouvant. C’est le quotidien de ces gens-là
, rappelle-t-il.
De nouveaux partenariats ont aussi été mis en place, notamment avec la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, pour faciliter les recherches.
Quête de vérité et de guérison
Plusieurs prises de parole ont eu lieu pendant la cérémonie. Chacune a rappelé l’importance de cette quête de vérité, mais aussi de la grande résilience dont ont fait preuve les familles autochtones au fil des décennies, face à cette situation.
La cheffe Chantal Kistabish accueillie par le ministre Ian Lafrenière après son allocution.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
Une démarche très importante, selon la cheffe du Conseil de la Première Nation Abitibiwinni, Chantal Kistabish.
Ça permet de mettre des mots, des histoires, là où il y a des manques dans notre ligne de vie. Ce qu’a fait le ministre, puis ce qu’a fait le comité, c’est important. Ces familles-là doivent savoir qu’elles sont entendues. Qu’elles sont écoutées. On est tous prêts à travailler avec elles pour connaître la vérité
, assure-t-elle.
Un avis que partage Françoise Ruperthouse, directrice générale de l’Association des enfants disparus Awacak - Petits êtres de lumière.
Quand on vit avec un enfant qui a disparu, qu'on ne sait pas où il est, on n'a pas de deuil. Le deuil n’a jamais été fait. Ça fait plusieurs années que ces familles vivent avec l'incertitude, avec la souffrance, une souffrance silencieuse parce que les gens n’en parlaient pas. Personne n’avait le droit d’en parler
, explique-t-elle.
Françoise Ruperthouse, directrice générale de l'Association des enfants disparus Awacak - Petits êtres de lumière.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
Il est important aussi que tous connaissent cette histoire, selon elle. Les Allochtones et tout le monde au Québec devraient savoir à quel point nos familles ont été brisées autrefois. Ces rapports là vont servir à probablement éduquer les gens
, souhaite-t-elle.
En quête de réparation
Le député libéral André Morin a souligné le caractère transpartisan de la démarche, et parlé de l’importance de découvrir la vérité et que les familles ont droit à la justice. Le député péquiste Pascal Paradis a évoqué quatre principes importants : vérité, justice, réparation et non-répétition.
La députée solidaire Manon Massé a relevé l’importance d’avoir un comité de suivi et l’Association Awacak en appui à la démarche. Elle a évoqué aussi la nécessité de s’engager dans un processus de réparation. Tout comme Marjolaine Étienne, présidente des Femmes autochtones du Québec.
Les membres du comité de suivi, de l'Association des enfants disparus Awacak, du Conseil de la Première Nation Abitibiwinnni et les députés entourent le ministre Ian Lafrenière.
Photo : Radio-Canada / Martin Guindon
Je pense que j'ai lancé le message. C'est important de pouvoir recueillir les témoignages de familles, de femmes qui ont perdu un enfant. Mais en même temps, il faut penser immédiatement à pouvoir faire en sorte, dans un esprit de réconciliation, qu’il y ait une démarche en parallèle sur les réparations
, croit Mme Étienne.
Invité à réagir à cette dimension de la démarche, le ministre Ian Lafrenière estime qu’il faut d’abord trouver toute l’information qui est si nécessaire, si importante pour les familles, et il y aura lieu de regarder le reste par la suite
.