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La détérioration du lac Saint-Charles s’accélère

Le raccordement des riverains et des usines de traitement des eaux usées de la couronne nord serait la meilleure solution pour renverser la tendance, à condition de ne plus densifier autour du lac.

Maisons aux toit rouges et lac

Le lac Saint-Charles est la prise d'eau pour 300 000 personnes à proximité de la ville de Québec. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Le vieillissement du lac Saint-Charles, source d'eau potable pour plus de la moitié de la ville de Québec, s'accélère. La tendance n'est pas irréversible, mais suppose des actions musclées et des sacrifices, dont un investissement d'au moins 450 millions $ seulement en infrastructures... si la couronne nord le veut.

Long de 5 kilomètres, le lac Saint-Charles approvisionne 58 % de la population de la capitale. Or la qualité de son eau dépend de cinq municipalités qui se trouvent au-delà de ses frontières. Stoneham et de Lac-Delage, notamment, possèdent des usines de traitement des eaux usées en amont des prises d'eau potable de la ville de Québec.

Aux rejets de ces usines dans les tributaires du lac Saint-Charles s'ajoutent quelque 2000 installations septiques autonomes dans le bassin versant. Plusieurs de ces infrastructures, non étanches, provoquent une contamination supplémentaire. Malgré un premier traitement et la présence de champs d'épuration, des contaminants se retrouvent dans le nappe phréatique et ultimement dans le lac.

De retour aux années 80

Le lac se dégrade, les données récentes le démontrent très clairement, tranche Sonja Behmel, coordonatrice scientifique chez Agiro, qui collabore avec la Ville de Québec pour la protection du lac Saint-Charles. Cette dernière présentait le fruit du travail de l'organisme en comité plénier sur l'eau potable, jeudi matin, à l'hôtel de ville de Québec.

On voit Mme Behmel, debout, qui parle à la caméra. Elle pointe le lac sur la carte.

Sonja Behmel, coordonnatrice scientifique d'Agiro, s'inquiète des concentrations de phosphore observées dans le dernier bilan de santé du lac Saint-Charles. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Les plus récentes analyses de l'organisme, provenant d'échantillons de 2022, montrent des concentrations en phosphore aussi élevées que dans les années 80, avant même la mise en service des usines de Stoneham et de Lac-Delage.

Les principales causes de vieillissement du lac, c'est vraiment l'augmentation des résidus d'eaux usées des installations septiques autonomes et des installations d'eaux usées de Stoneham et de Lac-Delage.

Une citation de Sonja Behmel, coordonnatrice scientifique, Agiro

Le phosphore, comme nutriment, contribue à nourrir les cyanobactéries et les algues, provoquant un vieillissement (eutrophisation) accélérée du lac. Parmi les autres contaminants, l'azote, qui n'est pas traité par les installations sanitaires actuelles ni par les usines de traitement des eaux usées, contribue lui aussi à la détérioration du lac.

Selon Mme Behmel, cet autre nutriment propice à la prolifération des algues mène à la désoxygénation du lac et permet au phosphore de se remettre en suspension. Un lac jeune et en santé contient généralement peu de ces éléments nutritifs.

La majeure partie des installations septiques autonomes ne sont jamais étanches.

Une citation de Sonja Behmel, coordonnatrice scientifique, Agiro
Le lac Saint-Charles au printemps

Le lac Saint-Charles au printemps. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Urbanisation

Les eaux usées arrivent donc au premier rang des sources de contamination du lac Saint-Charles, toujours selon Agiro. Outre les contaminants provenant des déjections humaines (azote, phosphore), les médicaments, les drogues et les produits ménagers se retrouvent aussi dans les rejets des usines, ajoutant à la soupe.

Cette pression polluante est alimentée par le développement résidentiel, poursuit Sonja Behmel. Le bassin versant du lac, dit-elle, est de plus en plus urbanisé. Au total, 21,5 % du territoire est occupé par des activités humaines et la majorité des habitations se trouvent à moins de 500 mètres du réseau hydrographique.

Golf, station de ski, résidences, chalets et récréotourisme sont inclus à la liste.

Une rivière à la surface verglacée bordée d'arbres.

La rivière des Hurons, un tributaire du lac Saint-Charles, est traversée par la route 175. C'est aussi dans cette rivière que l'usine de traitement des eaux usées de Stoneham déverse ses rejets. (Photo d'archives)

Photo : Danielle Gauthier De Varennes

Chaque nouveau développement a un impact sur le ruissellement en raison du retrait des arbres, par exemple. L'eau de surface, comme la pluie, s'écoule alors davantage vers les cours d'eau plutôt que d'être absorbée naturellement dans les sols.

Les sels de déglaçage et les hydrocarbures provenant du réseau routier, entre autres, peuvent ainsi alimenter la contamination du bassin versant.

Une solution à 450 millions $

Agiro et Sonja Behmel assurent que la situation n'est pas désespérée, au contraire. Le lac Saint-Charles est très résilient et réagit rapidement aux bons et aux mauvais coups. Il va pouvoir s'en remettre, soutient-elle avec optimisme.

La solution, selon l'organisme, est le raccordement des usines de traitement des eaux situées en amont du plan d'eau et des sources d'eau potable.

Selon des estimations présentées jeudi, il en coûterait 250 millions $ seulement pour raccorder les usines de traitement des eaux usées de Stoneham et de Lac-Delage au réseau de Québec, ainsi que 900 installations septiques autonomes se trouvant à proximité du lac. Le coût de cette opération était évalué à 100 millions $ en 2016, sous l'administration Labeaume.

À ce montant s'ajouterait 200 millions $ pour l'optimisation des infrastructures existantes de la ville pour traiter ce volume plus élevé. Total de la facture : 450 millions $.

Régis Labeaume en point de presse.

L'ancien maire de Québec, Régis Labeaume, déplorait en 2016 de devoir débourser pour traiter « la merde » de Stoneham. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Le raccordement permettrait de rediriger les eaux usées des villes de la couronne nord vers l'usine de traitement de Château-d'Eau, appartenant à la Ville de Québec. Plus important encore, cette usine est située en aval du lac Saint-Charles. Partout dans le monde et citant l'exemple du lac Léman en Suisse, Mme Behmel, soutient que de nombreuses municipalités ont opté pour une telle opération avec accès.

Autre condition : Agiro recommande de freiner le développement dans le bassin versant afin d'éviter la même erreur. L'organisme recommande une forme de péréquation avec les municipalités en amont pour protéger le bassin versant du lac Saint-Charles.

La bonne nouvelle, c'est que l'investissement en vaut la coût. Si aujourd'hui on est prêt à prendre cette décision-là, ce serait le moment idéal pour ne pas à avoir à investir davantage.

Une citation de Sonja Behmel

Non à l'individualisme, dit Marchand

Le maire de Québec, Bruno Marchand, convient que les actions à prendre pour assurer la qualité de l'eau du lac Saint-Charles sont majeures. Il est également conscient que les gestes devront être posés par des résidents et des élus qui se trouvent à l'extérieur de sa juridiction.

Impossible de se regarder le nombril en matière de changements climatiques, insiste cependant celui qui est aussi président de la Communauté métropolitaine de Québec.

Maire Bruno Marchand.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, appelle à la solidarité entre les citoyens et les municipalités sur la question de l'eau potable.

Photo : Radio-Canada

La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas irrémédiable. Oui, la tendance s'accélère, mais la science qui nous est amenée nous oblige à regarder quels sont les gestes [...] à poser pour renverser la tendance, a-t-il réagi devant les journalistes au terme du comité plénier.

Québec entend poursuivre ses efforts concernant l'usage des sels de déglaçage, notamment.

Le maire insite aussi sur l'importance pour les citoyens de Stoneham et de Lac-Delage de remplacer leurs fosses septiques non conformes. À ce sujet, Stoneham a récemment envoyé des avis à ses résidents concernés. Le maire Marchand espère qu'une majorité utilisera l'aide financière présentement mise à leur disposition, représentant près du deux tiers de la facture.

Bruno Marchand rappelle que la CMQ planche sur une forme de péréquation pour qu'on limite le développement des villes de la couronne nord. La réalité est financière.

Mais surtout, le maire de Québec refuse l'individualisme dans ce dossier et appelle à la solidarité. Dans les années 90, on avait l'impression que le problème d'un territoire se limitait aux frontières. [...] Si on s'individualise, on est aussi bien de se dire que ce sera des années difficiles.

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