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Populations surexploitées et baisse des quotas d’ombles dans la région de Québec

Le succès de pêche a diminué de moitié en 30 ans sur le territoire de la Capitale-Nationale.

Un pêcheur lance un filet debout sur son canot.

L'ensemble de la zone 27, qui touche la réserve faunique des Laurentides, est soumise aux nouvelles règles. (Photo d'archives)

Photo : Daniel Picard

Les populations d'ombles de fontaine et d'ombles chevaliers oquassa, communément appelées truites mouchetées et truites rouges, sont surexploitées dans la grande région de Québec, y compris dans la réserve faunique des Laurentides. La situation force le ministère de l'Environnement à abaisser les quotas de récolte dès cette année.

L'ouverture de la pêche pour ces deux espèces est prévue ce vendredi dans la zone 27, qui couvre l'ensemble de la grande région de Québec et au-delà, de Portneuf à l'ouest jusqu'à la rivière Saguenay à l'est.

Dorénavant, la limite quotidienne et de possession de ces poissons sera de 10 en tout par une même personne ayant un permis de pêche valide. Il s'agit d'une limite totale pour les deux espèces combinées. Du nombre, seuls deux ombles chevaliers pourront être pêchés ou détenus.

Tout le territoire est ciblé, que ce soit en pourvoirie, dans les réserves fauniques, dans les parcs nationaux, dans les ZECS et les secteurs publics non organisés.

Carte de la zone de pêche 27.

La zone 27 touche un vaste territoire incluant plusieurs Zecs, réserves fauniques, pourvoiries et parcs nationaux.

Photo : Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Destruction d'habitat et pression de pêche

Cette décision du gouvernement découle d'un changement de statut de l'omble chevalier oquassa. Le poisson a été désigné comme espèce vulnérable au Québec l'an dernier. Quant à l'omble de fontaine, une récente analyse des données de pêche sportive dans la Capitale-Nationale a mené à des constats inquiétants.

Le travail a démontré que les différents indicateurs de pêche sportive présentent des changements importants qui se sont accentués depuis une dizaine d'années, explique Ève Desrosiers, porte-parole du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). Les données de pêche expérimentale montrent que la plupart des populations dans la région sont surexploitées.

En bref, le succès de pêche a diminué de moitié sur une période de 30 ans.

Une citation de Ève Desrosiers, porte-parole, ministère de l'Environnement

À l'heure actuelle, quelque 75 % des lacs seraient en surexploitation dans la zone 27. Les données les plus fiables proviennent des territoires comme les réserves fauniques, où les statistiques sont compilées régulièrement.

En pourvoirie, où les prises sont aussi comptabilisées, les données peuvent cependant être faussées par les ensemencements plus soutenus des plans d'eau. En territoire public, il n'existe à peu près aucune donnée fiable, mais les biologistes présument des impacts près des secteurs urbanisés.

Baisse malgré une baisse de la pression

Malgré une baisse généralisée de l'effort de pêche de 30 % sur 30 ans, la récolte a pour sa part chuté de 55 %.

Et malgré cette baisse de l'effort de pêche, elle figure toujours parmi les principaux facteurs pris en compte par les biologistes du Ministère pour expliquer un meilleur contrôle de la récolte.

La destruction des habitats des salmonidés, sensibles aux perturbations humaines, est aussi citée parmi les explications du déclin des populations. Ayant besoin d'une eau fraîche et oxygénée, les ombles sont particulièrement vulnérables à des perturbations de leur environnement.

Les lacs et les cours d’eau de la région de la Capitale-Nationale, du fait de leur proximité des grands centres et l’utilisation intensive de ce territoire, subissent donc de fortes pressions depuis plusieurs années, résume Mme Desrosiers.

Un homme pêche à la mouche sur la rivière Montmorency.

Les pêcheurs sportifs devront s'adapter à de nouvelles règles dans la zone 27. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Carl Marchand

L'aménagement forestier (particulièrement les chemins), l'agriculture, l'étalement urbain et la présence d'espèces invasives représentent autant de menaces pour ces deux espèces indigènes, emblèmes de la pêche sportive au Québec.

Outre la limite des quotas, Québec planche présentement sur une révision des plans d’ensemencement ainsi qu'une amélioration des communications avec les partenaires fauniques.

Relique de l'ère glaciaire

Le cas de l'omble chevalier oquassa, une relique de l'ère glaciaire, est encore plus sensible. Sa présence est particulièrement importante dans la zone 27, note le Ministère. On connaît environ 151 lacs où l’omble chevalier serait présent dans la région de la Capitale-Nationale et 317 à l’échelle provinciale.

Si 50 % des lacs se trouvent dans la grande région de Québec, la concentration d'ombles chevaliers est beaucoup plus forte dans la zone 27 qu'ailleurs en province. Selon Annabel Carrier, directrice de la faune pour la Capitale-Nationale au MELCCFP, 90 % des ombles chevaliers de la province y résident.

L’omble chevalier oquassa est une sous-espèce de l’omble chevalier. Il est présent exclusivement dans certains lacs du Québec, du Nouveau‑Brunswick, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et du Maine. Ces populations sont isolées en eau douce depuis le retrait des glaciers, il y a environ 12 000 ans. Elles sont d’une grande valeur sur le plan génétique et patrimonial.

Source : MELCCFP

Les données de population de cette espèce demeurent cependant très partielles, du fait que les biologistes limitent leurs interventions pour ne pas déranger inutilement le poisson. On ne connaît pas l’état des populations de cette espèce parce que nous limitons les échantillonnages qui la ciblent pour avoir un impact le plus faible possible.

Les biologistes se montrent également prudents puisque l'omble chevalier oquassa ne migre pas. Un rapport de situation de l’espèce, en 2018, considérait chaque population de l’espèce comme étant vulnérable puisque chacune d'elle est liée uniquement au lac où elle se trouve, sans possibilité de coloniser d'autres plans d'eau naturellement.

Parmi les mesures de sensibilisation pour protéger l'espèce, Québec demande aux pêcheurs de bien identifier leurs prises et d'identifier les différences entre l'omble de fontaine et l'omble chevalier.

Un graphique montrant les différences entre deux salmonidés.

Différencier l'omble de fontaine de l'omble chevalier demeure un défi pour les pêcheurs moins expérimentés.

Photo : Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Les palettes de 1895

De manière un peu contre-intuitive, la masse des poissons est aujourd'hui un indicateur d'une moins bonne santé d'une population. Quand on diminue la population, les individus grossissent avec les années et la masse moyenne augmente, explique Annabel Carrier.

Reste qu'en 1895, période d'abondance, une corpulence appréciable n'était pas nécessairement limitée par la densité de population. Au lac à Moïse, dans ce qui est aujourd'hui la zec de la Rivière-Blanche, les archives montrent des succès de pêche à faire rougir d'envie les pêcheurs modernes.

Des pêcheurs montrent leurs prises au lac à Moïse, il y a un siècle.

Des pêcheurs montrent leurs prises au lac à Moïse, il y a un siècle.

Photo : Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Elles démontrent aussi une diminution dramatique de la qualité de pêche.

Je ne pense pas qu’on peut retourner à des photos, convient à regret Mme Carrier. Cette dernière note cependant un changement de mentalité au sein des pêcheurs sportifs. Les nouveaux pêcheurs, dit-elle, sont dans une mouvance davantage axée sur la conservation de la ressource et de la remise à l'eau.

Elle rappelle que les quotas ne sont pas des cibles à atteindre. Ce n'est pas un objectif, c’est le seuil à ne pas dépasser.

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