Pauvreté élevée dans quatre MRC de la Mauricie : un héritage du passé industriel
Quatre MRC de la Mauricie présentent la plus faible vitalité économique au Québec.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Fortier
Selon des données de 2020 de l'Institut de la statistique du Québec, quatre MRC de la Mauricie figurent au palmarès de celles qui présentent le plus faible niveau de vitalité économique dans la province, soit les MRC de La Tuque, Shawinigan, Maskinongé et Mékinac, une situation qui peut s’expliquer par le passé industriel de ces territoires.
C’est du moins ainsi que l'explique Frédéric Laurin, professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il précise d'ailleurs que cette situation est généralisée et que partout en Occident, les grands secteurs industriels traditionnels ont décliné.
On a eu de grandes fermetures d'entreprises à coups de milliers d’emplois à gauche et à droite pendant de nombreuses années
, note-t-il. Ça a créé de la pauvreté, de l'exclusion du marché du travail, beaucoup de chômage et des poches de pauvreté.
M. Laurin met toutefois un bémol à ce palmarès des MRC les plus pauvres du Québec en raison du fait que l’étude a tenu compte de seulement trois variables, alors que lui-même avait calculé un autre indice de performance économique régionale, cette fois-ci dans les régions administratives du Québec, qui prenait en compte 21 variables. Or, le résultat était passablement moins sombre.
La région de la Mauricie était celle qui s’était le plus améliorée parmi toutes les régions administratives du Québec
, explique-t-il.
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Des changements depuis 2020
Frédéric Laurin estime que la situation a évolué depuis la cueillette de ces données qui datent de 2020, notamment du fait que depuis 2021, la Mauricie a accueilli plus de 6000 personnes.
L'année 2020, ça s’arrête au moment où tout le monde de Montréal débarquait en Mauricie
, dit-il. Il y a eu beaucoup de développement économique sur tous les territoires, que ce soit à La Tuque, à Mékinac, à Maskinongé, à Trois-Rivières ou à Shawinigan.
À tous ces endroits, il y a eu bon nombre de PME créées, mais c'est un indicateur qu’on ne peut pas voir parce que ça prend du temps pour régler les problèmes de pauvreté
.
Frédéric Laurin, professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Photo : Radio-Canada / Yoann Dénécé
À cet effet, il tient compte de tous ces gens qui ont été exclus du travail pendant de nombreuses années ou encore des gens qui ont plus de 50 ans et qui n’ont pas nécessairement le goût ou la capacité de retourner aux études. Tous ces gens ne peuvent pas atténuer la pénurie de main-d’œuvre qui sévit actuellement dans les entreprises.
Cette situation, il la compare à un legs générationnel. Quand on n'est pas dans de bonnes conditions, souvent, on ne termine pas l’école
, dit-il. J'ai fait une étude sur le décrochage scolaire et on le voit. Quand on est dans des conditions où on a de la pauvreté, des problèmes de santé mentale, des problèmes physiques, et qu'on n'a pas un entourage qui travaille autour de nous, ça ne donne pas le goût d’aller à l’école et ça aggrave la pauvreté.
Selon lui, il faudra encore du temps et de la croissance économique pour tirer vers le haut ces poches de pauvreté, ces poches de dévitalisation
.
La Mauricie est la région qui s’est le plus améliorée, mais on partait de tellement loin qu’on ne le voit pas dans les statistiques.
Il pense que les plus grands défis sont à venir pour parvenir à revitaliser ces territoires.
[Il faudra] lutter contre ces poches de pauvreté, contre le décrochage scolaire, contre l'exclusion du marché du travail
, dit-il. Il y a beaucoup trop de gens qui pourraient travailler mais qui ne cherchent pas de travail et qui ne travaillent pas. Il faut ramener ces exclus sur le marché du travail.
La filière batteries n’aidera pas
Selon Frédéric Laurin, la filière batteries ne sera pas la solution pour ce type de problème parce que dans les MRC visées, la croissance a été créée par des PME et par des entreprises locales. Or, il est à prévoir que c'est précisément au sein de ces PME que les grandes industries de la filière batteries iront chercher de la main-d'œuvre.
On vient chercher des employés dans ces entreprises qui ont porté l'économie de la région sur leurs épaules pour aller vers de grandes multinationales subventionnées à coups de milliards de dollars et qui vont employer, les premières années, beaucoup de personnes qui viennent de l’étranger
, analyse-t-il.
Il note par ailleurs que ces usines ne seront pas non plus localisées aux endroits où il y a de la dévitalisation.
Je vois mal l'arrimage entre ce que les PME en Mauricie font et ce dont ces usines de batteries ont besoin, dit-il. Je ne vois pas comment l'usine de batteries va réussir à lutter contre cette pauvreté. Ce sont des postes très précis. On n’a même pas la main-d'œuvre disponible dans la région pour répondre [à ces besoins]. Ça aurait pris d’autres formes de projets pour remonter ces régions-là.
Selon une entrevue réalisée à l’émission En direct