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Manifestations étudiantes pro-Gaza : « Aux États-Unis comme au Canada, un même combat »

À Montréal, des étudiants propalestiniens de l’UQAM, de l’UdeM, de Concordia et de McGill suivent de près la vague de protestation dans les universités américaines et disent partager les mêmes revendications : la fin de la guerre et le boycottage d’Israël.

Une murale propalestinienne fraîchement peinte cette semaine dans un couloir de l'Université du Québec à Montréal.

Une murale propalestinienne fraîchement peinte cette semaine dans un couloir de l'Université du Québec à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Un calme tendu prévaut sur les campus universitaires montréalais, contrastant avec la vive colère qui secoue les prestigieuses universités de l'autre côté de la frontière.

Cette colère s’est surtout intensifiée cette semaine après l’arrestation de centaines d’étudiants de plusieurs universités, dont Columbia, Yale et New York (NYU), à la demande des dirigeants de ces établissements. Mercredi, les tensions ont même gagné l'université du Texas.

Les protestataires, dont des étudiants juifs et musulmans, réclament un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, mais aussi que leurs établissements boycottent Israël et désinvestissent des compagnies accusées d’alimenter la guerre à Gaza, dont les manufacturiers d’armes.

À Montréal, le trimestre d’hiver touche à sa fin dans la plupart des universités et les associations d’étudiants propalestiniens de l’UQAM, de l’UdeM, de Concordia et de McGill se font plus discrètes, même si elles continuent de se mobiliser chacune à sa manière.

Pour les représentants de ces associations, interrogés par Radio-Canada, la vague de manifestations de l’autre côté de la frontière est historique, mais pas surprenante.

Proche-Orient, l’éternel conflit

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Un panache de fumée s'élève à la suite d'une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le samedi 7 octobre 2023.

Ce qui se passe aux États-Unis n’est pas un événement isolé, dit Zaynab, une étudiante de l’Université McGill qui souhaite préserver son anonymat par peur de représailles.

C’est le résultat de la répression des voix étudiantes qui dénoncent le génocide en cours à Gaza.

Une citation de Zaynab, une étudiante de l’Université McGill

On a tous les mêmes demandes

Zaynab est l’une des organisatrices du mouvement d’étudiants en grève de la faim pour réclamer que leur université désinvestisse des institutions israéliennes et les boycotte.

Des étudiants brandissant le drapeau palestinien et portant un keffieh.

Des étudiants de l'Université McGill en grève de la faim ont dénoncé l'inaction de leur établissement lors d'une conférence de presse le 19 avril 2024.

Photo : Hunger Strike for Palestine

Lancé en février dernier, ce mouvement, qui compte une quarantaine d’étudiants, est un recours de la dernière chance, selon elle. Certains des étudiants observent la grève de façon intermittente, mais deux ont dû être hospitalisés après avoir passé plus de 34 jours sans manger.

Le groupe dénonce notamment un investissement de l'Université McGill dans le fabricant d'armes américain Lockheed Martin. Selon les données publiques de l’université, la valeur de cet investissement a été de près de 520 000 $ en 2023.

Je parle avec des étudiants en Floride, à Yale, à Brown, à Harvard et à Colombia. On a tous les mêmes demandes. Donc, c’est faux de croire que c’est un mouvement isolé aux États-Unis.

Une citation de Zaynab, étudiante à McGill

Selon elle, la vague de protestations pourrait faire son chemin jusqu’au Canada si les appels des étudiants continuent d’être ignorés.

Quand il y a une accumulation de répression, de menaces, de manque de sensibilité, de manque de réponses, c’est certain que les gens vont escalader, dit-elle. Je ne pourrais pas dire quand ou comment, mais ce qui se passe aux États-Unis va se reproduire ici.

Des étudiants propalestiniens manifestent sur le campus de l'université Columbia à New York, le 22 avril 2024.

Des étudiants propalestiniens manifestent sur le campus de l'université Columbia à New York, le 22 avril 2024.

Photo : Getty Images / David Dee Delgado

Liberté universitaire

L’Université McGill a décliné une demande d’entrevue de Radio-Canada, mais le service des relations avec les médias de l’établissement affirme que deux membres de la haute direction ont eu une rencontre avec des étudiants en grève de la faim le 12 avril dernier.

Les représentants de l’université disent avoir fait part de leurs préoccupations quant à la santé et au bien-être de ceux et celles qui font la grève de la faim, mais ont invité le groupe à exprimer ses craintes concernant le désinvestissement et les partenariats institutionnels au moyen des processus établis de l'université.

Les relationnistes de McGill évoquent, par ailleurs, la liberté universitaire dont jouissent ses enseignants, affirmant que l’université ne peut s'opposer à ce qu'un professeur cherche à faire de la recherche avec un établissement ou un chercheur d'une autre province ou d'un autre territoire.

Des étudiants sur le campus de l'Université McGill.

L'entrée du campus de l'Université McGill (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Charles Contant

Le bras de fer entourant la question palestinienne n'est pas nouveau à l'Université McGill.

Fin novembre, la Cour supérieure du Québec a rendu une ordonnance empêchant temporairement une association étudiante de l'université d'aller de l'avant avec une politique propalestinienne, approuvée par 78,7 % des étudiants lors d’un référendum.

Cette politique appelle l'administration de McGill à condamner ce que l'association appelle une campagne de bombardements génocidaire dans la bande de Gaza et à couper les liens avec chaque entreprise, institution ou individu complice du génocide, du colonialisme, de l'apartheid ou du nettoyage ethnique contre les Palestiniens.

Une étudiante juive anonyme de McGill s'est adressée au tribunal pour contester cette politique, qu'elle a qualifiée dans des documents judiciaires de littérature haineuse qui viole la Constitution de l'association étudiante ainsi que ses politiques en matière d'antisémitisme et d'équité.

Mais Zaynab n'est pas prête à baisser les bras. Elle rappelle qu’en 1985, un mouvement d’étudiants noirs avait forcé McGill à devenir la première université canadienne à se désengager des entreprises liées à l'apartheid en Afrique du Sud.

Ça s’est passé il y a 40 ans, ça peut se reproduire ici, maintenant, dit-elle.

La complicité des universités

Hannah Jackson, du Syndicat des étudiants de l’Université Concordia, qui représente plus de 35 000 étudiants de premier cycle, voit elle aussi un lien entre le mouvement de protestation propalestinien sur les campus américains et ceux qui ont eu lieu au Canada, notamment à l’automne dernier.

Le principal objectif de toutes ces manifestations est de conscientiser le public par rapport aux bombardements de la bande de Gaza, mais aussi à la violence en Cisjordanie, explique-t-elle.

L’autre objectif dont on ne parle pas assez publiquement est de dénoncer la complicité des universités occidentales [...] qui investissent l’argent de nos droits de scolarité dans des entreprises qui fabriquent des armes.

Une citation de Hannah Jackson, du Syndicat des étudiants de l’Université Concordia

Ce que nous demandons est clair : que les universités désinvestissent des entreprises israéliennes, ajoute la jeune femme, rappelant que les étudiants de Concordia ont voté en 2022 pour une résolution appelant leur établissement à boycotter les pays accusés d’apartheid par les organisations internationales de défense des droits de la personne.

Le campus de l’Université Concordia dans le centre-ville de Montréal.

Le campus de l’Université Concordia dans le centre-ville de Montréal

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Montée des actes haineux

À l’automne, alors que la guerre dans la bande de Gaza n’était encore qu’à ses débuts, plusieurs manifestations tendues avaient secoué Concordia, suscitant des condamnations de la classe politique au Canada.

Début novembre, des échauffourées avaient éclaté entre deux groupes — l’un propalestinien, l’autre pro-israélien — dans un pavillon de l’Université Concordia et avaient mené à l’arrestation d’une étudiante de 22 ans.

Les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault avaient notamment dénoncé une montée des actes haineux, appelant la police à faire preuve de fermeté s’il le fallait.

En janvier, les recteurs des principales universités canadiennes ont dû clarifier leurs positions sur leurs politiques en matière d'antisémitisme sur les campus après avoir été publiquement interpellés par cinq députés libéraux.

Ils ont affirmé que tout appel au génocide du peuple juif viole le code de conduite de leur établissement, mais sont restés prudents sur la question de savoir si cette interdiction s'étendait aussi aux déclarations en faveur de l'élimination de l'État d'Israël.

Des messages propalestiniens peints sur un mur dans le pavillon Hubert-Aquin de l'UQAM.

Des messages propalestiniens peints sur un mur dans le pavillon Hubert-Aquin de l'UQAM.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Selon Safa, une étudiante de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), membre du comité de coordination du groupe Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens (SDHPP), il faut faire la différence entre antisionisme et antisémitisme.

L’antisémitisme existe au Canada, personne n’est en train de le nier [...]. C’est une forme de racisme parmi d’autres, mais qui est en train d’être instrumentalisée pour faire taire les voix propalestiniennes.

Une citation de Safa, une étudiante à l’UQAM

Des motions en faveur du boycottage

Depuis le 20 mars, toutes les associations étudiantes de l’UQAM ont adopté un mandat en faveur du mouvement de boycottage et de désinvestissement visant les entités économiques, militaires, académiques et culturelles israéliennes, ainsi que les entreprises complices des violations des droits du peuple palestinien.

C’est une première au Canada, se réjouit Safa, affirmant que la prochaine étape sera de faire pression sur les associations de professeurs universitaires et sur l’administration de l’UQAM pour appuyer la même résolution.

À l’Université de Montréal, les professeurs ont déjà franchi ce pas. Le 26 mars, leur syndicat, le SGPUM, qui représente près de 1400 enseignants et cliniciens enseignants, a adopté une motion appelant, entre autres, à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et au boycott des universités israéliennes complices des crimes de guerre israéliens, jusqu’à ce qu’Israël se conforme à toutes ses obligations en droit international.

Une affiche appelant au boycottage d'Israël par l'UQAM.

Une affiche appelant au boycottage d'Israël par l'UQAM.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

C’est quand même exceptionnel, dit sur un ton excité Nada Djema, coprésidente du groupe propalestinien SDHPP à l’Université de Montréal, tout en espérant que cela va inspirer les enseignants de toutes les autres universités à Montréal et dans toute l’Amérique du Nord.

Elle dénonce toutefois le fait que l’Université de Montréal (UdeM) poursuit son programme d’échanges étudiants avec des établissements israéliens.

Sur son site web, l’université indique avoir des programmes d’échanges avec l’Université Ben-Gourion du Néguev, ainsi qu’avec l'Université hébraïque de Jérusalem et l'Université de Tel-Aviv.

L'UdeM internationale suit de près la situation géopolitique dans la région de cet établissement, peut-on lire sur son site en référence à l'Université du Néguev, qui se trouve à environ 40 kilomètres de la bande de Gaza. À cet effet, nous invitons [les étudiants] à communiquer avec nous par courriel [pour] effectuer un programme d’échanges dans cet établissement.

Contactée par Radio-Canada, l'équipe de mobilité étudiante de l’Université de Montréal n'avait pas répondu à nos questions à la publication de ces lignes.

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