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L’ex-patron d’un tabloïd relate sa chasse aux scandales pour aider la campagne de Trump

Trump feuillette des documents en parlant.

L'ex-président américain Donald Trump, au moment de quitter le tribunal à New York, le 23 avril 2024

Photo : Associated Press / Yuki Iwamura

Après une brève audience tendue sur l'ordonnance imposant le silence à Donald Trump, les procureurs à son procès criminel ont repris mardi l'interrogatoire de leur premier témoin, qu'ils placent au cœur d'un stratagème visant à « corrompre l'élection de 2016 ».

Si la première et brève portion du témoignage de l'ex-PDG du groupe de presse American Media Inc. (AMI) David Pecker, lundi, n'a servi qu'à mettre en lumière les pratiques de son groupe médiatique, cette deuxième partie a permis aux procureurs d'entrer dans le vif du sujet.

Leur témoin, qui a été assigné à comparaître, a détaillé le stratagème visant à acheter et à supprimer de l’information négative visant Donald Trump, que les procureurs avaient évoqué la veille.

Cette stratégie, connue en anglais sous l'expression catch and kill, est au cœur de leur thèse : Donald Trump a falsifié des documents après avoir fomenté un plan criminel pour corrompre l’élection de 2016.

M. Pecker, un ami de longue date de Donald Trump, a expliqué comment il avait convenu de mettre son tabloïd The National Enquirer au service de la campagne de celui qui briguait alors l'investiture républicaine, en 2015 et 2016.

Donald Trump face à la justice

Consulter le dossier complet

Dessin de Donald Trump lors de sa comparution.

Il a indiqué avoir reçu un appel, en août 2015, le convoquant à la Trump Tower. Michael Cohen m'a appelé pour me dire que le patron voulait me voir, a-t-il affirmé.

Cette rencontre, qui a réuni Donald Trump, Michael Cohen et David Pecker, est à l'origine de la conspiration criminelle alléguée par les procureurs.

Le septuagénaire a d'ailleurs affirmé que sa relation avec le magnat de l'immobilier, qui remonte aux années 1980, s'était resserrée à cette période.

Lors de cette réunion, Donald – Donald Trump – et Michael m'ont demandé ce que je pouvais faire – et ce que mes revues pouvaient faire – pour aider la campagne.

Une citation de David Pecker, ancien PDG d'American Media Inc.

Il aurait offert d'avertir l'homme de confiance de Donald Trump des informations négatives qu'il entendrait au sujet de l'homme d'affaires new-yorkais, particulièrement concernant ses relations avec les femmes. Je serai vos yeux et vos oreilles, s'est-il rappelé avoir dit.

Dans [un contexte de] campagne présidentielle, je pensais qu'il y aurait beaucoup de femmes qui essaieraient de vendre leurs histoires, parce que M. Trump était vu comme le célibataire le plus en vue, et qu'il sortait avec les plus belles femmes, a déclaré M. Pecker.

Deux récits enterrés

Karen McDougal, souriante.

Karen McDougal, l'une des deux femmes qui allèguent avoir été payées pour taire les relations sexuelles qu'elles disent avoir eues avec Donald Trump.

Photo : Getty Images / Dimitrios Kambouris

Les procureurs ont commencé à interroger le témoin sur deux histoires que le National Enquirer a supprimées.

La première est celle d'un ancien portier de la Trump Tower, qui affirmait que Donald Trump avait eu un enfant illégitime. Le groupe de presse lui a donné 30 000 $ US, mais a déterminé que ses assertions étaient fausses.

J'ai pris la décision d'acheter l'histoire parce que cela aurait pu embarrasser la campagne et monsieur Trump.

Une citation de David Pecker, ancien PDG d'American Media Inc.

Le deuxième cas est celui d'une autre femme ayant allégué avoir eu une relation avec Donald Trump, Karen McDougal, une ancienne mannequin de Playboy, qui soutient pour sa part avoir été la maîtresse de Donald Trump entre 2006 et 2007.

Le National Enquirer lui a versé 150 000 $ US pour avoir les droits exclusifs sur son histoire, qui n'a jamais été publiée, en accord avec le schéma du catch and kill.

Les deux paiements dépassaient de loin les montants que la publication versait habituellement à ses sources, a spécifié M. Pecker.

Donald Trump a nié avoir eu une aventure avec Mme McDougal ainsi qu'avec une autre maîtresse alléguée, Stephanie Clifford, davantage connue sous son nom professionnel d'actrice pornographique, Stormy Daniels. Les deux femmes sont des témoins potentielles dans cette affaire.

Publier des histoires négatives sur les rivaux de M. Trump

Un croquis de cour représentant David Pecker, portant des lunettes, qui répond aux questions des procureurs.

L'ancien PDG du groupe de presse American Media Inc., David Pecker, a poursuivi mardi le témoignage qu'il avait amorcé la veille au procès criminel de Donald Trump à New York.

Photo : Reuters / Jane Rosenberg

Le plan était aussi de publier des articles négatifs sur les adversaires républicains et démocrates de M. Trump, a indiqué M. Pecker. Les instructions que donnait Michael Cohen, à lui ou à Dylan Howard, alors rédacteur en chef du National Enquirer, indiquaient quel candidat cibler et quelle direction prendre, a-t-il dit, souvent en fonction des sondages.

M. Pecker lui soumettait ensuite un document en format PDF de ces histoires avant la publication.

Le tabloïd a par exemple allégué que le père de Ted Cruz, rival de M. Trump pendant la course à l'investiture républicaine de 2016, avait participé à l'assassinat du président John F. Kennedy, puis que la démocrate Hillary Clinton était en phase terminale. D'autres textes alléguaient que M. Cruz avait cinq maîtresses, dont une actrice de cinéma pornographique.

Les procureurs ont montré en cour certaines des couvertures du National Enquirer.

M. Pecker a par ailleurs précisé que Hope Hicks, l'ancienne directrice des communications de la campagne Trump, entrait et sortait de la salle lors de cette fameuse rencontre avec MM. Trump et Cohen. Cette précision met la table pour le probable témoignage de celle qui a fait partie de la garde rapprochée de l'ex-président.

Les réponses du magnat des médias sont venues étoffer le témoignage qu'il avait, très brièvement, amorcé la veille après les déclarations d'ouverture de l'accusation et de la défense.

Lundi, l'ancien PDG d'AMI a décrit les pratiques du tabloïd sensationnaliste, qui payait certaines sources pour leurs histoires. Ce genre de pratique des tabloïds est critiqué dans le milieu journalistique.

En 2018, l'entreprise de presse de M. Pecker a conclu une entente à l'amiable avec les procureurs fédéraux dans laquelle elle reconnaissait avoir violé les lois sur le financement électoral, en lien avec l'enquête sur cette affaire, ce qui lui a évité des poursuites.

MM. Trump et Pecker, dont l'amitié a persisté pendant des décennies, ne se parlent plus, selon CNN.

Donald Trump, en cour, regarde devant lui.

L'ancien président Donald Trump, quelques minutes avant le début de l'audience du 23 avril à son procès criminel de New York pour falsification de documents liée à de l'ingérence électorale.

Photo : Reuters / Brendan McDermid

Un dossier compliqué

Donald Trump est notamment accusé d'avoir falsifié des documents financiers pour dissimuler le remboursement d’un paiement versé à Stormy Daniels, afin de favoriser sa victoire électorale.

Il fait face à 34 chefs d’accusation pour autant de documents falsifiés.

Fait à noter, il est accusé de falsification de documents au premier degré. En vertu de la loi new-yorkaise, lorsque la falsification de documents est faite dans le but de couvrir d’autres crimes, comme ce que soutiennent les procureurs dans ce dossier, l'infraction est considérée plus grave et est passible d'une peine plus sévère.

Les procureurs arguent que Donald Trump a tenté de dissimuler des crimes liés à plus d'une loi, dont la loi électorale new-yorkaise qui interdit de conspirer pour promouvoir une candidature par des moyens illégaux.

Cette différence explique pourquoi les procureurs, avant de s'attaquer aux accusations de falsification de documents, accordent une si grande importance à ce stratagème présumé.

Le juge réprimande la défense

Illustration judiciaire montrant Todd Blanche argumenter devant le juge Juan Merchan.

L'avocat Todd Blanche a affirmé que son client n'avait pas violé l'ordonnance restreignant son droit de parole.

Photo : Reuters / Jane Rosenberg

La journée s'est amorcée loin des oreilles des jurés : le juge Juan Merchan a tenu une audience à la demande des procureurs, qui arguent que Donald Trump a contrevenu, une dizaine de fois en quelques jours, à l'ordonnance restreignant ce qu'il a le droit de dire publiquement, notamment sur les témoins potentiels.

Et la situation a semblé mal se présenter pour la défense.

Il n'y a absolument pas eu de violation délibérée de l'ordonnance de bâillon, a assuré l'avocat principal du politicien républicain, Todd Blanche.

Son client, que ce soit sur son site de campagne ou sur son réseau social Truth Social, n'a fait que répondre aux attaques politiques qui se sont intensifiées au cours des dernières semaines, a-t-il plaidé.

Selon des reporters de médias américains sur place, le juge a haussé le ton en s'adressant à lui.

Ce que je constate, c'est que je n'arrête pas de vous demander une réponse précise et que je n'obtiens pas de réponse, lui a-t-il reproché.

Je vous ai demandé huit ou neuf fois de me montrer le message exact auquel il répondait. Vous avez été incapable de le faire, ne serait-ce qu'une fois.

Je dois vous dire que vous perdez toute crédibilité auprès de la cour.

Une citation de Juan Merchan, juge de la Cour suprême de l'État de New York

Le juge Merchan, qui n'a pas encore tranché sur la question, pourra décider de lancer un avertissement au célèbre accusé, de le soumettre à une amende ou de le faire emprisonner, une hypothèse toutefois très peu probable.

Avant le procès, le magistrat a interdit à l'ancien président de s'en prendre publiquement aux témoins, aux jurés et au personnel du tribunal, une restriction qu'il a ensuite étendue aux membres de sa propre famille et à celle du procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg.

Donald Trump conserve cependant le droit de critiquer le juge ainsi que le procureur Bragg.

De leur côté, les procureurs ont soutenu que les violations de l'ordonnance étaient délibérées au-delà de tout doute raisonnable.

Ils ont réclamé que M. Trump soit soumis à une amende de 1000 $ US pour chaque violation de l'ordonnance.

Dans une de ses publications, l'ex-président a par exemple traité deux personnes d'ordures, se référant vraisemblablement à Michael Cohen et Stormy Daniels, deux témoins potentiels.

Les procureurs ont aussi dit trouver très préoccupant un message concernant les jurés. La semaine dernière, le politicien de 77 ans a cité un animateur de Fox News, qui a ouvertement remis en question l'impartialité des jurés choisis, dépeints comme des activistes de gauche.

La semaine dernière, une des jurés s'est désistée, de peur de voir son identité révélée. L'anonymat des jurés est préservé pour leur protection.

Si Donald Trump condamne, avant et après les audiences, le procès dont il fait l'objet, c'est l'ordonnance de silence qui lui est imposée qui s'est trouvée au centre de ses récriminations mardi.

Pendant la pause qui a suivi ce débat, il a conspué le juge Merchan sur Truth Social, réclamant qu'il se récuse.

Il a SUPPRIMÉ MON DROIT CONSTITUTIONNEL À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION, a-t-il écrit en majuscules, dénonçant un TRIBUNAL BIDON.

Il est revenu à la charge au terme de l'audience, brandissant devant les médias ce qu'il a présenté comme des articles critiquant le procès.

J'aimerais vous parler, j'aimerais vous dire tout ce que j'ai sur le cœur, mais je ne peux pas le faire parce que j'ai une ordonnance de silence, s'est-il plaint.

Avec les informations de New York Times, CNN et Reuters

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