Projet 3e oeil : les artistes d’ici s’éclatent en thèmes et en genres
Les artistes retenus pour la neuvième édition du Projet 3e œil entourent la directrice artistique de L’Avant-première, Claire Duguay (troisième à partir de la gauche).
Photo : Lévy L. Marquis
De Jean Despréz à Cendrillon, mais aussi du tap dance improvisé au chant lyrique en plein air : les cinq projets gatinois retenus par L’Avant-première pour son programme de résidence 3e œil 2024 éclatent les thèmes et les genres.
Les lauréates et lauréats de la neuvième mouture de Projet 3e œil ont maintenant jusqu’à novembre prochain pour développer leur idée, avant de présenter leur création en formule laboratoire, au public.
Du théâtre musical pour raconter Jean Despréz
Jo-Anne Donoghue et son fils Tristan Paquin-Donoghue
Photo : Lévy L. Marquis
Jo-Anne Donoghue mûrit depuis une vingtaine d’années déjà l’idée de raconter un pan de l’histoire de la Hulloise Laurette Larocque, alias Jean Despréz, par le biais d’une production de théâtre musical.
Pour moi, c’est extraordinaire ce qu’elle a fait. Elle a été confrontée à de nombreux défis parce qu’elle était une femme
, rappelle Jo-Anne Donoghue.
Car c’est sous le nom de plume masculin de Jean Despréz que Laurette Larocque, née en Outaouais en 1906, a entre autres signé les feuilletons radio Jeunesse dorée et Yvan l’intrépide entre 1940 et 1965, année de son décès, à l’âge de 58 ans.
Cette femme-là a été innovatrice. Elle a osé faire des choses sur le plan culturel, au Québec.
Son fils Tristan Paquin-Donoghue prendra en charge le volet numérique autour de la figure de Jean Despréz, qui donne son nom à la salle de spectacle de la Maison du citoyen de Gatineau.
Comme plusieurs, il pensait qu’il s’agissait d’un homme, avant que sa mère lui parle de Laurette Larocque. Tristan Paquin-Donoghue se réjouit de contribuer à la conception d’une œuvre qui pourrait ainsi devenir un point d’ancrage de fierté
relié à la région et à son patrimoine culturel
.
Le tandem présentera un extrait d’Appelez-moi Jean en novembre prochain, dans l’espoir d’obtenir le financement pour l'œuvre complète dans la foulée.
Chant lyrique, danse et musique numérique pour célébrer la Terre
La soprano Frédérique Drolet alliera sa voix, musique numérique et danse contemporaine dans un spectacle nocturne sur le site de Champboisé.
Photo : Lévy L. Marquis
La chanteuse d’opéra Frédérique Drolet a de son côté été mandatée par le directeur général de la municipalité de L’Ange-Gardien pour créer un spectacle autour des sculptures de métal du Sentier des arts de Champboisé, dès septembre prochain.
Faire un spectacle en extérieur avec des sculptures, inspiré de la nature, je trouvais ça très funky.
Sa fable, intitulée Gaïa, se déploiera donc à la nuit tombée dans une prairie incluant trois des œuvres monumentales installées de façon permanente sur le site, soit un cerf, trois sphères et une paire d’ailes.
Et comme, à ses yeux, la musique seule n’aurait pas suffi à mettre pleinement en valeur leur côté organique, le mouvement s’incarnera grâce à un trio de danseuses, en complément des jeux d’éclairage et d’une autre chanteuse lyrique.
Frédérique Drolet mettra notamment sa résidence à profit pour sélectionner les pièces d’opéra qui serviront de canevas sonore. Parallèlement, elle explorera l’univers de la musique numérique, pour ajouter à la magie du spectacle, avec le concepteur sonore James Healey.
Improvisation mixte pour renouveler la claquette
Le danseur David Lafleur veut renouer avec l’essence du «tap dance» dans une pièce improvisée avec un pianiste.
Photo : Lévy L. Marquis
David Lafleur se décrit comme un danseur percussif émergent. Au mot claquette, il préfère le terme tap dance, parce que ça rappelle l’origine de cette danse-là, qui est 50 % tap, le son, et 50 % la danse
qui s’enracine dans les plantations et l’histoire afro-américaine.
Le défi qu’il s’est lancé, avec son projet intitulé Entrelacés? Improviser l'entièreté de sa présentation d’environ une heure en duo avec le pianiste Deniz Lim-Sersan, lui aussi féru de jazz.
Le but, c’est que chaque prestation soit complètement différente à chaque représentation.
Sa résidence sera l’occasion d’ouvrir le dialogue entre lui et Deniz Lim-Sersan, d’élaborer le fil conducteur que chacun suivra pour s’exprimer sur scène, individuellement, mais aussi ensemble.
Le côté féministe de Cendrillon, Blanche-Neige et de la Belle au bois dormant
La conteuse Mafane veut creuser les archétypes des héroïnes de certains contes de fées à l’aune du féminisme d’aujourd’hui.
Photo : Lévy L. Marquis
Mafane s’intéresse depuis longtemps aux contes merveilleux, qu’elle refuse de prendre au pied de la lettre. Pour elle, les archétypes que représentent Cendrillon, Blanche-Neige et la Belle au bois dormant sont beaucoup plus profonds
et touchent à quelque chose d’essentiel dans notre humanité
.
Par-delà les frères Grimm, Perrault ou encore Disney, Mafane veut creuser d’autres versions de ces histoires existant aux quatre coins du monde, sans en dénaturer les personnages pour autant. Elle cite en exemple la Belle au bois dormant, qui, en Russie, est une fille-roi, une guerrière maniant l’épée.
Avec tout ce qui se passe dans les questions de genre, le féminisme d’aujourd’hui, comment est-ce qu’on peut encore raconter ces histoires? Pour moi, il est essentiel de continuer à le faire, il faut trouver le comment [...] pour initier le public à les écouter autrement.
Cette dernière profitera entre autres de la bourse incluse dans sa résidence d’artiste pour travailler sa présence scénique avec la comédienne et marionnettiste Diane Bouchard.
Le sort réservé aux personnes vulnérables par la parole et les gestes
Sans être autobiographique, le projet de Marc-André Charette s’inspirera en partie de la mère du comédien.
Photo : Lévy L. Marquis
C’est à travers la parole des autres et une gestuelle ancrée dans son intimité que Marc-André Charette entend explorer le sort réservé aux personnes vulnérables avec Votre appel est important pour nous.
Le comédien veut, d’un côté, puiser sa matière textuelle dans des articles scientifiques, entrevues de radio, articles de journaux portant sur le sujet
.
De l’autre, pour développer sa gestuelle, il s’inspirera de sa propre mère, qui réside depuis peu en CHSLD et dont la démence est aujourd’hui très avancée.
Depuis les débuts des manifestations, je tiens une espèce de journal qui documente les changements que j’observe
, souligne-t-il.
Marc-André Charette mentionne y avoir récemment noté que mère tournait autour d’une chaise, sans parvenir à s’y asseoir.
C’est comme si elle jouait à la chaise musicale toute seule. Je me suis dit : "Est-ce que je peux intégrer la chaise musicale comme mouvement dans mon texte? Est-ce qu’il y a d’autres choses que ma mère faisait qui pourraient être intégrées au projet aussi?"
Ce dernier collaborera notamment avec la comédienne Gabrielle Brunet Poirier et la chorégraphe Alix Dufresne. De mai à septembre, il entend tester le jumelage du texte et du mouvement pour présenter le projet dans une forme passablement finie en novembre.