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Des années d’attente pour une chirurgie gynécologique : « Cela me semble inéquitable »

Une gynécologue opère une personne dans une salle opératoire.

Certaines femmes en Ontario et au Québec doivent attendre des moins pour obtenir des soins gynécologiques. (Photo d'archives)

Photo : AFP / Julien de Rosa

Des mois d’attente pour une consultation en gynécologie, jusqu’à trois ans pour faire traiter une descente d’organes dans le vagin : des experts et des patientes sonnent l’alarme face aux délais pour obtenir des soins gynécologiques en Ontario et au Québec.

Solomiya Petrunko entre dans sa cuisine les bras chargés de produits et de comprimés en tout genre : capsules de magnésium, de curcuma et de gingembre, différents types d’huiles de poisson, probiotiques et vitamines.

Au fil des ans, la femme de 23 ans s’est confectionné une trousse de produits lui permettant de gérer la douleur causée par son endométriose.

Au pire de sa condition, la jeune femme pouvait passer des heures recroquevillée dans son lit à crier de douleur. Les cris ont traumatisé [sa] famille, témoigne-t-elle.

Solomiya Petrunko transporte plusieurs produits comme des bouteilles de capsules de magnésium et de gingembre.

Solomiya Petrunko souffre d'endométriose depuis des années.

Photo : Radio-Canada

En 2020, ses traitements contre la douleur ont cessé de faire effet et ses symptômes ont réapparu. Solomiya a donc repris rendez-vous avec sa gynécologue. Elle a attendu huit mois pour une nouvelle consultation téléphonique. Depuis, elle tente de trouver une autre gynécologue, mais sans succès.

50 % de la population va devoir voir un gynécologue au moins une fois dans sa vie. Le fait qu’il y ait tant de barrières et de délais est très contrariant. Cela me semble complètement inéquitable, déplore-t-elle.

L’Ontario, l’une des pires provinces

L’Ontario et le Québec sont les provinces où l'accès à des soins gynécologiques est le plus difficile, soutient la directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), la Dre Diane Francoeur.

Il est toutefois difficile de dresser un portrait global de la situation, faute de données dans les deux provinces, d'après la Dre Francoeur.

Le fait que l'on n'a pas [ces données] démontre que les femmes ne sont pas assez importantes aux yeux du gouvernement.

Une citation de Dre Diane Francoeur, directrice générale de la SOGC

Selon la SOGC, 78 000 consultations gynécologiques sont actuellement en attente au Québec.

Une femme qui tient un modèle du système reproducteur féminin dans ses mains.

Près de 80 000 consultations gynécologiques sont en attente au Québec.

Photo : iStock / unomat

L’organisme n’a cependant pas été capable d’obtenir les mêmes données auprès du gouvernement ontarien. Radio-Canada n’a pas non plus obtenu ces informations de la part de la province, malgré des demandes répétées.

Des renseignements obtenus par la SOGC auprès de la province démontrent toutefois qu’en février 2023, 42 % des quelque 11 000 patientes ontariennes en attente d’une ablation de l'endomètre, d’une hystérectomie ou d’autres types de chirurgies intra-utérines attendaient depuis plus d’un an.

En comparaison, 38 % des quelque 10 000 patients en attente d’un remplacement de la hanche en Ontario l’étaient depuis plus d’un an.

La Dre Francoeur affirme que se faire opérer pour un prolapsus génital, une condition médicale qui mène à la descente dans le vagin d'un ou des organes pelviens et qui cause souvent de l’incontinence, peut prendre jusqu’à trois ans en Ontario.

Je ne connais aucun homme dans un poste professionnel haut placé qui ferait pipi dans ses culottes pendant trois ans avant d'avoir une chirurgie sans faire un drame total, alors pourquoi les femmes endurent ça?

Une citation de Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada

Selon elle, la gynécologie n’est toujours pas priorisée par le système de santé, contrairement à d’autres types de soins comme le traitement des cataractes et les remplacements de la hanche.

La directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, Diane Francoeur.

La directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, Diane Francoeur.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Elle souligne toutefois que les problèmes gynécologiques ont d’importantes conséquences sur la vie de femmes qui les empêchent de participer pleinement à la société.

Habituellement ces femmes-là sont des femmes qui sont au pic de leur carrière, qui sont des forces vives de notre société et qui ont souvent des positions haut placées. Quand elles s'absentent de leur travail, cela a un impact sur l'accès à d'autres services, explique Diane Francoeur.

Des gynécologues débordés

Selon la gynécologue-obstétricienne Nika Alavi, qui travaille à l'Hôpital d’Ottawa, les gynécologues de la province croulent sous la charge de travail causée par les arriérés d'opération et la pénurie de personnel médical.

La Dre Alavi, comme beaucoup d'autres, n’accepte donc plus de nouveaux patients.

Ceux dont elle s’occupe déjà peuvent attendre plus d’un an pour obtenir une consultation. Ses patientes restent donc sans soins pendant de longues périodes et développent parfois des cancers qui auraient pu être détectés plus tôt.

Le bâtiment du campus Général de l'Hôpital d'Ottawa.

La Dre Nika Alavi travaille au campus Général de l'Hôpital d'Ottawa. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Trevor Pritchard

La Dre Alavi attribue ces délais à la pandémie, mais aussi au manque de ressources et de personnel qui réduisent l’accès aux salles d'opération.

Nous avons besoin d’infirmières, d’anesthésiologistes. À cause des pénuries [de personnel], nos chirurgies électives sont annulées.

Une citation de Nika Alavi, gynécologue-obstétricienne

La Dre Francoeur abonde dans le même sens.

Quand j'ai commencé à travailler il y a plusieurs années, j'opérais trois jours par semaine comme gynécologue. Mes jeunes collègues, maintenant, ont à peu près une à parfois deux priorités par mois, explique-t-elle.

Elle ajoute qu’elle détient une spécialisation en gynécologie pédiatrique, mais qu’en raison du manque de personnel, elle doit actuellement faire des suivis de grossesses dont des infirmières pourraient se charger.

Des dilemmes déchirants

Le manque de ressources et l’incapacité de traiter leurs patientes pèsent sur les gynécologues-obstétriciens comme Diane Francoeur et Nika Alavi.

Il s’agit de la santé mentale des médecins. Nous sommes frustrés.

Une citation de Nika Alavi, gynécologue-obstétricienne

Cela explique en partie, selon elles, les pénuries de médecins dans le système de santé.

On est toujours en train de se poser la question : "est-ce que je vais pousser ma chance et essayer de couper la ligne pour diminuer les délais ou faire des procédures qui risquent de faire mal sans avoir les outils, sans avoir le personnel?" On est toujours pris avec ce dilemme-là parce que les femmes souffrent, déplore Diane Francoeur.

Dans une déclaration par courriel, le ministère de la Santé de l'Ontario affirme s’attaquer aux problèmes de délais, notamment en augmentant le nombre de places disponibles dans les écoles de médecine de la province.

Il mentionne entre autres une augmentation de près de 10 % du nombre de médecins de famille et de 6,6 % du nombre de gynécologues en Ontario depuis 2018.

En attendant, pour Solomiya Putrenko, vivre avec l’endométriose signifie organiser sa vie en fonction de la douleur.

[L’endométriose] affecte tout — ma concentration au travail, à l'école — parce que je traîne cette douleur en tout temps, raconte-t-elle.

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