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Des chirurgiens de Québec ne peuvent pas opérer au privé

Le Dr Étienne Belzile devant la Clinique Verdi, sur la rue Maguire.

Le Dr Étienne Belzile croit qu'une soupape privée en santé est « importante pour notre société ».

Photo : Radio-Canada / Alexane Drolet

Pour diminuer les listes d'attente, des orthopédistes de Québec souhaitent opérer des patients au privé quand ils ne sont pas réquisitionnés par le secteur public, mais ils se butent à un refus du gouvernement.

La clinique Verdi, sur l'avenue Maguire, devait répondre aux besoins des orthopédistes et autres chirurgiens de la région, dont les listes s’allongent.

Situées dans le même bâtiment que la Clinique médicale de Sillery, les salles d'opération devaient ouvrir en juin dernier, mais ne sont toujours pas utilisées, faute de permis.

Malgré de nombreuses démarches, l'octroi du permis nécessaire à la réalisation de cette clinique a été décliné par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), qui indique que la liste d’attente actuelle ne justifie pas l’ouverture d’un centre médical spécialisé.

À l’échelle provinciale, l’orthopédie est la spécialité qui compte le plus de patients en attente, que ce soit pour une hanche ou un genou. Près de 40 000 patients sont en attente.

Devant sa liste de 182 patients qui attendent, le chirurgien orthopédique Étienne Belzile se dit frustré.

On est disponible pour opérer, mais il n’y a pas de place.

Une citation de Le Dr Étienne Belzile, chirurgien orthopédique

Le MSSS a toujours refusé la demande de permis de centre médical spécialisé (CMS). Aucune chirurgie orthopédique privée n’a donc pu se faire.

La justification du MSSS pour ce refus comporte trois éléments :

  • La pénurie de main-d'œuvre dans le secteur;
  • Une concentration de services similaires déjà offerts en centres hospitaliers;
  • La liste d'attente actuelle de la Capitale-Nationale ne justifie pas l'ouverture d'un centre médical spécialisé supplémentaire.

Les chirurgiens limités dans leur accès

Le Dr Belzile opère seulement une journée et demie par semaine, par manque de ressources et de salles disponibles.

Le chirurgien voudrait opérer ses patients qui ont les moyens financiers de payer à la clinique Verdi. Son collègue, le Dr Martin Bédard, voudrait la même chose.

Le Dr Bédard, chirurgien spécialisé en prothèse de genou, a plus de 200 patients sur sa liste d'attente. Il pourrait avoir une liste beaucoup plus exhaustive, mais, selon lui, la seule solution au manque d’accès en chirurgie est de limiter le nombre de nouvelles consultations.

Le Dr Martin Bédard est chirurgien spécialisé en prothèse de genou.

Le Dr Martin Bédard est chirurgien spécialisé en prothèse de genou.

Photo : Fournie

Le but : maintenir moins d'un an d’attente pour les patients déjà inscrits sur la liste chirurgicale.

Lorsqu’un patient est ajouté sur la liste chirurgicale d’un chirurgien, ce chirurgien devient responsable de l’opérer dans un délai acceptable, explique le Dr Bédard.

Limiter le nombre de consultations de nouveaux patients a pour effet de laisser certains patients hors des statistiques d’attente chirurgicale, tout simplement parce qu’ils n’ont pas encore rencontré un orthopédiste.

Le ministère est probablement content de cette situation, car ceci sous-évalue l’attente et le nombre réel de patients à opérer.

Une citation de Le Dr Martin Bédard, chirurgien orthopédique

À la mi-avril, dans la région de la Capitale-Nationale, plus de 7300 patients sont dans la catégorie hors délai, selon les cibles du MSSS, pour le temps d’attente pour une consultation avec un orthopédiste.

Ce n'est pas tout le monde qui a un intérêt à faire un achat et s'intégrer dans le privé, mais ceux qui veulent le faire aimeraient le faire avec le chirurgien qu'ils ont rencontré la première fois, explique le Dr Belzile.

Gros plan d'une radiographie d'un genou.

Le Dr Martin Bédard, chirurgien spécialisé en prothèse de genou, a plus de 200 patients sur sa liste d'attente. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Les deux chirurgiens affirment que de pouvoir opérer à la clinique Verdi, tout en maintenant 100 % de leur pratique au public, permettrait de traiter un plus grand nombre de patients.

Une lettre d'engagement de la part des orthopédistes à ne délester aucune de leurs activités à l'hôpital a été envoyée au gouvernement. Celle-ci n'a pas fait changer la décision du ministère de refuser la demande de permis des propriétaires de la clinique Verdi.

Les enjeux du privé en santé

Dans un tel scénario, les patients qui ont plus de moyens financiers passeraient tout en haut de la liste. Une situation qui ne met pas le chirurgien Étienne Belzile mal à l'aise, qui invoque le tourisme médical.

La personne qui a plus de sous peut aller se faire opérer partout dans le monde, mais cette personne n'aura pas le traitement d'un chirurgien d’ici. Pour nous, le contrôle qualité a de l'importance parce que ces gens reviennent dans le réseau public et c'est nous qui allons s'en occuper, évoque le Dr Belzile.

Pour la chercheuse Maude Laberge, professeure d’économie de la santé à l’Université Laval, la situation de la clinique Verdi devrait être analysée plus largement.

Une femme sourit à l'extérieur en automne.

Maude Laberge, professeure d’économie de la santé à l’Université Laval. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Quand on ouvre la porte [au privé en santé], il y a des enjeux à ce que les médecins [veuillent] travailler moins dans le public et finalement diminuer leur engagement dans le secteur public.

Une citation de Maude Laberge, professeure d’économie de la santé à l’Université Laval

À cette affirmation, le Dr Étienne Belzile répond qu’un chirurgien orthopédique demeure attaché à son centre hospitalier puisque la majorité des procédures nécessitent un lit d’hôpital, ce qui rend pratiquement inévitable la dépendance d’un orthopédiste à l’hôpital.

Maude Laberge souligne également qu’un médecin n'opère pas seul. Ils vont chercher des ressources, des infirmières et du personnel qui sont dans le public, dit-elle.

Je comprends qu'il y a un effet vase communicant avec le personnel hospitalier et c'est important de ne pas vider nos hôpitaux, mais je ne pense pas que le ministère doit craindre un mouvement dramatique des forces en orthopédie vers le privé pour l’ouverture d’un seul centre, insiste le Dr Belzile.

À cette affirmation, son collègue le Dr Martin Bédard ajoute qu'il est logique de penser que plus un chirurgien opère de patients dans une année, que ce soit au public ou au privé, moins il y en a qui vont attendre.

Selon les données du ministère, près de 4000 patients figurent sur la liste d'attente de chirurgie en orthopédie dans la Capitale-Nationale. De ce nombre, 135 patients attendent depuis plus d'un an.

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