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ArriveCAN : l’un des fondateurs de GC Strategies reconnaît des « erreurs »

Kristian Firth, l'un des entrepreneurs à l'origine de l’application ArriveCAN, a été convoqué par le Parlement pour répondre aux questions des élus au sujet de cet onéreux projet. Une première en 100 ans pour un citoyen canadien.

Kristian Firth écoute une question.

Kristian Firth, cofondateur de GC Strategies, firme qui se trouve à l'origine de la création de l'application ArriveCAN, témoigne au Parlement, le 17 avril 2024.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

L'explosion des coûts de développement de l'application mobile ArriveCAN continue de faire des vagues à Ottawa.

Les députés fédéraux ont eu l'occasion mercredi de questionner Kristian Firth, l'un des deux fondateurs de GC Strategies, l'entreprise à l'origine de l'application qui avait été commandée par le gouvernement au début de la pandémie de COVID-19 pour exercer un contrôle accru aux frontières.

Il en a profité pour présenter des excuses aux parlementaires, affirmant avoir « commis des erreurs ».

Accusé d’outrage pour avoir refusé de répondre à certaines questions lors de son témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, en mars dernier, M. Firth a vu les députés fédéraux voter une motion, début avril, lui ordonnant de comparaître devant la Chambre des communes.

La dernière fois qu’un citoyen canadien a été appelé à répondre aux questions des parlementaires remonte à 1913, lorsqu’un certain R. C. Miller a été convoqué après une affaire de corruption en lien avec des contrats gouvernementaux.

M. Miller avait refusé de répondre aux questions du Comité des comptes publics et s’était à nouveau abstenu de répondre aux questions du Parlement en février 1913, ce qui lui avait valu une peine de prison de quatre mois.

Selon un rapport de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, la facture totale d’ArriveCAN s’élèverait à plus de 59,5 millions de dollars. La version initiale de l’application a coûté 80 000 $ et a ensuite fait l'objet de 177 mises à jour.

Une trentaine d’entreprises ont travaillé en sous-traitance sur ArriveCAN.

L'application ArriveCAN.

La version initiale de l'application ArriveCAN a coûté 80 000 $ et a ensuite fait l'objet de 177 mises à jour.

Photo : La Presse canadienne / Giordano Ciampini

GC Strategies, qui ne compterait que deux employés travaillant de chez eux, selon les aveux d’un de ses fondateurs, a pour sa part empoché le tiers de cette somme, soit 19,1 millions de dollars.

M. Firth, quant à lui, conteste ces chiffres et affirme que l’application n’a coûté que 11 millions de dollars. Il soutient que GC Strategies a conservé une commission de 2,5 millions de dollars, tandis que le reste des 11 millions est allé aux autres entrepreneurs embauchés pour mettre au point l'application.

M. Firth a déjà indiqué précédemment que GC Strategies n'était pas responsable de l'orientation du projet, des objectifs, de la budgétisation ou du contrôle des coûts, et que c'était le gouvernement fédéral qui gérait le tout.

Lors de sa comparution devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, les députés ont demandé à plusieurs reprises à M. Firth de révéler l’identité des responsables gouvernementaux avec qui il avait collaboré pour l’obtention des contrats, mais ce dernier a évité de répondre à ces questions, disant qu’une enquête policière était en cours.

Depuis cette controverse, le gouvernement a suspendu le statut de sécurité de GC Strategies, ce qui l'empêche de soumissionner ou de travailler sur des contrats gouvernementaux.

Affrontement verbal

Mercredi, la comparution de M. Firth a commencé, vers 15 h 30, par un affrontement verbal entre députés libéraux et conservateurs.

Après l’admonestation prononcée par le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Steven MacKinnon, a confirmé une déclaration de M. Firth disant qu’il avait partagé une note de son médecin lui recommandant de ne pas comparaître aujourd’hui en raison de problèmes de santé physique et mentale dont il souffre.

Le leader du gouvernement Steven MacKinnon.

Le leader du gouvernement Steven MacKinnon

Photo : The Canadian Press / Justin Tang

M. MacKinnon a affirmé que seul le Parti conservateur a refusé de reporter la comparution de M. Firth jusqu’à ce qu’il soit prêt à témoigner devant la Chambre. Il s'en est pris au chef de l'opposition officielle, Pierre Poilievre, provoquant l’ire des élus conservateurs sur place.

Je tiens à être très clair : nous considérons que ce qui s’est passé avec l’application ArriveCAN est inacceptable, a dit M. MacKinnon. Nous voulons nous assurer que toutes les questions restées sans réponse reçoivent une réponse; c’est un principe important de cette Chambre. C’est pourquoi nous avons soutenu la motion qui a amené M. Firth devant nous ici aujourd’hui.

Nous voulons que cela se fasse dans le respect de la dignité de ce Parlement, et forcer quelqu’un à faire quelque chose qui, selon le médecin, pourrait nuire à son traitement et à sa guérison est en effet indigne de ce lieu.

Une citation de Steven MacKinnon, leader du gouvernement à la Chambre des communes

Dans ce contexte, M. MacKinnon pense qu'il est inapproprié de poser des questions au témoin.

Le leader de l'opposition nous a montré un trait de son caractère et les Canadiens devraient faire attention, a-t-il encore dit, avant d'être interrompu par des cris de députés conservateurs. La whip du Parti conservateur, Kerry-Lynne Findlay, s'est levée pour réprimander M. MacKinnon, affirmant que ses propos étaient inappropriés.

Libéraux corrompus, pouvait-on entendre des élus conservateurs crier.

Le président de la Chambre des communes, Greg Fergus.

Le président de la Chambre des communes, Greg Fergus

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Les Canadiens regardent cet événement historique et notre conduite doit refléter cela, a dit M. Fergus, avant d'inviter les élus à poser leurs questions à M. Firth.

Les libéraux ayant passé leur tour, chacun des autres partis disposait de 25 minutes pour interroger le fondateur de GC Strategies. Le Parti vert n'avait quant à lui que 5 minutes.

Mandat de perquisition de la GRC

Le porte-parole conservateur en matière d'éthique, Michael Barrett, a lancé la période des questions, interrogeant M. Firth au sujet d'une perquisition effectuée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans sa demeure plus tôt dans la journée.

M. Firth a confirmé cette information, affirmant que le mandat de perquisition était en lien avec une plainte de la firme montréalaise Botler AI, qui avait été approchée par GC Strategies pour développer un logiciel afin de lutter contre le harcèlement au travail.

Mercredi, la GRC a affirmé avoir perquisitionné la maison de M. Firth, à Woodlawn, en Ontario. Un porte-parole de la GRC a également précisé que le mandat de perquisition n'était pas lié à une enquête en cours sur ArriveCAN.

Interrogé par des députés bloquistes sur l'invitation de hauts fonctionnaires fédéraux à une dégustation de whisky par M. Firth, ce dernier a affirmé que toutes ses invitations avaient été lancées après l'octroi d'un contrat et non pas avant.

La députée de Terrebonne Nathalie Sinclair-Desgagné et le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, ont par ailleurs tous deux réitéré l'appel de leur parti exigeant la mise sous tutelle de l'Agence des services frontaliers du Canada, principal client de GC Strategies.

« N'avez-vous pas honte? »

Le député de New Westminster-Burnaby en Colombie-Britannique, Peter Julian, a quant à lui qualifié la controverse entourant l'application ArriveCAN de scandaleuse, tout en tenant à rappeler que le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait lui aussi été entaché par des scandales entre 2011 et 2015, dont celui des Services techniques et d'ingénierie qui a coûté 400 millions de dollars aux Canadiens.

Un homme debout tient une feuille de papier et prend la parole.

Le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique, Peter Julian

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

Comme il s'agissait d'un gouvernement majoritaire, les parlementaires n'ont pu obtenir de réponses et le scandale n'a jamais été résolu, a dit M. Julian. Là, puisque c’est un gouvernement minoritaire, on est en train d’obtenir des réponses. C'est important de le préciser.

Concluant cette séance historique, la cheffe du Parti vert du Canada, Elizabeth May, a posé la dernière question à M. Firth.

Une question qui est tombée comme un couperet : Je sais que vous avez des problèmes de santé, mais compte tenu que vous êtes ici, n'avez-vous pas honte?

Non, a répondu laconiquement le cofondateur de GC Strategies. Non, je n'ai pas honte, a-t-il dit avant d'être escorté à l'extérieur de l'enceinte du parlement par le sergent d'armes, qui est chargé de la sécurité des députés.

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