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Pont de l’île d’Orléans : une facture salée plutôt qu’un retard de 3 ans, plaide Guilbault

Devant les coûts plus élevés que prévu, à 2,7 milliards de dollars, le gouvernement a failli reprendre l'entièreté du processus, ce qui aurait cependant provoqué trois ans de retard sur l'échéancier.

Maquette du pont, vu de l'Île d'Orléans.

Le reportage de Guylaine Bussière.

Photo : Gouvernement du Québec

« C'est un coût élevé. » La ministre des Transports Geneviève Guilbault admet que la facture du nouveau pont de l'île d'Orléans, à 2,7 milliards de dollars, « peut faire sursauter ». Mais elle refuse le jeu des comparaisons, plaidant l'urgence d'agir pour sécuriser le seul lien des insulaires avec la ville de Québec.

Québec a annoncé mardi l'octroi, le 2 avril, du contrat de conception-construction du pont au consortium formé des firmes Dragados (Espagne) et EBC, sous la bannière Groupe Héritage île d'Orléans. Je confirme aux gens de l'île que ce pont sera en construction, livré en 2028, s'est réjouie la vice-première ministre, devant un parterre d'élus locaux, dont les maires des municipalités de l'île d'Orléans.

L'entente est d'une valeur de 1,85 milliard de dollars. Il s'agit du plus bas soumissionnaire parmi deux dossiers conformes déposés au gouvernement. L'écart entre les deux soumissions se chiffre à 700 millions $.

Avec ce contrat, la facture totale du projet est désormais estimée à 2,75 milliards de dollars. Il s’agit d’un montant près de sept fois supérieur aux premières estimations de 400 millions publiées il y a 10 ans, à la fin du mandat libéral de Jean Charest. Le gouvernement Legault, en 2020, parlait toujours d'un projet de quelques centaines de millions.

Le budget actuel inclut la reconstruction de la côte du Pont, à l'entrée de l'île, le contrat de conception-construction du nouvel ouvrage et la déconstruction du pont actuel. Cette dernière étape devra faire l’objet d’un appel d’offres futur, ce qui pourrait éventuellement changer la facture à nouveau.

Québec se garde également une réserve d'urgence d'au moins une centaine de millions de dollars.

Question de sécurité

Le coût de 2,7 milliards de dollars peut susciter des questionnements, a répété Mme Guilbault. Selon elle, le dossier a trop traîné, expliquant en partie l'augmentation de la facture. En ce moment, il y a un contexte dans le marché, l'inflation, la hausse des taux d'intérêt.

Malgré la facture salée, Mme Guilbault refuse de reporter. Vétuste et construit en 1935, le pont actuel ne répond plus aux normes sécuritaires et atteindra sous peu sa fin de vie utile. Il est de notre responsabilité [d'aller de l'avant] pour des questions de sécurité.

Le pont actuel, en acier vert.

Le pont actuel, inauguré en 1935, sera remplacé par une infrastructure à haubans afin de mettre en valeur le patrimoine naturel de l'île d'Orléans.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Un programme d'inspection du pont de l'île d'Orléans s'est d'ailleurs amorcé lundi et ce suivi en continu sera maintenu tant que l'infrastructure sera utilisée.

Le MTMD n'exclut pas de devoir imposer des restrictions de charge si nécessaire, ce qui est déjà le cas actuellement. Québec veut également éviter une fermeture d'urgence, comme vécu avec le pont de l'Île-aux-Tourtes en 2021.

Quelque 7500 résidents dépendent du pont pour ne pas être enclavés. Mme Guilbault parle aussi de questions économiques, dont le transport des marchandises pour les nombreux producteurs agricoles, sans compter les 800 000 touristes qui empruntent le pont chaque année. Le gouvernement, a-t-elle ajouté, a la responsabilité de maintenir un accès sécuritaire à ce symbole identitaire pour le Québec.

Commencer ou retarder

Avec deux soumissions seulement et des résultats d'appels d'offres plus coûteux que prévu, Québec a hésité à recommencer l'ensemble du processus. On aurait eu un retard d’au moins trois ans dans la livraison.

Accompagnée par son collègue ministre responsable des infrastructures, Jonatan Julien, Geneviève Guilbault a promis de nouvelles façons de faire dans les grands projets au Québec, notamment avec l'Agence des transports qu'elle est en train de mettre sur pied.

Maquette du futur pont de l'Île d'Orléans, avec la chute Montmorency à l'arrière.

Maquette du futur pont de l'Île d'Orléans, avec la chute Montmorency à l'arrière

Photo : Gouvernement du Québec

D'ici un mois, les caquistes promettent une stratégie pour faire plus vite et moins cher. M. Julien a pour sa part parlé d'une petite révolution.

La ministre caquiste a au passage blâmé les gouvernements précédents pour leur inaction. Ce n'est pas l'élection de la CAQ, en 2018, qui a provoqué l’usure des ponts, a-t-elle ironisé.

Défis techniques

Peu avant l'annonce de la ministre, des experts du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) ont présenté les grandes étapes du chantier.

Selon leurs dires, outre les conditions actuelles du marché, les défis techniques et environnementaux pour la construction du nouveau pont de l’île d’Orléans expliquent en partie l’explosion des coûts

Esquisse montrant le chenal de navigation, la frayère de barets et le fond marin.

La construction du nouveau pont de l'île d'Orléans représente un défi technique.

Photo : Gouvernement du Québec

Le site présente, dit-on, des contraintes patrimoniales, géotechniques et environnementales. Selon les responsables du projet, il s'agit d'une complexité rarement vue au MTMD, voire jamais. Le maintien du pont actuel pour désenclaver les insulaires a aussi joué dans la balance, forçant Québec à créer des structures temporaires lors de la phase de construction.

Le pont aura une largeur de 23 mètres au total. Quelque 58 pieux devront être enfouis à environ 80 mètres sous l'eau, dans le roc. Le pont aura deux voies de circulation automobile et deux pistes multifonctionnelles pour les autres modes de transport.

Illustration expliquant l'espacement de chaque voie.

Le nouveau pont de l'Île d'Orléans sera muni de deux pistes polyvalentes, de deux accotements et de deux voies de circulation.

Photo : Gouvernement du Québec

La présence de frayères de barets et d'un chenal de navigation a aussi forcé à imaginer un pont avec un dégagement latéral, entre les piliers, de 430 mètres, un autre défi technique.

Les travaux du pont s'amorceront au cours de l'été. L'inauguration est prévue pour 2028. La déconstruction du pont actuel sera la dernière étape et pourrait n'être terminée qu'en 2033.

L'échangeur avec l'autoroute Dufferin-Montmorency devra aussi être entièrement réaménagé.

Le pont en bref

  • Durée de vie de 100 ans
  • Deux voies de circulation automobile
  • Deux pistes multifonctionnelles de 3 m chacune
  • Dégagement latéral de 430 m
  • Largeur totale de 23 m

La faute au troisième lien?

Les oppositions à l'Assemblée nationale n'étaient pas impressionnées par la gestion du chantier par le gouvernement Legault.

Les libéraux, principales cibles des attaques de la ministre Guilbault pour les délais, ont répliqué coup pour coup par la voix de Marc Tanguay. Oui, on en parlait en 2015, on a perdu le pouvoir en 2018. Ça a pris six ans à la CAQ. Alors au niveau des délais, la CAQ n'a aucune leçon à donner à personne, a déclaré le chef de l'opposition officielle.

La décision d'y aller avec un pont à haubans s'est d'ailleurs prise sous le gouvernement libéral, dès 2015. M. Tanguay promet maintenant des suivis serrés avec le gouvernement et exigera un respect des budgets et des échéanciers. On veut de la transparence.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy-Roussel

Québec solidaire accuse pour sa part la CAQ d'avoir retardé le dossier du pont de l'île d'Orléans en raison du projet de troisième lien, aujourd'hui abandonné.

La CAQ a tergiversé pendant des années à annoncer un nouveau pont parce qu’elle essayait de faire entrer ce projet-là à l’intérieur d’un autre, a réagi le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois. Si Québec avait priorisé le pont d'emblée et amorcé les travaux plus tôt, la facture serait pas mal moins élevée que ça.

Le Parti québécois a abondé dans le même sens. Là aussi, on rappelle que le projet est sur les rails depuis 2015 et que les contraintes techniques évoquées par le MTMD étaient connues pour la plupart.

L'écoulement du temps a dû avoir un impact, a déploré le chef Paul St-Pierre Plamondon. L'estimation était à environ 500 millions de dollars, [on est à 2,7 milliards]. On ne parle pas de plusieurs décennies. Je n'ai pas encore entendu d'explications claires sur pourquoi ça coûte aussi cher.

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