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AnalyseDe l’huile sur le feu de l’inflation?

Pierre Poilievre parle pendant un point de presse.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, s'est exprimé concernant le budget à venir des libéraux, à Mississauga, en Ontario, dimanche dernier.

Photo : La Presse canadienne / Christopher Katsarov

Le chef conservateur Pierre Poilievre accuse le premier ministre Justin Trudeau d’alimenter l’inflation en multipliant les annonces prébudgétaires depuis deux semaines. Se pourrait-il que le gouvernement fédéral et les administrations provinciales, qui ont toutes présenté leur budget pour le nouvel exercice, nuisent au travail de la Banque du Canada et retardent la baisse des taux d’intérêt?

Il arrose le feu non pas avec de l’eau, mais avec de l'huile, a dit M. Poilievre en entrevue à La Presse.

Les annonces fédérales totalisent 19 milliards de dollars dans les dernières semaines, en défense, pour le logement, en intelligence artificielle, pour l’alimentation en milieu scolaire, en santé mentale et pour les garderies. Ce sont des investissements sur plusieurs années.

Par ailleurs, la plupart des provinces ont annoncé une croissance marquée de leurs dépenses de portefeuilles et de l’ensemble de leurs dépenses dans les budgets qui ont été dévoilés dans les dernières semaines. La croissance des dépenses dépasse largement l’inflation.

Budget fédéral 2024

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La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, est vue lors d'une conférence de presse, à Ottawa, le mardi 5 décembre 2023.

La Colombie-Britannique a dévoilé un budget largement déficitaire, avec une croissance des dépenses totales de 8,8 % pour 2024-2025 par rapport aux prévisions de l’exercice précédent. L’agence de notation Standard & Poor's a même abaissé la cote de crédit de la province, la faisant passer à AA-, avec une perspective négative, ce qui indique qu'elle pourrait de nouveau être abaissée. C'est la troisième fois en trois ans que la note de cette province de l'Ouest est abaissée.

Pierre Poilievre a-t-il raison?

Pour le chef de l’opposition officielle à Ottawa, le gouvernement fédéral devrait plutôt cibler ses interventions dans le secteur du logement. Mais pour le reste, selon lui, il doit baisser les impôts et les taxes, et maîtriser ses dépenses. Autrement, ajoute Pierre Poilievre, le gouvernement ne fait qu’alimenter l’inflation et reporter les baisses de taux, alors que la Banque du Canada affirme que le niveau d’inflation est toujours trop élevé.

A-t-il raison? Oui et non. Ayant intégré les données des budgets des provinces dans son analyse, la Banque du Canada a relevé la contribution des administrations publiques à la croissance prévue du PIB du Canada de 0,6 à 0,7 point de pourcentage cette année, et de 0,5 à 0,7 point pour 2025. L’argent public supplémentaire vient alimenter davantage la croissance de l’économie, donc la demande.

D’ailleurs, la Banque du Canada le souligne dans son rapport sur la politique monétaire : La croissance des dépenses publiques devrait s’accélérer, passant de 2,5 % dans la deuxième moitié de 2023 à environ 3,5 % dans la première moitié de 2024. Cette croissance est alimentée par le retour au travail des employés du secteur public québécois [...]. Les mesures annoncées récemment dans les budgets provinciaux devraient également affermir la demande à compter du deuxième trimestre de 2024.

Cela dit, la banque centrale révise sa prévision d’inflation à la fin de l’année, la faisant passer de 2,4 à 2,2 %. Donc, malgré une croissance économique un peu plus forte qu’attendu, et malgré une croissance des dépenses publiques, la Banque du Canada arrive à la conclusion que l’inflation va baisser de façon un peu plus rapide qu’attendu.

La croissance de l’économie viendra surtout de la croissance démographique, d’une reprise de la consommation et d’une hausse des exportations, avec la mise en exploitation du réseau d’oléoducs Trans Mountain, dans l’ouest du Canada, qui devrait ajouter 0,25 point au PIB.

Tout de même, il faut souligner que le gouverneur Macklem a indiqué, à au moins deux reprises dans les derniers mois, que les dépenses gouvernementales pouvaient être inflationnistes. Fin octobre, il disait que si les projections de croissance des dépenses gouvernementales se réalisaient, il y avait un risque que les dépenses budgétaires croissent plus que l’offre et que cela n’aide en rien à réduire l’inflation.

Puis, en février dernier, il déclarait que si les dépenses publiques réelles à tous les ordres de gouvernement augmentent sensiblement au-dessus de 2 %, il sera alors difficile de ramener l’inflation à 2 %.

Baisse de taux en juin?

Alors, la question à 100 $ : à quel moment la Banque du Canada commencera-t-elle à baisser son taux directeur? À la suite de la décision rendue mercredi matin, les économistes croient qu’il y a environ 50 % de possibilité qu’une baisse de taux se produise en juin. Selon la Banque Nationale et Desjardins, la porte est clairement ouverte pour juin, mais cela pourrait se produire aussi en juillet.

On sent que la banque est plus à l’aise avec l’idée de baisser les taux. Son message n’est pas d’une grande limpidité, mais l’ouverture y est : Bien que l’inflation reste trop élevée et que des risques demeurent, l’inflation mesurée par l’IPC et l’inflation fondamentale ont encore diminué ces derniers mois. Le Conseil sera à l’affût de signes que ce mouvement à la baisse est durable.

Pendant ce temps, aux États-Unis, le taux d’inflation remonte : il est passé de 3,2 % en février à 3,5 % en mars, ce qui laisse croire que la banque centrale va reporter sa première baisse du taux directeur. La Réserve fédérale pourrait attendre septembre pour le faire.

À n’en pas douter, aux États-Unis, les investissements massifs de l’administration de Joe Biden dans l’économie contribuent à l’inflation. L’économie des États-Unis s’est encore une fois révélée plus forte qu’anticipé, écrivait la Banque du Canada dans son communiqué mercredi matin, soutenue par la résilience de la consommation ainsi que par les dépenses robustes des entreprises et des administrations publiques.

Les gouvernements gagneraient certainement à bien cibler leurs mesures pour éviter d’alimenter l’inflation. Mais pour l’instant, contrairement aux inquiétudes de Pierre Poilievre, les prévisionnistes demeurent convaincus que l’inflation ralentit et qu’on arrivera bientôt aux baisses de taux. Courage, ça s’en vient!

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