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Rencontre avec deux Canadiens qui ont frôlé la mort dans le séisme à Taïwan

Une semaine après le tremblement de terre qui a fait 13 morts et plus de 1000 blessés, deux Canadiens racontent comment ils ont lutté pour leur survie.

Le couple devant des chutes.

L'Albertain Brandon Iwanyshyn et la Québécoise Lélia Lemay peu avant leur mésaventure.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Lélia Lemay, originaire de Longueuil, et son copain Brandon Iwanyshyn, d’Edmonton, étaient en train de faire de la randonnée dans les gorges de Taroko, dans l’est de l’île, quand la terre a tremblé.

Ça devait pourtant être une semaine de vacances magique pour le jeune couple qui réside à Dalian, en Chine. Les deux travaillent dans une école internationale.

La gorge de Taroko se voulait le décor parfait pour célébrer le 34e anniversaire de Lélia.

C’était une journée parfaite. On sait qu’il y a beaucoup d’autobus de touristes qui arrivent vers 8 h là-bas, donc nous, on a commencé notre randonnée à 7 h 15. La gorge était turquoise, le ciel bleu, se rappelle Lélia Lemay, en entrevue à Radio-Canada.

Un pont au-dessus d'une gorge rocheuse, sous le soleil.

La randonnée avait si bien commencé. Le temps était idéal.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Lélia et Brandon étaient seuls dans une clairière quand, soudainement, à 7 h 58 mercredi de la semaine dernière, la terre a tremblé, ce qui a provoqué des glissements de terrain partout autour d’eux.

On s’est fait attaquer par des roches, raconte Lélia. Tout était brun, on ne pouvait rien voir. Avec l'impact des roches, je me suis ramassée à terre. J'ai essayé de protéger ma tête. J'ai essayé de me relever, mais la pression était vraiment très forte de tout ce qui tombait.

Je me suis juste dit : "Voilà, c'est le 3 avril. Demain, je n'aurai pas 34 ans. Ça se termine maintenant."

Une citation de Lélia Lemay
Montage montrant le sentier avant et après le séisme, couvert de pierres.

Le décor a changé du tout au tout en quelques minutes.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Sous le choc, ils ont tout de même réussi à courir pour aller se réfugier aux abords d’une petite centrale électrique située tout près.

Nous ne nous souvenons pas vraiment de cette partie-là. Mais la seule chose que nous pouvons vraiment supposer, c'est que, oui, ces instincts de survie se sont manifestés et nous avons sprinté vers cette couverture, relate Brandon.

Je me souviens de l’abri en béton, mais il était fermé à clé, donc on ne pouvait pas y entrer, ajoute-t-il. La dernière chose dont je me souviens, c'est que nous étions à quatre pattes et que nous essayions de nous protéger. Nous nous sommes cachés derrière ce petit mur.

Petit bâtiment de béton.

Ce bâtiment a permis au couple de se protéger des pierres qui continuaient de leur tomber dessus.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Tous deux étaient gravement blessés.

Lélia a eu des vertèbres fracturées et de nombreuses lésions. Brandon a subi une fracture ouverte du crâne et une autre à un pied.

À 15 h 30 cet après-midi-là, on s'est dit : "Il nous reste à peu près deux heures de clarté." On a marché pendant 45 minutes. On savait que, les deux, on avait des blessures, mais on s'est dit : "Est-ce qu'on peut marcher? Oui. Alors, faisons-le."

Une citation de Lélia Lemay

Moi, je ne voulais vraiment pas passer la nuit-là. Brandon, il n’avait pas vu la coupure sur sa tête. Lui, il me disait : "I'm OK, I'm fine." ("Ça va, je vais bien.") Mais moi, j'avais vu sa coupure, je savais que ce n'était pas "fine". Je ne voulais pas qu'on passe la nuit-là, insiste Lélia.

Un sentier couvert de pierres.

Le tremblement de terre du 3 avril dernier a été le pire en 25 ans, à Taïwan.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Poussés par l’instinct de survie et l’adrénaline, ils ont donné leur position à leurs proches avant de perdre la réception cellulaire. Presque sans eau ni nourriture, ils ont réussi à se rendre au point de départ du sentier avant de pouvoir être évacués plus tard en soirée avec d’autres randonneurs.

Brandon avait enregistré toutes les données de leur randonnée depuis leur départ. C’est ce qui a été un des éléments les plus importants permettant leur sauvetage et leur navigation pour retrouver le point de départ du sentier.

Lélia marche en éclairant le sentier devant elle avec une lampe de poche.

Ils ont pu marcher jusqu'à l'entrée du sentier.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Nous avions remarqué que les roches ne déboulaient pas dans la rivière, souligne Brandon. Nous avons donc pensé qu’utiliser la rivière serait notre meilleur choix pour nous rendre malgré les nombreuses répliques sismique.

Nous sommes finalement arrivés à cet endroit où il y a des abris, où ils vendent de la nourriture et des souvenirs, poursuit-il. Nous avons trouvé là les 10 autres survivants. Ils y étaient tous protégés. Et ils ont dit qu’aucune pierre n’était tombée dans cette zone. Voir tout ce monde en sécurité, c'était comme le matin de Noël!

Une citation de Brandon Iwanyshyn

Le groupe de 12 randonneurs a été transporté dans un hôpital de Hualien.

Le couple devra y demeurer pour encore au moins 10 jours afin de se remettre des chirurgies. Lélia porte un collet cervical et Brandon a le crâne rasé depuis son opération à la tête.

Lélia porte un collet cervical et Brandon a le crâne rasé.

Le couple devra rester à l'hôpital pendant encore au moins une dizaine de jours.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Chaque réplique – plus de 700 ont été enregistrées depuis une semaine – sème la panique.

Pour nous, dans la gorge de Taroko, chaque réplique signifiait qu’il fallait faire attention, car des roches tombaient, dit Lélia. Je pense que ce sentiment d'être non pas en panique, mais en alerte supplémentaire, il est difficile de s'en défaire.

Lors des premières grosses répliques, quand nous étions à l’hôpital, je suis presque sûre d'avoir fait une crise de panique. Je me disais que le plafond nous tombait dessus. C’est un sentiment associé à l'endroit où nous étions, je suppose. Chaque fois qu'il y a une plus grosse réplique, il y a une infirmière qui frappe à notre porte et qui demande si on va bien, confie-t-elle.

Couverts de bandages à l'hôpital, les deux font un signe de la main.

Lélia Lemay, originaire de Longueuil, et Brandon Iwanyshyn, d’Edmonton, ont été gravement blessés lors du tremblement de terre.

Photo : Brandon Iwanyshyn

Lélia et Brandon expriment leur gratitude. Impossible d’oublier, entre autres, cette femme pleine de générosité, Rovina, qu’ils ont rencontrée à l’hôpital.

Elle a juste vu que j'étais en douleur. Elle m'a pris la main et elle me flattait les cheveux, précise Lélia. Elle a appris que c'était ma fête, puis elle est revenue avec un gâteau et une carte de fête. C'était juste incroyable, la bonté des gens, des inconnus.

Nous avons été complètement submergés par l'amour et le soutien de nos amis, de nos familles, de nos collègues de travail, de tous ceux qui font partie de la communauté ici, ajoute Brandon.

Le couple se dit aussi impressionné par l’aide fournie rapidement et constamment par le consulat canadien de Taipei. Un représentant est allé les visiter presque chaque jour à l’hôpital.

Le programme des prochains jours malgré la douleur constante se résume en un mot : repos.

On y va par petits objectifs. Être capables de marcher au bout du corridor. Aujourd'hui, j’ai pris une douche avec l'aide des infirmières. Lundi, on a été capables de regarder un film. Des petites choses comme ça. Je pense que, chaque jour, on se sent vraiment mieux, dit Lélia.

Ce texte peut être consulté en chinois.  (Nouvelle fenêtre)

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