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Les chocolats de Pâques n’échappent pas à la réduflation

Deux petites poules en chocolat, l'un de 22 g et l'autre de 25 g.

La Chocolaterie des pères, au Saguenay, a dû se résigner à réduire le format de ses petites poules en chocolat cette année.

Photo : Radio-Canada / Josselin Pfeuffer

La fête du chocolat risque d’être gâchée cette année par la réduflation. L'explosion du coût du cacao force certaines entreprises à réduire leurs formats, à hausser leurs prix ou encore à modifier leurs recettes chocolatées pour répondre à leurs pressions budgétaires.

Les petites poules en chocolat de la Chocolaterie des pères sont passées cette année de 25 g à 22 g. La boîte de douze a perdu 36 grammes au total, une réduction de 12 %.

Nous avons dû effectuer cette cure d’amincissement afin d’éviter d’augmenter le prix de vente aux consommateurs, explique le directeur de l’usine – et nouvellement copropriétaire –, Joël Lavoie.

Nous avons décidé de diminuer le poids, mais de maintenir la qualité de notre produit, contrairement à plusieurs de nos compétiteurs.

Une citation de Joël Lavoie, Chocolaterie des pères

Aucun autre produit de la gamme de la chocolaterie établie au Lac-Saint-Jean n’a subi le même sort à l’approche de Pâques. Toutefois, considérant la dure réalité de l’industrie, nous aurons assurément des choix à faire pour la suite, affirme Joël Lavoie.

L’homme d’affaires évoque, par exemple, la hausse des coûts des emballages et des frais de transport, une réalité vécue par l’ensemble de l’industrie alimentaire.

Les chocolatiers sont toutefois frappés aussi par la hausse du prix du cacao qui se détaillait, rappelle Joël Lavoie, à 2500 $ US la tonne l’an dernier, alors que les prévisions l'amènent à 10 000 $ US la tonne cet été. Malheureusement, malgré de nombreuses négociations serrées avec nos fournisseurs, je dois me résigner à cette nouvelle réalité, indique-t-il.

Le cours du cacao subit en effet une hausse fulgurante depuis plusieurs mois.

Un record de plus de 40 ans a notamment été franchi. Son prix a dépassé les 9000 $ US la tonne métrique en mars. C’est 40 à 45 % plus cher que l’ancien record historique de 1977, où il avait atteint 5100 $ US, rappelle Sylvain Charlebois.

Le directeur scientifique du Laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie attribue notamment cette montée en flèche des prix à des cas de maladie dans les principales régions productrices, comme la Côte d’Ivoire et le Ghana, ainsi qu’aux intempéries et à la spéculation.

Je n’ai jamais vu une denrée agroalimentaire augmenter tant que ça, si rapidement, ajoute l’expert, selon qui le prix du cacao risque de rester élevé encore longtemps, alors que les entreprises négocient leurs provisions à long terme.

Si Sylvain Charlebois craint une recrudescence des cas de réduflation, c'est surtout la déqualiflation qui l'inquiète. Le cacao est un ingrédient, mais quand il devient trop cher, il peut y avoir substitution, ou reformulation avec un produit artificiel au goût de chocolat, note-t-il, ce que voulait éviter à tout prix la Chocolaterie des pères.

Si Joël Lavoie n’a pas encore augmenté le prix des produits de sa chocolaterie, il s’attend aussi à devoir le faire, mais raisonnablement. La compétition est très féroce et nous voulons continuer d’augmenter notre volume de vente, indique-t-il, soulignant également s’attendre à voir ses marges de profits diminuer un peu.

Autres chocolateries, même défi

Un castor, un raton-laveur et un hibou faits de chocolat.

Des pièces montées de la chocolaterie Fays, à Oka

Photo : Radio-Canada / Josselin Pfeuffer

Les chocolateries Fays, à Oka, et Bonneau, à Montréal, vivent la même réalité.

Mathilde Fays dit toutefois ne pas ressentir encore l'impact de cette hausse du prix du cacao, mais elle a déjà dû s'ajuster à l’inflation et aux répercussions de la pandémie. Certaines de ses barres de chocolat ont été réduites cet été pour s’aligner à la compétition.

Sur les tablettes, on était plus gros, plus lourd que la plupart des concurrents, indique-t-elle. Ça nous défavorisait.

On ne veut absolument pas couper sur la qualité, mais on pense à la création de produits qui permettent de maintenir des prix abordables.

Une citation de Mathilde Fays, Chocolaterie Fays

Dans les créations de Pâques, ajoute-t-elle, on a fait moins de grosses pièces de chocolat montées, qui prennent plus de temps à produire que des moulages, et qui sont plus chères.

Yves Bonneau, de la Chocolaterie Bonneau, ne compte pas pour sa part réduire les formats de ses produits chocolatés, mais certains d’entre eux se vendent de 5 à 10 % plus cher.

Il pense sinon à gruger sur ses marges de profits, car imputer une trop grosse augmentation à ma clientèle n'est pas une solution, soutient-il. Ce n'est pas à nos clients, qui sont toujours là pour nous soutenir, de payer l'addition.

Comme à la Saint-Valentin, Noël et Halloween…

D’autres produits faits de chocolat ont aussi subi des réductions dans la dernière année.

Les chocolats Vadeboncœur ont par exemple réduit le format de leurs emballages de pastilles de chocolat blanc Freddo, aussi en raison de la pression au niveau des matières premières.

Pour celui-ci, ce qui augmente est surtout le prix du sucre, explique la vice-présidente Angèle Vadeboncœur. Viennent ensuite le coût du transport, du beurre de cacao, l’emballage primaire et les salaires.

La décision de réduire vient aussi en observant la concurrence, pour garder le même prix que les autres produits d’une même famille, précise-t-elle.

La boîte de chocolats Quality Street est aussi passée à Noël de 725 g à 650 g. L'iconique boîte métallique a presque fondu de moitié depuis les années 1980.

Aucun autre produit chocolaté saisonnier de Nestlé n’a toutefois subi de réduction cette année, selon nos recherches, mais le fabricant n’a pas répondu à nos demandes d’informations. Rien à signaler de récent non plus chez le géant Mondelēz dans sa gamme Cadbury, qui a plutôt misé sur des hausses de prix allant jusqu’à 15 %.

Des boîtes métalliques remplies de chocolats Quality Street placées côte à côte pour en comparer la taille.

Cette image, devenue virale au Royaume-Uni en 2015, témoigne des réductions successives des boîtes de chocolats Quality Street au fil des décennies.

Photo : Gracieuseté

La bûche végane de La cuisine de Jean-Philippe a pour sa part perdu 25 g en décembre, mais Jean-Philippe Cyr n’y voit pas un cas de réduflation. Nous étions trop justes en poids, explique-t-il. Le matériel et les procédures en place nous permettaient plus difficilement d'atteindre le 650 g, ce qui générait d'importantes pertes.

La réduction du poids à 625 g a ainsi permis de minimiser les pertes, selon lui, mais le prix de vente n’a pas été ajusté pour les consommateurs.

Aidez-nous à mesurer l’ampleur de la réduflation

Quelques mois plus tôt, à l’Halloween, plusieurs enfants avaient aussi eu la mauvaise surprise d’ouvrir des emballages de friandises chocolatés plus vides que par le passé. Les bonbons aussi y ont goûté, avec la hausse du prix du sucre.

Les produits faits de cacao et de sucre ont sinon subi au cours des dernières années des augmentations de prix à la caisse pour les consommateurs.

Les données de Statistique Canada témoignent de hausses allant jusqu’à 25 % pour les produits faits de sucre et de sirop dans les commerces de détail depuis trois ans, une tendance qui risque de se poursuivre au cours des prochains mois.

L’or chocolaté

La réduflation dans les allées du chocolat ne date pas d’hier, rappellent les experts.

L’emballage de Kit Kat Chunky a par exemple subi trois changements plutôt qu’un depuis 2017. Les barres de 50 g sont passées à 40 g avec une liste des ingrédients ajustés. Puis elles ont retrouvé leur recette d’avant, dans un format relevé à 49 g.

Trois emballages de Kit Kat Chunky.

En quelques années, la barre de chocolat Kit Kat Chunky a traversé plusieurs changements, de poids et de recette.

Photo : Radio-Canada / Josselin Pfeuffer. Gracieusité : Daniel Noël

L'œuf à la crème de Cadbury, un autre symbole de Pâques, avait déjà fondu de 39 g à 34 g.

Notre collecte de données nous a aussi permis de retracer des barres de chocolat Toblerone, Purdys, Coffee Crisp et Oh Henry! ainsi que des sacs de M&M, tous réduits.

En fait, la majorité des produits faits de chocolat, saisonniers ou non, risque encore de subir des réductions, selon le professeur Jordan LeBel, spécialisé en marketing alimentaire.

C’est l’un des secteurs les plus à surveiller, à son avis. Attendez-vous-y, prévient-il.

L’expert évoque notamment la compagnie Hershey’s, qui a diversifié son portfolio de produits il y a quelques années, appréhendant peut-être cette hausse du prix du chocolat.

Hersey s’est repositionnée pour être plus qu’une compagnie du chocolat, explique-t-il, en faisant l'acquisition de marques axées plutôt sur les collations, comme Twizzlers, Jolly Rancher et Brookside.

Si tout ce que tu produis est en chocolat, quand le prix du chocolat et du sucre augmente, et même le prix des œufs, c’est trois de tes neuf ou dix ingrédients dans ta recette qui viennent gruger les profits, poursuit Jordan LeBel.

N’empêche, le fabricant a malgré tout dû hausser les prix de ses produits chocolatés et réduire aussi ses emballages de brisures de chocolat Chipits.

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