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À la rencontre de ceux qui ont passé l’hiver à Grand Parade

Un homme se prend la tête en plein hiver, dans un campement de fortune d'Halifax.

Dave Pincock a vécu à la place Grand Parade, devant l'hôtel de ville d'Halifax, de l'été 2023 à mars 2024.

Photo : (Taryn Grant/CBC)

Radio-Canada

Les campements de fortune de la capitale néo-écossaise ont fait l'objet de plusieurs reportages cet hiver, particulièrement celui située en face de l’hôtel de ville. Pendant des mois, CBC s'est rendu sur les lieux de celui situé devant l'hôtel de ville d'Halifax afin de recueillir les témoignages de ceux qui y vivent.


David Pincock

À l'automne 2023, le déferlement de résidents sans logement a poussé la Municipalité régionale d’Halifax à autoriser les campements de tentes à la place Grand Parade.

David Pincock est de ceux à y avoir habité. L'été suivant, il a été l’un des premiers à planter sa tente sur ce terrain situé devant l’hôtel de ville d’Halifax.

Âgé de 54 ans, David Pincock ne va pas bien. Il a une tumeur cancéreuse dans l’intestin, a besoin de prothèses de hanche et de genou et soupçonne avoir une métastase sur colonne vertébrale.

Je ne sais pas combien de temps il me reste.

Une citation de David Pincock

La dernière fois que David Pincock a eu un toit sur sa tête, c’était il y a trois ou quatre ans. Mais tout cela est vague, dit-il, car, depuis, il a passé bien trop de temps dans la rue, dans des refuges et en prison.

En décembre, l’abri de fortune de David Pincock au campement de la place Grand Parade a pris feu. Il est de ceux qui ont alors aménagé dans les nouvelles tentes pour la pêche sur glace, offertes par des groupes communautaires, peu de temps après. Il l’a occupé tout l’hiver.

Sept grosses tentes carrées rouges pour la pêche sur glace sont posées sur une place publique, pendant qu'il neige.

Les tentes pour la pêche sur glace devant l'hôtel de ville d'Halifax, le 4 décembre 2023.

Photo : CBC / Paul Palmeter

Avec l’ouverture de nouveaux refuges d’urgence et de maisons de transition en 2024, la ville a toutefois demandé aux occupants du campement de quitter les lieux avant le 26 février.

David Pincock a été le dernier à partir, en mars, soit deux semaines après la date limite imposée par la ville pour expulser les lieux.

La ville d'Halifax a finalement clôturé l'esplanade de la place Grand Parade pour empêcher les itinérants de s'y réinstaller au mois de mars.


Kevin McGuire

Jusqu'à l'été dernier, Kevin McGuire a loué un appartement de deux chambres au coût de 1100 $ par mois. Il pouvait se le permettre grâce à l’aide sociale et aux allocations gouvernementales pour le logement.

Mes propriétaires ont décidé de faire une rénovation, car ils ne m’appréciaient pas. Ils ont trouvé une façon de se débarrasser de moi, affirme-t-il.

En pleine crise du logement, il a été impossible pour l'homme de 44 ans de se trouver un loyer abordable. Pour la première fois de sa vie, il s'est retrouvé à la rue.

Un homme dans un campement de fortune d'Halifax, en hiver.

Kevin McGuire.

Photo : (Taryn Grant/CBC)

Kevin McGuire a fréquenté un refuge pendant environ un mois, mais le manque de vie privée et d’autonomie l’a vite fait déchanter.

C’était l’enfer, clame-t-il.

C’est comme cela qu’il s’est retrouvé dans une tente à la place Grand Parade, où il a dormi par intermittence. Il a aussi passé quelques nuits à l’hôpital en raison d’une vilaine infection à la main causée par une coupure.

Kevin McGuire affirme souffrir de douleur chronique résultant de vieilles blessures et trop de nuits à dormir dans le froid sur un sol dur.

Ces derniers mois, il dit avoir trouvé un peu de réconfort dans les drogues qu’il consomme, majoritairement de la cocaïne et des antidouleurs sur ordonnance.

Tu ne peux pas vivre à jeun dans la rue. Il te faut quelque chose pour te garder au chaud, comme de l’alcool ou de la drogue. Tu en as besoin. Sans ça, je te le dis, tu ne passeras pas au travers. Cette chaleur artificielle dans le corps est nécessaire.

Une citation de Kevin McGuire

Kevin McGuire dit qu’il essaie de se sevrer et souhaite suivre un programme de désintoxication. Il ne consomme plus de drogues depuis le début février, poursuit-il, sauf pour les médicaments prescrits contre la douleur.


Matt Ketchabaw

Matt Ketchabaw, 34 ans, a été évincé de l’appartement qu’il louait à Ottawa en 2023. Dubitatif à l’idée de pouvoir se trouver un loyer abordable dans la capitale canadienne, il décide de sauter dans un train.

Direction : l’est du pays.

En janvier, il arrive à Halifax, une escale, dit-il, vers sa destination ultime, Saint-Jean de Terre-Neuve.

Saint-Jean, c’est le seul endroit au Canada où les loyers sont encore abordables.

Une citation de Matt Ketchabaw

Pendant les mois qu’il a passés en Nouvelle-Écosse, Matt Ketchabaw a dormi un temps dans une tente à la place Grand Parade, puis a déménagé ses pénates au refuge du Forum D’Halifax.

On l’a expulsé quelques semaines plus tard, dit-il, car il avait pris part, ivre, à une bataille. Il est donc retourné au campement devant l'hôtel de ville.

Un homme dans un campement de fortune d'Halifax, en hiver.

Après la tempête hivernale historique qui a frappé Halifax en février, Matt Ketchabaw s'est déniché un boulot temporaire de déneigeur.

Photo : (Taryn Grant/CBC)

C’est à la place Grand Parade, poursuit Matt Ketchabaw, que le bénévole Steve Wilsack et quelques employés de la ville l’ont aidé à organiser son voyage pour la capitale terre-neuvienne. Ils lui ont acheté les billets d’autobus et de traversier nécessaire pour le voyage.

Je vais faire de la pêche commerciale. J’espère que je gagnerai assez d’argent pour éventuellement faire venir ma fille ici, dit Matt Ketchabaw. J’ai une fille âgée de neuf ans. C’est la raison qui me pousse à faire tout cela.


Ric Young

Ric Young, 47 ans, a habité avec des colocataires dans une maison du West End. Au printemps, le propriétaire a vendu la demeure.

Ric Young se considère comme un alcoolique et affirme qu’il buvait déjà beaucoup, au moment où il a perdu son toit. Le désarroi l’habitait, et sa santé s’est vite détériorée.

Il a donc pris un congé maladie de son emploi de cuisinier. Au milieu de l’été, il a fait partie de ceux qui ont habité la place Grand Parade.

Un homme dans un campement de fortune d'Halifax, en hiver.

Ric Young.

Photo : (Taryn Grant/CBC)

Quand la ville y a émis ses avis d’expulsion de la place, Ric Young a été catégorique : il allait se battre pour pouvoir rester au campement.

Je ne quitterai pas les lieux et je vais dire à tout le monde de faire de même, a-t-il déclaré le jour où les avis ont été attachés sur les tentes rouges installées à Grand Parade.

Le lendemain, changement de plan : lui et une amie du campement avaient trouvé une sous-location qu’ils pourraient se payer à deux, a-t-il expliqué.

Un peu plus d’une semaine plus tard, Ric Young était de retour à la place Grand Parade, pour une visite.

Je ne vais pas bien, a-t-il partagé, ce jour-là. Je me sens dépourvu de toute raison d’être.

Deux semaines passent. Ric Young est cité dans le journal local The Signal. On y apprend alors qu'il est à nouveau sans abri.

CBC a tenté de le rejoindre pour cet article, mais la ligne du téléphone qu’il utilisait est coupée.


Oshane Anthony Johnson

Le sourire de Oshane Anthony Johnson est si charmant qu’il a un jour poussé un étranger à acheter de la pizza pour tous les sans-abri de la place Grand Parade.

C’est du moins l’anecdote que raconte Steve Wilsack, l'un des bénévoles du campement.

Deux hommes sourient. Ils sont au milieu d'un campement de fortune.

Steve Wilsack (à gauche) et Oshane Anthony Johnson (à droite).

Photo : Taryn Grant/CBC

Âgé de 29 ans, Oshane Anthony Johnson raconte qu’il a été mis à la porte de la maison de chambre où il habitait dans le nord de la ville à l’automne.

Il dit s’être alors débrouillé dans la rue pendant une courte période de temps. La première fois qu’il a dormi à la place Grand Parade, c’était la veille de Noël. Les tentes rouges étaient attrayantes, partage-t-il.

Il y est resté quelques jours, puis a déménagé dans une chambre d’hôtel.


Bruno Corbet

Bruno Corbet, 52 ans, est plâtrier de métier. Dans son passé, il a déjà dormi dans des véhicules, faute de logement.

À l’arrivée de l’hiver, Bruno Corbet s'est acheté une camionnette usagée, dans le but d’y passer ses nuits. Cependant, son véhicule est vite tombé en panne.

Un homme dans un campement de fortune d'Halifax, en hiver.

Bruno Corbet.

Photo : Taryn Grant/CBC

C’est ainsi qu'il s’est retrouvé à la place Grand Parade, tout en continuant de travailler sur différents chantiers de construction dans la ville.

J’ai énormément de travail, mais aucun endroit où loger, dit-il.

Au moment où la ville a ordonné à Bruno Corbet de quitter le campement, il attendait encore qu’un mécanicien répare sa camionnette.


Itinérance à Halifax

Depuis la fermeture des campements à Halifax, le conseil municipal estime que le nombre de personnes qui résident dans des tentes extérieures est passé de 100 à 44.

Un morceau de papier accroché à une tente rouge.

Un avis de la municipalité d'Halifax est accroché sur une tente du campement de sans-abri de la place Grand Parade, devant l’hôtel de ville d’Halifax, au début février (Radio-Canada)

Photo : Radio-Canada / Brett Ruskin

Elle anticipe toutefois que ce nombre va bondir, dans les mois à venir.

D’après le reportage de Taryn Grant de CBC

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