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Crevette de Matane : un « monument de l’histoire » tombe

Des crevettes nordiques.

La crevette nordique est devenue le symbole économique de Matane au fil des ans. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

La fermeture de l’usine qui transformait la célèbre crevette de Matane marque la fin d’une époque pour plusieurs. Selon le président de la Société d’histoire et de généalogie de Matane, un « monument de l’histoire » est tombé.

Lundi, l’usine Les Fruits de mer de l’Est, à Matane, a annoncé sa fermeture définitive. L'imposition de visas pour les travailleurs mexicains, la diminution des quotas de crevette nordique et la chute des prix du crabe figurent parmi les raisons évoquées par la direction de l'entreprise pour expliquer la fin de ses activités.

Qu'adviendra-t-il de l’emblématique crevette de Matane?

Le fleuve Saint-Laurent derrière un panneau de Tourisme Matane qui indique que cette ville est une destination gourmande qui a les crevettes pour spécialité.

La crevette est devenue l'emblème de Matane au fil des ans. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Catherine Charest

Les gens s'identifiaient à cette entreprise-là. Les gens s’identifiaient à la crevette, admet Louis Audet, président de la Société d’histoire et de généalogie de Matane.

Cet historien qui enseigne au Cégep de Matane est surpris. C’est vraiment triste. [...] Cela représentait le dynamisme économique de la région, dit-il.

Début de la pêche à la crevette

Louis Audet raconte que la pêche à la crevette est arrivée tardivement au Québec. Des recherches ont été effectuées pour identifier les espèces présentes dans le Saint-Laurent dans les années 1930. Le Québec était un peu en retard par rapport aux pays scandinaves, qui pêchaient déjà la crevette au début du 20e siècle, précise-t-il.

En 1964, des décennies plus tard, Québec a financé la station biologique de Grande-Rivière, en Gaspésie. Des chercheurs ont étudié la ressource à cet endroit pour ultimement l’exploiter et la commercialiser.

Le premier pêcheur commercial de crevette de la province a été le Rimouskois Clément Soucy, selon M. Audet. Il a obtenu l’aide de pêcheurs norvégiens, qui lui ont transmis leur expertise. Le premier débarquement de crevette est ainsi arrivé à l’usine des Pêcheurs-Unis en 1965, à Gaspé.

Des crevettes transformées à Matane

La transformation de la crevette à Matane s’est amorcée avec l’entreprise Canadian Gulf Shrimp Limited en septembre 1966. Des femmes décortiquaient alors la ressource à la main dans un atelier de la rue Gendron.

Un bâtiment en brique. Il s'agit de l'atelier de transformation de la crevette de la rue Gendron à Matane.

L'atelier de transformation de la rue Gendron, à Matane.

Photo : Gracieuseté Société d’histoire et de généalogie de Matane

L’année suivante, l’endroit a été vendu à Can-Nor Sea Foods Limited, propriété d'investisseurs norvégiens. La ressource était abondante et l’atelier a dû déménager pour transformer davantage de crustacés.

Des municipalités de la Côte-Nord ont alors tenté de mettre la main sur l’usine, faisant valoir que la ressource était pêchée à Sept-Îles. Et là, il y a eu une concurrence entre Sept-Îles et Matane et d’autres municipalités de la Côte-Nord, relate Louis Audet.

Une usine de transformation et de préparation de la crevette.

Des employés décortiquent des crevettes à la main à Matane avant la mécanisation du procédé, dans les années 1970.

Photo : Gracieuseté Société d’histoire et de généalogie de Matane

Entre-temps, plusieurs ont développé un intérêt pour cette industrie. La compagnie Young Sea Foods de Londres est devenue propriétaire de l’usine matanaise en 1969. C’est d'ailleurs ce nouveau propriétaire qui a tranché dans le débat qui opposait Matane et Sept-Îles.

La Young Sea Foods a décidé de rester à Matane.

Une citation de Louis Audet, historien et président de la Société d’histoire et de généalogie de Matane

L’avantage de Matane, c’était le fameux entrepôt frigorifique, que les gens du coin appelaient "le frigidaire", lance-t-il en riant.

En 1970, l’usine a déménagé de la rue Gendron vers l’entrepôt de la rue Saint-Pierre. Au moment du déménagement, on a commencé à parler des Fruits de mer de l’Est du Québec, mentionne Louis Audet.

Un entrepôt frigorifique à l'usine de transformation de crevette de Matane.

L'entrepôt frigorifique était situé sur la rue Saint-Pierre. Le bâtiment a été démoli en 1995.

Photo : Gracieuseté Société d’histoire et de généalogie de Matane

Huit ans plus tard, l’usine a finalement déménagé au port de Matane après des plaintes de citoyens concernant les odeurs émises par l’entreprise. Il y a eu différents propriétaires, jusqu’à tout récemment, avec la compagnie Royal Greenland, qui a malheureusement décidé de fermer les portes, se désole l'historien.

Des festivals et une mascotte

Les acteurs économiques et politiques du coin ont pris conscience de la valeur de nos ressources, poursuit l'enseignant au Cégep de Matane.

En 1964, le Festival gaspésien a été créé dans le but de stimuler cette économie et d'optimiser la commercialisation de la ressource.

Dix ans se sont écoulés avant que cette activité ne devienne le Festival de la crevette. Ces années de festivités ont d'ailleurs marqué l'arrivée de la fameuse mascotte Pincette en 1986, emblème du Festival. Cette mascotte est toujours très populaire, même si le Festival n’existe plus, souligne M. Audet. Cela s'appuie sur les recherches effectuées par son collègue Gaétan Myre, de la Société d'histoire et de généalogie de Matane.

Une mascotte de crevette.

La mascotte Pincette, au centre-ville de Matane.

Photo : Rémy Dussud

Ça a vraiment marqué l’imaginaire populaire!

Une citation de Louis Audet, historien et président de la Société d’histoire et de généalogie de Matane

L'enseignant au collégial rappelle qu'avant les années 1960, c'était plutôt l’industrie forestière qui dominait à Matane. Les entreprises forestières ont fermé, elles sont allées exploiter sur la Côte-Nord. Il fallait trouver quelque chose pour relancer l’économie, raconte-t-il.

L'extérieur d'une usine en hiver.

L'extérieur de l'usine Les Fruits de mer de l'Est du Québec, à Matane (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pierre Chapdelaine de Montvalon

L’industrie de la crevette tombait à point à ce moment-là pour relancer l’économie, ajoute l'historien.

En Matanie, la fermeture de l'usine de transformation est la perte d'un monument de l'histoire, fait valoir Louis Audet. J’ai bon espoir que nos intervenants économiques et politiques vont se relever les manches comme à l’époque et vont trouver des solutions, conclut-il.

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