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Love is Blind recrute au Canada : un ancien participant dénonce des méthodes « abusives »

Des femmes attendent d'entrer dans les salons où elles rencontreront des candidats masculins.

Monia, Molly, Micah, Kendra, Jackie dans la quatrième saison de Love is Blind.

Photo : Netflix/Monty Brinton

L’émission de téléréalité à succès Love is Blind (L’amour est aveugle), diffusée sur Netflix depuis 2020, invite maintenant les Canadiens à soumettre leur candidature pour participer à une prochaine saison de l’émission. Si l’engouement se fait déjà sentir sur les réseaux sociaux, un ancien participant met en garde contre les méthodes « abusives » de la production.

Jeremy Hartwell n’avait jamais pensé participer à une émission de téléréalité, encore moins pensé tenter de trouver l’amour devant des millions de téléspectateurs.

L’Américain a pourtant accepté de participer à la deuxième saison de Love is Blind après avoir été approché par une agente de casting sur une application de rencontre.

L’émission qui se présente comme une expérience sociale dans laquelle des célibataires sont poussés à former des couples et à se fiancer avant même de se rencontrer en personne lui semblait être l’occasion parfaite de sortir de sa zone de confort et de repousser ses limites.

Mes attentes envers cette expérience étaient ce que pensent la plupart des auditeurs de la téléréalité. Je savais qu’il y aurait du montage [...] mais je pensais que tant que je resterais moi-même, je serais présenté comme tel, raconte l’homme, qui est détenteur d’une maîtrise en gestion.

J’avais l’impression que je contrôlais ma destinée et mon expérience.

Une citation de Jeremy Hartwell, ancien candidat de Love is Blind
Un portrait de Jeremy Hartwell.

Jeremy Hartwell a fondé la Fondation UCAN, pour venir en aide aux anciens participants de téléréalité.

Photo : UCAN Foundation

Après avoir lu attentivement le contrat proposé aux candidats, Jeremy Hartwell a accepté de se joindre à l’aventure.

Il raconte toutefois que, dès le début du tournage, les choses ont tourné au vinaigre.

Dans une plainte contre Netflix, Delirium TV et la compagnie de production Kinetic Content, déposée devant les tribunaux de la Californie en 2022, Jeremy Hartwell accuse la production de l’émission d’avoir créé des conditions de travail non sécuritaires et inhumaines qui ont altéré l’état mental des participants.

En plus de son téléphone, les producteurs auraient aussi saisi ses cartes d’identité et ses cartes de crédit. Il allègue que les candidats avaient l’interdiction de se parler et devaient passer de longues heures en silence. Ils auraient également été enfermés seuls dans des chambres d’hôtel pendant 24 heures sans accès au personnel de l’établissement et sans pouvoir sortir sous peine d’être poursuivis pour d’importants dommages et intérêts, a-t-il raconté en entrevue à Radio-Canada.

Je me sentais en prison.

Une citation de Jeremy Hartwell, ancien participant à Love is Blind

Dans sa plainte, il soutient que la production de Love is Blind ne permettait aux candidats de se reposer que quelques heures par nuit et restreignait l'accès des candidats à la nourriture et à l’eau en allant jusqu’à empêcher les employés de l’hôtel de leur fournir à manger.

Même à l’hôtel, la nourriture était restreinte au point de souffrir gravement de la faim, peut-on lire dans la plainte. Il dit avoir perdu 7 à 8 livres en une semaine à cause du manque de nourriture, d’eau et de sommeil.

Parfois, les défendeurs ont laissé les candidats seuls pendant des heures sans accès à un téléphone, à de la nourriture ou à quelconque autre moyen de communiquer avec le monde extérieur, jusqu’à ce qu’ils retournent travailler pour la production, soutient-il dans le document.

Selon moi, tout cela a été fait de manière délibérée pour instaurer une structure dans laquelle nous étions complètement dépendants d’eux pour tout et dans laquelle nous nous sentions obligés de leur obéir, raconte l’homme.

Il a finalement quitté l’émission au bout d’une semaine.

Cœurs sensibles s’abstenir

Dans son salon aux murs roses et décorés de grands tableaux colorés, Kara Alloway, qui a participé à l’émission The Real Housewives of Toronto en 2017, confirme que les conditions de tournage des téléréalités sont souvent éreintantes.

Selon elle, les longues heures de tournage, la pression des caméras, le montage vidéo subjectif et la présence d’alcool sur certains plateaux sont souvent difficiles à gérer pour les candidats.

Si elle considère son expérience dans l’industrie comme positive, elle reconnaît qu’il est impossible de bien s’y préparer.

Ce n’est pas pour les cœurs sensibles.

Une citation de Kara Alloway, ancienne participante à l'émission The Real Housewives of Toronto et autrice
Kara Alloway dans son salon.

Kara Alloway a participé à l'émission de téléréalité torontoise « The Real Housewives of Toronto ». Elle est également l'autrice du roman « Most Hated ».

Photo : Radio-Canada / Andréane Williams

Elle recommande aux aspirants participants de s’informer sur l’expérience d’anciens candidats et de bien comprendre leur contrat avant de se lancer.

Ces contrats sont très épais. Ils disent par exemple que si vous êtes blessé, une ambulance sera appelée, mais la production aura le droit de vous filmer alors qu’on vous y fera monter, explique-t-elle.

Des Canadiens bientôt à Love is Blind?

L’agente de casting basée à Toronto Lindsay Christopher s’attend à ce que de nombreux Canadiens répondent à l'appel de Netflix, qui leur permet maintenant de soumettre leur candidature pour participer à l'émission.

Celle qui a travaillé pour des émissions telles que Family Feud Canada et Canada’s Got Talent dit se faire régulièrement contacter par des Canadiens désirant participer à des émissions américaines.

Une capture d'écran du portail où les Canadiens peuvent soumettre leur candidature sur le site de Netflix.

Les Canadiens peuvent maintenant soumettre leur candidature à l'émission « Love is Blind ».

Photo : Netflix.com

Le Canada adore voir des Canadiens participer à des téléréalités américaines. [Le pays] est donc un terreau fertile pour le recrutement de candidats.

Une citation de Lindsay Christopher, agente de casting

Elle tient toutefois à mettre en garde les aspirants candidats.

Peu importe l’émission, vous n’aurez jamais toute l’information à l’avance. Vous devriez donc lire ce qui est disponible, regarder l’émission et vous assurer que vous êtes à l’aise avec ce que les participants subissent. [...] Informez-vous sur les expériences d’anciens candidats, recommande-t-elle.

Peu de recours pour les candidats

Le professeur associé de communication et de médias numériques à l’Université Ontario Tech, à Oshawa, Tanner Mirrlees, n’est pas surpris par les allégations de Jeremy Hartwell.

Il explique que les candidats d’émissions de téléréalité ne sont pas soumis aux mêmes lois du travail que les acteurs.

Selon lui, le public en connaît toujours peu sur les dessous de l’industrie, puisque les participants signent des accords de confidentialité qui les empêchent de dénoncer les abus dont ils peuvent être victimes.

Vue aérienne de deux candidats qui se font face sans se voir dans des salons d'où ils apprennent à faire connaissance.

Jimmy (gauche) et Chelsea (droite) dans l'épisode 1 de la sixième saison de « Love is Blind ».

Photo : Netflix

Ce que l’on sait et qui vient de rares témoignages de lanceurs d’alerte est que beaucoup de participants subissent des préjudices psychologiques, dit Tanner Mirrlees.

Ceux qui osent dénoncer publiquement s’exposent à de coûteuses poursuites.

En l'absence d'organismes plus larges chargés de mettre en lumière les conditions oppressantes et de mobiliser les travailleurs pour qu'ils les dénoncent et réclament du changement, l'industrie va continuer à faire ce qu'elle fait, c'est-à-dire broyer les gens. Le gouvernement, lui, va continuer à se décharger de ses obligations, ajoute-t-il.

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D’autres poursuites contre Netflix

Jeremy Hartwell n’est pas le seul ancien participant de Love is Blind à avoir intenté une poursuite contre Netflix, Delirium TV et la compagnie de production Kinetic Content.

Au début de l’année, la candidate de la cinquième saison de Love is Blind, Renee Poche, a déposé une poursuite contre Delirium TV et Netflix pour pratiques illégales en matière d’emploi, pour concurrence déloyale et pour lui avoir causé intentionnellement de la détresse émotionnelle.

Selon sa plainte, la candidate aurait été poursuivie par Delirium TV pour 4 millions de dollars américains pour avoir critiqué l'émission et violé son accord de confidentialité.

Cette bataille contre Delirium et Netflix est plus qu’une simple bataille judiciaire ou qu'un affrontement; c’est une bataille contre des tentatives de museler des gens de manière illégale. Alors qu’ils tentent de mener cette action en justice loin des yeux du public, Renee est déterminée à ne pas être réduite au silence ni harcelée financièrement, a déclaré l’avocat de Renee Poche, Mark J. Geragos, par courriel.

Tran Dang, qui a elle aussi pris part à la cinquième saison de Love is Blind, poursuit quant à elle Delirium TV et Kinetic Content, ainsi que son ancien fiancé Thomas Smith durant l’émission, pour agression sexuelle, séquestration et négligence. L’histoire du couple n’a pas été diffusée.

Une capture d'écran de l'émission « Love is Blind » sur le site de Netflix.

La populaire émission de téléréalité américaine « Love is Blind » a semé la controverse à plusieurs reprises depuis sa mise en ondes en 2020.

Photo : Netflix.com

Les allégations de Jeremy Hartwell, Renee Poche et Tran Dang n’ont pas été prouvées devant les tribunaux puisque leurs causes sont toujours en cours.

Netflix et Kinetic Content n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue répétées de Radio-Canada. Nous n’avons pas été en mesure de joindre Delirium TV, qui partage la même adresse que Kinetic Content.

L’avocat de Thomas Smith, Kip Patterson, indique quant à lui qu’il ne peut pas commenter une affaire en cours, mais que son client nie les allégations.

Le combat d’une vie

Jeremy Hartwell dit avoir eu beaucoup de mal à se remettre de son passage à l’émission.

Je me sentais comme un zombie, dit-il.

Pour se reconstruire, il a créé, avec l’ancien participant à Love is Blind Nick Thompson, la Fondation UCAN. L'organisme à but non lucratif vient en aide aux participants de téléréalité et tente de sensibiliser le public aux abus dont ils peuvent être victimes.

Quelqu’un doit se lever, se mettre sur la ligne de feu et dire quelque chose et j’ai décidé que ce serait moi. Je me fiche des conséquences.

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