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Une lettre émouvante du conjoint de Maureen Breau rendue publique

La photo de la policière Maureen Breau exposée à l'intérieur de la basilique Notre-Dame-Du-Cap.

La lettre du conjoint de Maureen Breau rend hommage à la femme et à la policière qui est morte en service. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le conjoint de Maureen Breau, Daniel Sanscartier, n'a pas témoigné pendant l'enquête publique, mais Radio-Canada a obtenu la copie d'une lettre dans laquelle il fait l'éloge de la personne qu'il a perdue le 27 mars 2023 lors de l'intervention policière qui a eu lieu à Louiseville. Pendant l'enquête, une amie du couple est venu lire cette lettre devant la coroner.

Bonjour Madame Kamel,

Aujourd’hui, vous me donnez l’occasion de m’adresser à vous, de vous parler de ma conjointe Maureen Breau. Afin de préserver ma famille, j’ai pris la décision de vous écrire cette lettre plutôt que de m’exposer physiquement sur la place publique.

Pour plusieurs, tout sera terminé après cette enquête publique, mais pour moi la vie doit continuer et reprendre un sens avec mes deux enfants. Ce choix repose donc sur mon avenir et celui de ma famille.

L’écriture de cette lettre est très difficile pour moi, car la mort tragique de ma conjointe me hante encore, les blessures sont encore présentes dans mon quotidien ainsi que dans celui de mes enfants.

Dans cette missive, je ne vous parlerai pas uniquement de la policière, car je tiens également à honorer la conjointe extraordinaire et la mère dévouée qu’elle a été. J’ai rencontré ma conjointe il y a 20 ans, elle m’a immédiatement conquis par son charme, sa joie de vivre et sa gentillesse.

Maureen, c’est la conjointe qui pense à tout, qui souligne tout par de petites attentions et qui se soucie des autres.

Nous avons rapidement développé une relation amoureuse et une belle complicité. Les projets défilaient devant nous, l’achat d’un immeuble à logements, l’achat d’une maison, les voyages, les activités et par la suite l’arrivée de nos deux merveilleux enfants.

Maureen était une femme organisée au quotidien, elle pensait à tout. C’était une cuisinière hors pair, en un coup d’œil dans le frigo, elle savait quoi cuisiner. Ma conjointe avait aussi l’assurance de tester de nouvelles recettes avec des amis ou la famille qui venaient souper, elle aimait festoyer, rire et échanger.

Parlant d’amis, Maureen avait cette capacité à se faire des ami(e)s rapidement. Son charisme et son entregent lui permettaient de créer des liens facilement avec tout le monde. Elle était attachante, avait un rire sincère et communicatif, elle était très dynamique.

Elle amenait beaucoup d’entrain lors de nos veillées en famille ou entre amis. Quand vous étiez dans son cercle d’amis, vous appreniez à connaître une femme généreuse, attentionnée et à l’écoute.

Au cours de ses études collégiales, elle a créé des amitiés sincères avec un groupe de filles. Maureen était en soi l’organisatrice de week-ends au chalet, une leader du groupe et une amie hors du commun. Ses amies lui sont demeurées fidèles jusqu’à son décès.

Encore aujourd’hui, malgré son absence, ses amies veillent sur sa famille. En fait, tous nos amis, avec qui nous avons créé des liens durant nos 20 ans de vie commune, sont toujours présents pour moi et nos enfants, et sont d’un soutien incroyable.

Mes enfants sont aujourd’hui ma raison de vivre et de continuer d’avancer. Maureen a été une mère extraordinaire pour eux. Elle a su leur donner de belles valeurs qui seront ancrées en eux pour le reste de leur vie.

Elle a créé des souvenirs par ses gâteries, ses petits plats, ses petits rituels à Noël ou à Pâques, elle leur a fait découvrir des sports qu’elle chérissait comme le ski. Je ne pourrais défiler tout ce qu’elle a apporté dans leur vie dans une simple lettre, mais je sais qu’elle leur a transmis sa force intérieure pour foncer et mordre dans la vie comme elle le faisait elle-même.

Maureen était une policière engagée. Elle prenait à cœur son travail, elle était loyale et avait le désir de bien faire les choses pour le bien des citoyens de Louiseville. Elle accordait une grande importance à bien compléter chaque appel lors de ses patrouilles.

Elle avait le cœur à la bonne place. Elle accordait beaucoup d’écoute et d’importance aux victimes. Elle a même reçu des lettres de remerciement ou des fleurs au bureau en guise de reconnaissance pour son travail exemplaire.

Au salon funéraire, une victime tout en pleurs est même venue me serrer la main pour me raconter que Maureen avait été là pour elle et qu’elle avait été un élément clé pour l’aider à se sortir du cercle de la violence conjugale.

Vous savez, lorsqu’une victime prend la peine de se déplacer au salon funéraire, ça vous donne une idée de l’impact qu’elle a eu dans sa vie.

Maureen était une policière investie au sein de la MRC de Maskinongé. Elle s’impliquait activement dans l’organisation du Festival de la Galette de Louiseville, et je sais qu’elle entretenait de bonnes relations avec les élus, les divers intervenants, les services ambulanciers, les pompiers et le service hospitalier.

Une infirmière m’a même raconté que Maureen lui avait déjà apporté du café sur une relève de nuit.

Également, elle apportait souvent de petites gâteries au travail, qu’elle avait elle-même cuisinées pour ses coéquipiers. Maureen c’était aussi ça, vouloir prendre soin des gens en tout temps.

Au moment de son décès, Maureen était sergente et superviseure de relève. Elle aspirait bientôt à de nouvelles fonctions de sergente enquêteuse au Service des crimes majeurs de Trois-Rivières.

Quelques quarts de travail la séparaient de ce projet, tenant sur une main. Elle était à l’aube d’intégrer ses nouvelles fonctions. En écoutant tous ces témoignages, mon cœur a fait mille tours. Mes émotions ont virevolté, passant par la tristesse, l’incompréhension et la colère. À mes yeux, il est évident que l’événement du 27 mars 2023 était prévisible et aurait pu être évité.

Par cette lettre, je ne veux viser personne, ni même l’ensemble des intervenants du milieu de la santé ou l’ensemble de la communauté policière pour qui j’ai un grand respect et qui effectuent un travail hors pair.

Cependant, même si j’aurais souhaité ne pas vivre cette émotion, j’ose dire que je demeure avec un goût amer en lien avec tous ceux qui sont intervenus avant la journée fatidique; ils auraient pu faire mieux et changer le cours de l’histoire. Au final, c’est ma conjointe qui a payé de sa vie, et c’est ma famille qui en subira les conséquences pour le reste de nos jours.

J’ai un esprit plus critique sur le travail policier, car j’ai moi-même 24 ans d’expérience dans ce milieu. Les appels en santé mentale n’était pas aussi nombreux du temps où j’étais patrouilleur. Il est essentiel que le travail policier évolue et s’ajuste à cette réalité.

Ce type d’appel ne diminuera pas dans un proche avenir; à l’inverse, il risque d’augmenter. Nous devons tous regarder notre carré de sable et voir où nous pouvons nous améliorer, sinon assurément nous revivrons d’autres drames.

Conséquemment, j’espère que mon organisation policière apportera les changements nécessaires afin de mieux encadrer et former les policiers pour intervenir lors d’appels impliquant des personnes avec des problèmes de santé mentale.

Quand je parle de formation, il est ici question de formation adéquate et continue. La qualité et la sécurité lors d’une intervention passent tout d’abord par une bonne planification et par une bonne évaluation du risque.

De ce fait, l’échange d’information avec le système de santé ne devrait plus être une barrière, et ce, afin de protéger les policiers et par le fait même les citoyens.

Je remercie sincèrement les enquêteurs de la CNESST qui ont fait une enquête exhaustive, engagée et exemplaire en soulevant et analysant chaque détail en lien avec l’intervention policière réalisée le 27 mars 2023. Ceux-ci ont fait un diagnostic éclairé et soulevé plusieurs manquements dans la structure de mon organisation.

Ces dérogations, si elles sont prises en considération, amélioreront le travail policier et permettront peut-être par le fait même de sauver des vies. Je ne répéterai pas tous les manquements évidents entendus lors de cette audience publique.

Mais à mes yeux, il est clair que plusieurs changements doivent être apportés au niveau du suivi et de l’encadrement médical des patients aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Assurément, il devrait y avoir une meilleure communication, une cohérence et un partage d’information entre les différentes structures du système de santé et du système de sécurité publique.

De toute évidence, la grande conclusion de cette enquête tient sur deux lignes. Comme vous l’avez dit vous-même : Tout le monde devait se parler, mais ne se parlait pas vraiment... et tout le monde devait agir, mais en réalité personne n’agissait vraiment.

Les mesures devraient être resserrées ou revues, afin de s’assurer qu’il existe un véritable filet de sécurité et de s’assurer de faire des suivis rapprochés auprès de ces personnes souffrant de maladies mentales. Nous avons une responsabilité sociale, soit celle d’éviter qu’un autre patient tombe dans la craque de ce système présentement défaillant.

Par cette lettre, je m’adresse à vous, Mme Kamel. Je vous réitère toute ma confiance. Je sais qu’aucune recommandation à venir ne me ramènera ma conjointe, qu'aucune recommandation ne sera satisfaisante à mes yeux pour chasser la tristesse qui m’habite tous les jours.

Cependant, tout comme Maureen l’aurait fait, je me soucie de l’avenir des jeunes policiers, de la sécurité des citoyens du Québec et des différents intervenants du système de santé. Je pense également aux parents d’enfants souffrant de maladies mentales et qui se sentent sûrement souvent abandonnés par le système.

J’ose espérer que les délais pour apporter des changements au cœur des diverses organisations ne seront pas interminables.

Vos conclusions auront une importance considérable pour les années futures et je garde espoir qu’elles seront basées sur le meilleur de tous.

Ce drame n’aurait jamais dû avoir lieu. Je termine avec ce proverbe : Il demeure quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.

En souhaitant que Maureen ne soit jamais oubliée.

Respectueusement,

Daniel Sanscartier, conjoint de Maureen Breau, ainsi que ses enfants

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