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Repenser la valeur de l’or bleu

Québec espère que la Loi instituant le Fonds bleu, entrée en vigueur en début d'année, changera les comportements de manière à mieux protéger la ressource essentielle qu’est l’eau. Mais ce n'est pas gagné d'avance, a constaté L'épicerie.

De l'eau qui coule d'un robinet et qui déborde d'un verre.

Les Canadiens et les Canadiennes figurent parmi les plus grands consommateurs d’eau du monde.

Photo : Getty Images / Weedezign

Depuis le 1er janvier, les entreprises québécoises qui prélèvent quotidiennement plus de 75 000 litres d’eau (l’équivalent d’une piscine creusée de 10 mètres par 5) doivent verser des redevances plus importantes qu’auparavant au gouvernement provincial.

Ces nouvelles redevances s’appliquent autant aux grandes industries, comme celles des pâtes et papiers ou les minières, qu’à l’industrie alimentaire.

La production agricole, elle, n’est pas touchée. L’eau utilisée pour la production de viande ou de fruits et légumes frais n’est pas assujettie à cette augmentation des redevances, même si le secteur agricole est l’un de ceux qui emploient le plus d'eau douce.

Ce sont les embouteilleurs qui voient leurs redevances augmenter le plus, passant de 70 $ à 500 $ par million de litres d’eau prélevés. Pour 1000 litres, cela revient à 0,50 $ de redevances. À titre comparatif, au Danemark, la facture est de 12,50 $ pour la même quantité d’eau.

Le but, ce n’est pas de faire de l’argent avec les redevances, c’est de changer un comportement.

Une citation de Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

L’Association canadienne des boissons, qui représente les grands embouteilleurs du pays – comme Coca Cola, Pepsi, Nestlé et Lassonde –, s’était positionnée contre cette augmentation.

Nous étions contre, mais pour une raison principale. C'est que nous souhaitions que l'ensemble des utilisateurs d'eau au Québec paient le même prix. Qu'on soit dans le domaine agricole pour faire pousser des légumes ou qu'on fabrique une boisson, pour nous, ça reste la même utilisation de l'eau, explique Martin-Pierre Pelletier, porte-parole de l’Association canadienne des boissons.

Des boissons dans un réfrigérateur de magasin.

Ce sont les embouteilleurs (d'eau, de jus, de boissons gazeuses, de kombucha, de bières, etc.) qui voient leurs redevances augmenter le plus, passant de 70 $ à 500 $ par million de litres d’eau prélevés.

Photo : Getty Images / fotofrog

De leur côté, des organismes comme Eau secours soulignent le progrès que représente la nouvelle loi, mais jugent que c’est encore trop peu pour véritablement repenser la marchandisation et l’utilisation de l’eau potable.

Ils souhaitent que le gouvernement fixe des objectifs concrets de réduction des prélèvements et qu'il surveille davantage l’approvisionnement dans certaines régions qui font face à des périodes où la demande dépasse la quantité d'eau disponible – des situations dites « de stress hydrique ».

Le mythe de l'abondance de l'eau nuit énormément à sa gestion responsable. À chaque épisode de canicule, l'été, on remarque de plus en plus de cas de pénurie d'eau. Ce n'est pas vrai qu'on a une sécurité en eau.

Une citation de Rébecca Pétrin, directrice générale d'Eau secours

Les industries de transformation du bois et du papier ainsi que l’industrie minière sont celles qui utilisent le plus d’eau, signale l’organisme Eau secours. Les industries de l’agroalimentaire et de l’embouteillage emploient également énormément d’eau douce, pour la production agricole, bien sûr, mais aussi pour la transformation des produits alimentaires, la production des emballages, le nettoyage et le processus de consigne, entre autres.

Les Canadiens, grands consommateurs d’eau

Le Canada figure parmi les pays qui consomment le plus d’eau.

Chaque Canadien en consomme en moyenne 223 litres par jour à la maison : cuisine, vaisselle, douche, toilette… À titre comparatif, un résident de la France consomme 150 litres d’eau par jour.

À cela s’ajoute l’eau consommée à l’extérieur de la maison.

Au Québec seulement, il se vend près de 2 milliards de bouteilles d’eau chaque année. Un chiffre qui fait sursauter de nombreux observateurs, compte tenu de la qualité de l’eau disponible gratuitement dans nos robinets.

Trois bouteilles d'eau sur un comptoir.

Au Québec seulement, il se vend près de 2 milliards de bouteilles d’eau chaque année.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Si on prend PepsiCo (Aquafina) ou Coca-Cola (Dasani), qui sont branchées à même le réseau municipal de Montréal, un Montréalais qui achète une bouteille en épicerie la paie trois fois. D’abord en payant la bouteille d’eau, puis en payant la taxe d’eau municipale, et ensuite en payant la taxe municipale pour la gestion des déchets.

Une citation de Rébecca Pétrin, directrice générale d'Eau secours

L’Association canadienne des boissons, qui représente les grands embouteilleurs du pays, défend la nécessité d’offrir aux consommateurs de l’eau en bouteille.

Les Québécois ont besoin de s'hydrater, ont besoin de boire une quantité de liquide chaque jour. Et nous, notre mission en tant qu'industrie, c'est de leur offrir des boissons qui vont combler leurs besoins en hydratation, fait valoir Martin-Pierre Pelletier, porte-parole de l’Association canadienne des boissons.

Le reportage de Johane Despins, Marie-Claude Montambault et Isabelle Vallée.

Quand on lui demande si les nouvelles redevances vont amener les embouteilleurs à augmenter le prix de leurs produits, l’Association canadienne des boissons ne l’écarte pas.

Ce n'est pas une redevance qui est suffisante pour réduire la consommation d'eau par les industries, et c'est encore moins justifiable de hausser le coût des produits en épicerie, estime toutefois Rébecca Pétrin.

La fin des bouteilles de plastique à usage unique?

 Le ministre québécois de l'Environnement, Benoit Charette.

Le ministre québécois de l'Environnement, Benoit Charette

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Le ministre Benoit Charette veut maintenant interdire la vente de bouteilles de plastique à usage unique remplies d’eau provenant des réseaux d'aqueduc.

Il pense pouvoir déposer un règlement en ce sens d’ici l'année prochaine.

Comme ministre de l'Environnement, je ne m'en cache pas : il se vend beaucoup trop de bouteilles d'eau en plastique au Québec. Donc, si ça peut amener un changement de comportement sur ce plan-là, on sera gagnant, dit-il.

L’Association canadienne des boissons compte s’opposer à cette mesure.

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