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Nickel au port de Québec : le ministère de l’Environnement blâme Glencore

Un navire rouge amarré à un port industriel sur des eaux glacées

Le MV Arvik 1, de la compagnie Fednav, assure le transport du nickel entre Deception Bay, au Nunavik, et les installations portuaires de Québec.

Photo : Radio-Canada

Une enquête du ministère de l'Environnement conclut à « une relation » entre les activités de la minière Glencore, au port de Québec, et l'augmentation des concentrations de nickel dans l'air de Limoilou, a appris Radio-Canada. La multinationale est aussi blâmée pour avoir maintenu ses activités de transbordement malgré des bris d'équipement, l'an dernier.

Ces constats découlent d'une vaste enquête menée sur 18 mois par le ministère de l'Environnement, dans le cadre de son plan de contrôle renforcé, mis en place en 2022. Ce plan, annoncé par le ministre Benoit Charette, accompagnait l'allègement de la norme sur le nickel et visait à améliorer la qualité de l'air dans la Basse-Ville de Québec.

Au total, une cinquantaine d'inspections ont été menées sur tout le territoire du port de Québec, dans l'ensemble des entreprises, dont Glencore.

L'analyse, appuyée de campagnes d'échantillonnages et de tests en laboratoire, a notamment visé les fluctuations des concentrations de nickel notées à la station Québec–Vieux-Limoilou, située à proximité des installations portuaires de Glencore, à l'embouchure de la rivière Saint-Charles.

Les travaux ont permis de constater un lien avec les activités du géant minier. Avec la microscopie électronique, on a été à même d’identifier la signature qui est propre au nickel de Glencore, explique Marie-Josée Poulin, à la tête de la Direction générale du contrôle environnemental pour la Capitale-Nationale.

La station de mesure de la qualité de l'air dans le Vieux-Limoilou.

La station de mesure de la qualité de l'air dans le Vieux-Limoilou a enregistré quatre dépassements depuis décembre 2022, dont le plus récent date du 16 novembre 2023.

Photo : Radio-Canada

Matte et pentlandite

Le lien avec Glencore, dit-elle, a été fait en comparant les composés de nickel retrouvés dans les infrastructures de l'entreprise au port de Québec et ceux captés dans les filtres de la station d'échantillonnage Québec–Vieux-Limoilou, aux dates où les concentrations étaient les plus élevées.

Trois dépassements de la norme de nickel ont particulièrement attiré l'attention du ministère, entre le 17 décembre 2022 et le 6 janvier 2023, qui oscillaient entre 120 et 151 nanogrammes par mètre cube d'air.

La norme de nickel dans l'air ambiant est fixée à un maximum de 70 nanogrammes par mètre cube d'air, par tranche de 24 heures, et à une moyenne annuelle de 20 nanogrammes par mètre cube d'air.

Pour deux des dépassements, l'analyse a démontré la présence de pentlandite. Cette forme de nickel provient de Mine Raglan, au Nunavik, et est transbordée à partir du Arvik 1, un cargo brise-glace mis en service par Glencore il y a trois ans.

Le brise-glace Arvik 1 de l'entreprise Fednav.

Le brise-glace Arvik 1 achemine le nickel de Mine Raglan vers Québec. (Photo d'archives)

Photo : Fednav

Quant à l'autre dépassement, c'est plutôt de la matte de nickel qui a été trouvée dans la station d'échantillonnage. Ce composé est obtenu après la transformation de la pentlandite dans une fonderie de Sudbury, appartenant aussi à Glencore.

Le jour du dépassement de la norme mettant la matte en cause, un vraquier était à quai pour charger la substance avant de l'acheminer vers des installations de la minière, en Norvège.

Cycle des navires

Plus largement encore, Québec a analysé d'autres augmentations de la concentration de nickel au cours de ses 18 mois de surveillance, même celles ne dépassant pas la norme québécoise.

Dans la majorité des cas, la présence des bateaux utilisés par Glencore concordait avec ces hausses, permettant à nouveau d'établir un lien avec la minière.

Il existe une relation entre le cycle des navires accostés aux installations de Glencore et l'augmentation des concentrations de nickel mesurées dans l'air ambiant.

Une citation de Marie-Josée Poulin, directrice au contrôle environnemental du Ministère pour la Capitale-Nationale
Les installations de Glencore au port de Québec en hiver.

Glencore est la seule entreprise du port de Québec à manutentionner du nickel. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Cathy Senay

La quasi-totalité des activités de transbordement de Glencore se déroulent sous couvert, à l'exception de l'ouverture des cales des navires.

La pentlandite, beaucoup plus fine que la matte, est transbordée du Arvik 1 sous l'effet d'un système de brumisation visant à rabattre les poussières. Si le procédé aide certainement, la mesure d’atténuation n’est pas suffisante, conclut aujourd'hui le ministère de l'Environnement.

Parmi les facteurs mettant Glencore en cause, Marie-Josée Poulin indique enfin que l'entreprise est la seule à manipuler des produits avec de fortes teneurs en nickel au Port de Québec.

Avis de non-conformité

Deux des trois dépassements de la norme mesurés au cours de l'enquête ministérielle ont eu lieu alors que Glencore menait ses activités malgré des équipements inadéquats, conclut également l'enquête du ministère de l'Environnement.

Plus précisément, on reproche à Glencore de ne pas avoir maintenu en bon état de fonctionnement et de ne pas avoir utilisé de manière optimale un équipement permettant de réduire le rejet de contaminants dans l’environnement, entre le 29 décembre 2022 et le 6 janvier 2023, indique le Ministère dans un rapport qui sera rendu public mardi.

Des installations industrielles en zone portuaire

Les installations de Glencore, au port de Québec. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Hugo Pothier

Les bris en question concernent le bras de chargement du nickel et le système d'alerte de Glencore utilisés pour le transbordement. Un avis de non-conformité a été émis le 29 février dernier. L'entreprise a jusqu'au 1er avril pour présenter un plan de mesures correctives.

Si la situation perdure, d'autres mesures pourraient être prises par Québec, allant jusqu'à une mise à l'amende. Pour l'heure, l'entreprise a coopéré avec le ministère lors des inspections et de l'enquête gouvernementale, soutient Marie-Josée Poulin.

Elle indique toutefois que Québec continuera d'appliquer son plan de contrôle. Ce n'est pas la fin, ce n'est qu'un début. Un autre dépassement de la norme de nickel, le 16 novembre dernier, est d'ailleurs analysé à l'heure actuelle. Le Arvik 1 était à quai au moment de la mesure de 171 nanogrammes par mètre cube d'air.

Mme Poulin insiste pour dire que chaque situation sera traitée individuellement, sans égard à la norme. Ce n'est pas parce qu'il y a un dépassement de la norme qu’il y a nécessairement un manquement [et une non-conformité]. À l'inverse, les pointes peuvent être associées à des manquements même si sous la norme.

Outre Glencore, 11 autres avis de non-conformité de moindre importance ont été envoyés à différentes entreprises, la plupart présentes au port, depuis janvier 2022.

Tableau résumant les avis de non-conformité émis par le Ministère, de 2022 à 2024.

Tableau résumant les avis de non-conformité émis par le Ministère, de 2022 à 2024.

Photo : Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Le ministre satisfait

En entrevue à Radio-Canada, le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, s'est dit satisfait de ce premier bilan du plan de contrôle renforcé et des résultats de l'enquête, qui viennent clarifier la part de Glencore dans les concentrations de nickel captées dans le Vieux-Limoilou.

On suspectait les activités [de Glencore] comme étant responsables des dépassements de la norme de nickel dans l’environnement. On a établi ce lien-là entre les activités de la compagnie et tout particulièrement entre les passages du bateau qui fait la livraison du nickel et les dates de dépassement, résume-t-il.

Le ministre Benoit Charette fixe l'objectif.

Le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, est satisfait des mesures prises pour assurer un contrôle de la qualité de l'air dans Limoilou. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Il n'entend toutefois pas modifier la norme de nickel pour revenir à des seuils plus stricts. La norme, on est très confortable. On a une norme annuelle entièrement respectée. La norme quotidienne, ce ne sont que quelques dépassements qui sont survenus.

C’est une bonne chose que de savoir quelle est la cause pour pouvoir la corriger.

Une citation de Benoit Charette, ministre de l'Environnement du Québec

Le plan de contrôle annoncé aux côtés de la Ville fonctionne, soutient-il, saluant la collaboration du port de Québec et de la Ville dans ce dossier. Au final, c’est l'environnement qui s’en trouve amélioré.

M. Charette s’attend maintenant à ce que Glencore apporte les correctifs nécessaires. Le ministre espère aussi que l'entreprise continuera d'optimiser ses installations au port de Québec, d’autant qu'elle entend y rester à long terme. À partir du moment où on confirme le souhait de rester pour 25 ans, je vais m’attendre à des investissements supplémentaires.

Glencore vient en effet tout juste d'ouvrir une nouvelle mine au Nunavik, au sein du complexe de Mine Raglan.

Le plan de contrôle renforcé vise :

  • L’acquisition de données sur le trafic maritime afin de cibler l’accostage de navires d’intérêt.
  • La caractérisation des substances transbordées étayée par le prélèvement d’échantillons dans le but d’établir les sources de contaminants
  • L’utilisation de méthodes analytiques spécialisées permettant d’associer des composés retrouvés dans l’air aux environs de la station Québec–Vieux-Limoilou à un ou des émetteurs précis.

Source : Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

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