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Comment le corps réagit à un jeûne de 7 jours?

Des techniques récentes permettent d'étudier dans le détail les changements moléculaires qui surviennent à la suite d’une privation de nourriture sur une longue période.

Un homme tend un verre d'eau.

Douze participants ont réalisé un jeûne hydrique de sept jours.

Photo : iStock

Si le jeûne intermittent gagne en popularité depuis quelques années pour des raisons esthétiques, surtout pour perdre du poids, les humains jeûnent depuis l’Antiquité pour des raisons socioculturelles, religieuses et médicales.

Mais la médecine connaît peu de choses sur ce qui se passe dans le corps au fil d’une privation de nourriture, au-delà du fait que l’énergie nécessaire au fonctionnement du corps est produite de moins en moins par les calories consommées et de plus en plus par les graisses entreposées.

Gros plan d'une assiette vide sur une table.

Dans l'étude, les participants n'ont bu que de l'eau pendant 7 jours.

Photo : iStock / imagedepotpro

Sept jours sans manger

La professeure Claudia Langenberg, de l’Université Queen Mary de Londres, et des collègues britanniques et européens ont voulu comprendre ce qui se passe dans le corps pendant une privation de nourriture.

Pour y arriver, ils ont suivi 12 participants en santé qui ont réalisé un jeûne hydrique de sept jours. Un jeûne hydrique, c’est carrément arrêter de manger et ne consommer que de l’eau, explique le professeur Benoît Arsenault de l’Université Laval, spécialiste des maladies cardiométaboliques, qui n’a pas participé aux travaux.

Dans leurs travaux, les auteurs ont enregistré les changements dans les niveaux d’environ 3000 protéines présentes dans leur sang avant, pendant et après le jeûne.

Pour la première fois, nous avons été en mesure de voir ce qui se passe au niveau moléculaire dans l'organisme lorsque nous jeûnons, affirme Claudia Langenberg, l’auteure principale de l’étude publiée dans Nature Metabolism (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

En identifiant les protéines impliquées dans la réponse de l'organisme, les chercheurs ont pu prédire les effets potentiels d'un jeûne prolongé sur la santé en intégrant des informations génétiques provenant d'autres études. Ils ont ainsi estimé que 212 composés du plasma sanguin étaient modifiés pendant le jeûne.

Par exemple, les chercheurs ont observé qu’un jeûne de plus de trois jours mène à la diminution d’une certaine protéine dans le sang; cela pourrait réduire les risques de polyarthrite rhumatoïde.

Cette constatation fournit un début d’explication du soulagement observé de la douleur chez les personnes atteintes de polyarthrite lors d’un jeûne.

Les chercheurs ont aussi détecté des effets négatifs associés au jeûne. Par exemple, ils ont observé une augmentation d’un facteur de coagulation qui augmenterait le risque de thrombose.

D’autres observations :

  • Le corps a changé de source d'énergie – du glucose aux graisses entreposées dans l'organisme – au cours des deux à trois premiers jours de jeûne.
  • Les participants ont perdu en moyenne 5,7 kg (12,6 livres) de leur poids initial.
  • Dans l'ensemble, une protéine mesurée sur trois a changé de manière significative pendant le jeûne dans tous les organes principaux.
  • Ces changements étaient constants chez tous les participants.
  • Le poids des participants, trois jours après avoir recommencé à s’alimenter, est resté stable. Cependant, la perte de masse maigre (musculaire) a presque complètement été inversée, mais la masse grasse est restée stable.

Une surprise

Pour la première fois, les chercheurs ont observé que le corps subit des changements distincts dans les niveaux de protéines après trois jours de jeûne, ce qui indique une réponse de l'ensemble du corps à une restriction calorique complète. En d’autres mots, les avantages pour la santé ne semblent se produire qu'après trois jours de privation de nourriture.

C’est plus tard qu'on ne le pensait auparavant.

Une citation de Claudia Langenberg, l’auteure principale de l’étude

Robuste, malgré le peu de participants

Le professeur Arsenault de l’Université Laval juge l’étude robuste et intéressante, même si elle n’a été réalisée qu’auprès de seulement 12 personnes.

Je suis habituellement le premier à penser que ça prend de grosses études à long terme menées avec des dizaines de milliers de personnes pour arriver à des résultats convaincants, remarque le professeur qui juge que dans le cas de cette étude métabolique, douze personnes, c'est amplement suffisant.

Avec des protocoles extrêmes comme celui de cette étude, on n'a pas besoin d'avoir beaucoup de participants pour observer des différences significatives, ajoute Benoît Arsenault. J'aurais aimé voir un groupe contrôle, mais je pense que le protocole est tellement intense qu’il est clair que les changements observés sont dus à la restriction calorique de sept jours.

Il n’empêche que les résultats obtenus ne surprennent pas le professeur Arsenault.

Ils ont des technologies qui permettent de mesurer des milliers de protéines en même temps, et c’est intéressant. Mais leurs résultats montrent des changements dans les niveaux d'insuline, des triglycérides, ce qui est connu depuis des décennies.

Une citation de Benoît Arsenault, Université Laval

Je trouve l'étude très intéressante, mais il y a un danger à surinterpréter les observations. C'est comme si on avait tenu pour acquis que le jeûne avait des bénéfices sur la santé. Pour moi, c'est loin d'être aussi clair, précise le professeur.

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Bémols sur le jeûne intermittent

Le professeur Arsenault rappelle qu’il y a plusieurs contre-indications aux jeûnes, particulièrement aux jeûnes intermittents, qui sont souvent pratiqués pour des raisons cosmétiques.

On va se le dire, les gens jeûnent surtout pour être minces, parce qu'on vit dans une société qui valorise la minceur, dans laquelle la culture des diètes gangrène beaucoup l'esprit des gens.

Une citation de Benoît Arsenault, Université Laval
Une horloge dans une assiette.

Il y a plusieurs contre-indications aux jeûnes.

Photo : iStock / nehopelon

Les personnes qui sont atteintes de maladies chroniques doivent faire très attention. Ceux qui ont des troubles de conduite alimentaire qui veulent jeûner sont aussi à risque, relève Benoît Arsenault.

Le professeur note également que si l’étude est intéressante sur le plan métabolique et physiologique, elle ne renseigne pas sur les possibles bénéfices du jeûne intermittent en particulier.

À court terme, les gens perdent de la graisse, on ne remet pas ça en question!, affirme-t-il. Il y a aussi des bénéfices sur l’hypertension artérielle, sur la sensibilité à l'insuline chez les personnes prédiabétiques ou chez ceux qui font un peu de cholestérol, qui voient leurs lipides sanguins diminuer légèrement.

Bien manger avant tout

Selon le professeur, les études montrent que le jeûne n’est pas meilleur que la restriction calorique en continu (comme les régimes) pour perdre du poids.

Qu'on mange nos calories à l'intérieur d'une fenêtre dans une journée ou qu'on mange un petit peu moins à chaque repas, il n’y a vraiment aucune valeur ajoutée du jeûne intermittent. C'est une façon comme une autre de se restreindre. C’est mathématique!

Une citation de Benoît Arsenault, Université Laval

Il y a des gens qui disent que le jeûne présente de petits effets bénéfiques supplémentaires parce qu’on l’aligne avec nos rythmes circadiens, mais aucune étude crédible ne l’a montré, indique le professeur.

Des études montrent aussi qu’il faut adopter des profils d'alimentation méditerranéenne. Pour être en santé, il faut suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien. Et ce n’est pas compliqué, manger plus de fruits et légumes, plus de fibres, plus de produits à grains entiers, plus de protéines végétales.

Une citation de Benoit Arsenault, Université Laval

On n'a pas besoin de jeûner pour être en meilleure santé. Il faut d'abord miser sur la qualité plutôt que la quantité, conclut le professeur.

Vers de nouveaux traitements

Les auteurs estiment que leur étude fournit une feuille de route pour de futures recherches qui pourraient conduire à des interventions thérapeutiques, y compris pour les personnes qui pourraient bénéficier du jeûne, mais qui ne peuvent pas suivre un jeûne prolongé ou des régimes imitant le jeûne, tels que les régimes cétogènes.

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