Assassinat d’un militant sikh : la Nouvelle-Zélande conteste les allégations du Canada
C'est la première fois qu’un membre des pays des Five Eyes émet des doutes au sujet des allégations formulées par le Canada.
Hardeep Singh Nijjar a été tué par balles dans le stationnement du temple sikh qu'il dirigeait à Surrey, dans le Grand Vancouver. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Ethan Cairns
Le ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre de la Nouvelle-Zélande remet en question les allégations du Canada selon lesquelles l’Inde aurait commandité l’assassinat d’un militant sikh à Vancouver en juin dernier.
Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré, en septembre dernier, qu’il disposait de renseignements crédibles
sur un lien entre l'Inde et la mort du militant sikh Hardeep Singh Nijjar. Les agences de sécurité canadiennes enquêtent toujours sur ce meurtre.
Or, le vice-premier ministre néo-zélandais Winston Peters, en visite en Inde du 10 au 13 mars, a semblé douter des preuves avancées par le Canada dans ce dossier.
En tant qu'avocat de formation, je regarde ça et je me dis : "Où est le dossier? Où sont les preuves? Quelle est la conclusion, ici et maintenant?" Eh bien, il n'y en a pas
, a-t-il déclaré mardi dans une entrevue accordée au journal The Indian Express.
Le ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre de la Nouvelle-Zélande, Winston Peters (Photo d'archives)
Photo : Getty Images / Hagen Hopkins
Dans une déclaration envoyée à Radio-Canada, un porte-parole du ministre Winston Peters a tempéré les propos de celui-ci. La position de la Nouvelle-Zélande au sujet de ces allégations reste inchangée : si elles s'avèrent exactes, cela constituerait une grave préoccupation. Le ministre rappelle qu'il s'agit d'une enquête criminelle en cours et qu’elle doit suivre son cours avant qu'on puisse tirer des conclusions claires.
La Nouvelle-Zélande, aux côtés du Canada, de l'Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni, est membre de l’alliance Five Eyes, aussi appelée Groupe des cinq. Ce réseau favorise les échanges entre les services de renseignement de ces cinq pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pour alléguer un lien entre le meurtre de M. Nijjar et l’Inde, Ottawa a affirmé qu'il s'appuyait non seulement sur des sources sur le terrain mais aussi sur des informations tirées de communications interceptées par le réseau Five Eyes.
C'est la première fois qu’un membre des pays des Five Eyes émet des doutes au sujet des allégations formulées par le Canada.
Réagissant aux propos de M. Peters, une source à Affaires mondiales Canada a insisté mercredi pour dire que plusieurs éléments confirment la version canadienne, à commencer par l’acte d’accusation rendu public par le département de la Justice américain
.
Il y a eu des contacts aujourd’hui avec les Néo-Zélandais à ce sujet, et s'ils ont besoin d’en savoir plus, cette situation peut facilement être résolue par une bonne séance de breffage.
Pour rappel, le département de la Justice des États-Unis avait rendu public en décembre dernier un acte d’accusation contre Nikhil Gupta, un ressortissant indien, pour sa participation présumée à un complot déjoué visant à assassiner un militant sikh à New York.
L’acte d'accusation révélait plusieurs informations selon lesquelles des assassinats étaient aussi prévus en sol canadien.
Crise diplomatique
Les relations entre le Canada et l'Inde se sont considérablement dégradées depuis les propos tenus en septembre par Justin Trudeau. Ottawa s’est par exemple retiré des négociations d’un accord de libre-échange avec l’Inde.
Pour sa part, le gouvernement indien nie catégoriquement les allégations canadiennes. Le ministère indien des Affaires étrangères soutient que le Canada a une réputation grandissante de refuge pour les terroristes, les extrémistes et le crime organisé
.
Le premier ministre Justin Trudeau et son homologue indien, Narendra Modi. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Hardeep Singh Nijjar, président d'un temple sikh à Vancouver, militait pour la création d’un État, le Khalistan, qui comprendrait notamment le Pendjab, une région à majorité sikhe partagée entre l’Inde et le Pakistan. Il était considéré comme un terroriste par la National Investigation Agency (NIA), une agence du gouvernement indien qui se consacre à la lutte contre le terrorisme.
Dans une nouvelle escalade de tensions entre les deux pays, l'Inde a demandé à la plateforme YouTube de censurer un reportage de CBC sur le meurtre de ce militant sikh.
L'émission The Fifth Estate de CBC a obtenu une vidéo de sécurité qui montre que le meurtre du leader séparatiste sikh était une opération hautement coordonnée.
YouTube a indiqué mercredi avoir accepté la demande de l’Inde et a bloqué la diffusion de ce reportage dans ce pays.
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Avec les informations de The Indian Express