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AnalyseFinances publiques : l’éternel recommencement

L’image de bon gestionnaire prudent du ministre des Finances est mise à mal par un déficit record.

Un homme parle dans un micro lors d’une conférence.

Eric Girard, ministre québécois des Finances, prévoit un déficit record pour la nouvelle année budgétaire.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Eric Girard l’avait dit quand il a été nommé ministre des Finances et il l’a répété mardi encore : lorsqu’il quittera la politique, il compte laisser les finances publiques en aussi bon, sinon en meilleur état qu’il les avait trouvées lors de sa nomination. Au rythme où vont les choses, le ministre devra toutefois obtenir un troisième mandat pour respecter son engagement.

On prévoit un déficit de 11 milliards de dollars pour la nouvelle année financière, soit plus qu’en 2020-2021 lorsque les premières vagues de la pandémie frappaient de plein fouet l’économie québécoise et qu’on dépensait sans compter pour protéger les plus vulnérables.

Après un premier report, le retour à l’équilibre budgétaire est de nouveau remis. Au total, jusqu’à neuf ans pourraient s’être écoulés avant que les finances du Québec reviennent au point d’équilibre.

Si la pandémie, la morosité économique et les négociations dans le secteur public expliquent en partie la situation, les choix du gouvernement sont aussi en cause, les dépenses ayant crû de manière considérable au cours des dernières années. Alors qu’elles représentaient 24,3 % du PIB en 2018-2019, elles atteignent maintenant 26,7 %. Durant la même période, les revenus ont décru, passant de 26,1 % du PIB à 25,5 %. En d’autres mots, on a réduit le fardeau fiscal des Québécois tout en continuant à dépenser.

Le ministre assure que ces nouvelles dépenses amélioreront la qualité et l’accessibilité des services publics, et même que les premiers résultats pourraient être visibles dès le printemps. Ce n’est hélas pas la première fois qu’on promet de remettre sur pied le réseau de la santé et le milieu de l’éducation en dépensant davantage. À ce jour, les résultats se font pourtant toujours attendre.

Le ministre des Finances, Eric Girard, et le premier ministre du Québec, François Legault

Le gouvernement promet d’examiner toutes les dépenses gouvernementales au cours de la prochaine année afin de réduire le déficit, mais il faudra attendre l'an prochain pour connaître ses décisions.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Budget du Québec 2024

Consulter le dossier complet

Eric Girard prononce son discours du budget à l'Assemblée nationale.

Les décisions difficiles reportées

Pour résorber le déficit, Eric Girard a entre autres annoncé une hausse de la taxe sur le tabac et une réduction des crédits d’impôt dans le secteur des technologies de l’information. Ces mesures ne représentent toutefois que quelques centaines de millions de dollars, alors qu’on estime la portion structurelle du déficit à 4 milliards. Le plus dur reste donc à faire.

Le gouvernement requerra pour 1 milliard de dollars d’efforts d’optimisation aux grandes sociétés d’État, mais les modalités de ces efforts restent encore à définir. Hydro-Québec fait partie des entités ciblées, même si l’entreprise est déjà engagée dans un vaste plan de croissance.

On s’en remet pour le reste à un classique de la politique, soit un examen des dépenses gouvernementales. L’exercice s’attardera à la fois aux dépenses fiscales pour les particuliers et les entreprises, mais aussi à l’ensemble des dépenses des ministères et des organismes. Aucune cible précise n’a toutefois été annoncée. Pour un gouvernement normalement féru d’indicateurs et de tableaux de bord, cela a de quoi étonner.

C’est précisément au même genre d’exercice que le gouvernement de Philippe Couillard avait convié les Québécois peu après être arrivé au pouvoir en 2014. Deux commissions avaient alors été mises en place. La première, présidée par Luc Godbout, proposait un grand ménage dans la fiscalité québécoise. La seconde, dirigée par Lucienne Robillard, recommandait des coupes importantes, notamment dans le soutien aux municipalités et aux agriculteurs. Maintenant, comme à l’époque, l’argument consiste à dire que les services publics ne seront pas touchés.

Un sentiment de déjà-vu

Impossible toutefois de ne pas ressentir un étrange sentiment de déjà-vu face à pareils engagements. Après des années d'effort, on croyait pourtant les finances publiques définitivement revenues sur le droit chemin. Même à l’issue des premières vagues de la pandémie, tout juste avant les élections de 2022, les prévisions du ministère des Finances laissaient entrevoir un retour à l’équilibre budgétaire relativement aisé.

C’était sans compter sur la surenchère qu’entraîne inévitablement une campagne électorale. La CAQ, à l’instar des autres partis, s’est engagée à de nouvelles dépenses – et à des baisses d’impôt – qu’elle a dû respecter malgré la dégradation du contexte économique, avec les résultats que l’on connaît.

Il tient une conférence de presse à la Banque du Canada, à Ottawa, le mercredi 6 mars 2024.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, estime qu’il est encore trop tôt pour envisager une baisse du taux directeur.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

L’économie pourrait d’ailleurs nous réserver d’autres surprises d’ici l’atteinte du déficit zéro, promise au plus tard en 2029-2030. C’est que le ministre des Finances compte beaucoup sur la diminution du taux directeur de la Banque du Canada pour relancer la croissance. Le gouverneur de l’institution, Tiff Macklem, estime toutefois qu’il est encore trop tôt pour envisager cette hypothèse. Eric Girard espère aussi compter sur des transferts fédéraux plus généreux, mais une telle croissance demeure pour le moins hypothétique.

Il faudra attendre l’an prochain pour connaître les choix du ministre, mais il serait étonnant de le voir sabrer les dépenses à un an et demi des prochaines élections. D’ici là, son image de gestionnaire prudent et responsable risque d’être mise à mal par ce déficit record, tout comme celle de son parti.

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