C.-B. : Les catastrophes climatiques obligent les viticulteurs à repenser leur industrie

Les aléas climatiques touchent durement la production des vignobles de la Colombie-Britannique, particulièrement depuis deux ans. L’industrie viticole tente de s’adapter.

Les vignes ont été touchées par des records de chaleur, des incendies de forêt et les fumées qui ont contaminé les raisins à plusieurs reprises, ainsi qu’une vague de froid destructrice en 2022. En janvier dernier, le gel n’a pas épargné les plantations. Les pertes de récoltes pourraient atteindre 99 % dans toute la province, anéantissant ainsi la production de cette année.

Si les vignobles ont besoin d'être soutenus, la sommelière Van Doren Chan estime que c'est l'occasion de repenser la vinification dans la province. C'est un peu comme si nous faisions table rase du passé. Comment allons-nous structurer la prochaine génération de vins britanno-colombiens, se demande-t-elle.

Les prix en hausse

Van Doren Chan dit que tout porte à croire que seule une sélection limitée de vins britanno-colombiens arrivera sur les étagères des détaillants dans les années à venir, le temps que les vignobles et les établissements vinicoles se rétablissent.

Résultat : le prix des vins de la Colombie-Britannique va probablement augmenter. Van Doren Chan explique que c’est déjà le cas depuis plusieurs années à cause des pertes de récoltes et de l'inflation mondiale.

Pour une petite région viticole, et une région viticole très jeune, ce que nous produisons est de classe mondiale. Il est cependant difficile de faire une comparaison avec les prix pratiqués en France, ou même en Argentine ou au Chili. Ces pays produisent des vins de très grande qualité à des prix très compétitifs.

Selon la sommelière, les difficultés de l'industrie viticole sont aussi l'occasion dans les années à venir d'inciter les consommateurs à soutenir les producteurs de raisin et de vin de la Colombie-Britannique.

Charlie Baessler, directeur général de Corcelettes Estate Winery, situé près de Keremeos, indique que l’entreprise viticole fait partie de celles qui replantent autant qu'elles le peuvent, aussi vite qu'elles le peuvent.

- 27 °C dans les vignobles

Le gel de la mi-janvier a fait chuter les températures dans les principales régions viticoles du sud de l'intérieur de la Colombie-Britannique à -27 °C. Cette température est mortelle pour les vignes et leurs bourgeons, quelle que soit la variété, comme l'explique Charlie Baessler.

Un rapport publié en février par Wine Growers BC estime que la récolte ne représentera que 1 % à 3 % des niveaux normaux, ce qui signifie une perte presque complète de la production de 2024. Les pertes de revenus pourraient atteindre 346 millions de dollars pour les vignobles et les établissements vinicoles.

La vague de froid de décembre 2022 avait déjà entraîné une perte totale de récolte pour l'année 2023 de Corcelettes, indique Charlie Baessler. À cela s'ajoutent plusieurs saisons de feux de forêt qui ont provoqué une épaisse fumée pouvant être catastrophique pour l'arôme et la qualité du vin.

Le bon raisin au bon endroit

Les viticulteurs de Colombie-Britannique réclament davantage de soutien provincial et fédéral après la vague de froid qui a dévasté leurs vignes.

Charlie Baessler explique que l'équipe de Corcelettes a décidé de repenser le vignoble et de replanter différents types de raisins en fonction des conditions de sol et de l’environnement dont ils ont besoin pour pousser favorablement.

Miles Proden, le président de Wine Growers BC, explique que de nombreux vignobles, comme celui de Corcelettes, tentent de s'adapter aux défis climatiques, en s'assurant d'avoir le bon raisin au bon endroit.

Miles Proden indique que, après deux années de pertes de récoltes, les viticulteurs doivent trouver suffisamment de raisins pour soutenir l'activité de vinification.

Nous devons envisager certaines options. Il pourrait s'agir de faire venir du raisin ou du vin d'Ontario, ou même de l'État de Washington. Dans ce cas-là, les gouvernements devront contribuer aux changements réglementaires nécessaires pour que cela puisse se faire, même temporairement.

Miles Proden estime que ce soutien est crucial, car les établissements vinicoles de la Colombie-Britannique emploient des milliers de personnes et constituent un élément clé de l'économie rurale dans toute la province.

Elizabeth Wolkovich, écologiste spécialisée dans le changement climatique et les plantes, explique que les régions viticoles du monde entier sont touchées. D'une certaine manière, le réchauffement de la planète pourrait améliorer le climat pour les raisins à vin au Canada, croit-elle.

Elle reconnaît cependant qu'il est difficile de croire qu’une variété de raison, même une variété hybride plus tolérante au froid, aurait pu survivre au gel de janvier.

Le gouvernement fédéral dispose d'un programme de soutien au secteur viticole. Il a récemment alloué 177 millions de dollars supplémentaires sur trois ans. Un communiqué du ministère fédéral de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire indique que 207 établissements vinicoles de la Colombie-Britannique ont bénéficié d'un soutien dans le cadre de ce programme depuis juillet 2022.

Au début du mois, Ottawa a également annoncé le financement de deux initiatives menées par le Réseau canadien de certification de la vigne pour faire avancer la science et la recherche et accroître la compétitivité du secteur, indique le ministère.

Malgré le contexte morose, Miles Proden veut rester optimiste. Il y aura toujours une industrie vinicole en Colombie-Britannique. Nous produisons de trop bons vins pour que ce ne soit pas le cas.

Avec les informations de La Presse canadienne