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Québec face à des défis financiers majeurs pour 2024-2025

Eric Girard, en mêlée de presse.

Le budget que présentera Eric Girard cet après-midi sera le sixième depuis qu'il est devenu ministre des Finances, en 2018. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Pas de chèques, pas de baisses d’impôt, cette fois-ci : le budget 2024-2025 que déposera le ministre des Finances Eric Girard, mardi après-midi à l’Assemblée nationale, préfigurera une année qui s’annonce difficile sur le plan économique pour le gouvernement du Québec.

Tout indique que les revenus seront moins importants que ce qui était d’abord anticipé, que les dépenses augmenteront et que le déficit s’aggravera. Cela compliquera d’autant le retour à l’équilibre des finances, espéré pour 2027-2028.

C’est du moins ce qu’a laissé entendre le premier ministre François Legault, qui, le jour de l’annonce de la date du budget, a déclaré que le manque à gagner pour l’année à venir sera plus important que prévu, tout en promettant qu’il n’y aura pas de coupures de services [sic] ni d’augmentation d’impôts.

Déjà, dans sa mise à jour économique de l’automne dernier, le gouvernement avait revu à la hausse le déficit projeté pour 2024-2025, le faisant passer de 3 à 4 milliards de dollars. Mais bien des choses se sont passées depuis.

Les ententes conclues cet hiver avec le Front commun et la FAE, d’abord, auront un impact non négligeable sur les finances publiques, a souligné le premier ministre, qui a évoqué un budget « largement déficitaire » pour la première fois le mois dernier.

Budget du Québec 2024

Consulter le dossier complet

Eric Girard prononce son discours du budget à l'Assemblée nationale.

Alors qu’Eric Girard avait tablé dans son énoncé économique de l’automne dernier sur des hausses salariales de 10,3 % sur cinq ans, Québec s’est finalement entendu avec les syndicats sur des augmentations de 17,4 % (ou 18,6 % en prenant en considération le total cumulé).

Selon le mémoire déposé par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke lors des consultations prébudgétaires, les ententes conclues avec le Front commun et la FAE – ainsi que celles à venir avec la FIQ, le SFPQ et le SPGQ – devraient avoir pour effet de hausser les prévisions de dépenses d’au moins 8 milliards de dollars pour les cinq prochaines années.

Cet investissement, que le premier ministre Legault dit assumer, aura notamment pour conséquence d’augmenter les budgets des ministères de la Santé et de l’Éducation, les deux principaux portefeuilles de l’État qui représentent à eux seuls les deux tiers des finances gouvernementales.

Des sources de revenus se tarissent

Le renouvellement des conventions collectives des employés du secteur public n’explique pas à lui seul la minceur de la marge de manœuvre avec laquelle Québec devra composer pour la prochaine année financière.

En raison d’« un énorme déficit énergétique », Hydro-Québec, par exemple, a annoncé le mois dernier avoir remis au gouvernement un dividende de seulement 2,5 milliards de dollars en 2023, soit 1 milliard de moins qu’en 2022.

En outre, d’importantes sommes attendues du fédéral tardent à ruisseler sur la province.

La hausse des transferts en santé, par exemple, ne s’est toujours pas concrétisée, alors que plus d’une année s’est écoulée depuis qu’Ottawa a offert à Québec 9 milliards de dollars sur 10 ans.

Sans compter que le gouvernement Legault réclame aussi un droit de compensation de 3 milliards sur cinq ans dans le dossier de l’assurance dentaire fédéral et le remboursement de 1 milliard sur trois ans pour les services offerts aux demandeurs d’asile.

L’Association des économistes québécois, par ailleurs, dit s’attendre à une baisse des paiements de péréquation en 2024-2025 attribuable en partie à la bonne croissance économique du Québec dans les années antérieures.

Un budget grevé par les choix antérieurs

Québec n’a pas qu’Ottawa à blâmer si ses finances sont à sec.

L’opposition ainsi que de nombreux groupes de pression reprochent au gouvernement Legault d’avoir envoyé des chèques à tous les contribuables (ou presque) en 2022-2023 et, surtout, d’avoir décrété d’importantes baisses d’impôts dans son budget de l’an dernier.

Les sommes auxquelles Québec a renoncé, selon eux, auraient été bien utiles pour traverser la période actuelle, caractérisée par une stagnation de l’économie, par des taux d’intérêt inégalés depuis le tournant des années 2000 et par un taux d’inflation que la Banque du Canada peine à ramener à sa cible de 2 % par année.

D’autant plus que les prochains mois ne s’annoncent guère mieux : l’automne dernier, le gouvernement disait s’attendre à une croissance de seulement 0,7 % en 2024.

On est dans le cœur du ralentissement économique, résumait le ministre Girard, le 22 février, en parlant des deux derniers trimestres de 2023-2024 et des deux premiers de 2024-2025.

Rééquilibrer les finances : oui, mais quand?

Dans ce contexte, Québec pourrait vouloir modifier le plan qu’il s’est fixé afin de respecter la Loi sur l’équilibre budgétaire. Et de renouer avec le déficit zéro plus tard que prévu, soit au-delà de l’exercice financier 2027-2028.

La Loi, qui oblige le gouvernement à se doter d’un plan pour rééquilibrer ses finances sur un horizon maximal de cinq ans, a d’ailleurs été modifiée discrètement l’an dernier pour qu’il puisse remplacer ce plan par un autre advenant une reprise économique moins forte que prévu au sortir d’une période de ralentissement économique ou d’une récession.

Ainsi, le budget d’Eric Girard qui sera présenté mardi après-midi pourrait prévoir de reporter l’atteinte du déficit zéro à 2028-2029 ou à 2029-2030.

Pour permettre une hausse des dépenses dans les domaines de la santé et de l’éducation, Québec pourrait aussi diminuer le budget d’autres ministères (Transports, Justice, Famille, etc.), ou du moins augmenter leur financement en deçà de la hausse des coûts de système. Cela raviverait du même coup le débat sémantique sur la différence entre rigueur budgétaire et austérité qui a miné le gouvernement Couillard de 2014 à 2018.

Pourtant, les besoins se font sentir partout, comme en font foi les 297 mémoires déposés dans le cadre des consultations prébudgétaires.

En habitation, par exemple, le Parti libéral du Québec (PLQ) a pressé le gouvernement d’aider financièrement les municipalités capables d'octroyer des permis plus rapidement afin de stimuler l’offre de logements, alors que Québec solidaire (QS), pour les mêmes raisons, l’a invité à bonifier le programme de remboursement de la TVQ sur les constructions neuves.

Les banques alimentaires et les organismes œuvrant auprès des personnes itinérantes craignent aussi de ne toucher guère plus que les sommes promises lors de la mise à jour économique de l’automne dernier, malgré la promesse faite lundi par le ministre Girard d’augmenter de 34 millions de dollars sur cinq ans le financement du Club des petits déjeuners et de la Cantine pour tous.

Le reportage de Pierre Alexandre Bolduc

Pour rééquilibrer le budget, qui perpétue des déficits depuis 2020-2021, certaines voix se sont élevées lors des consultations des derniers mois pour convaincre le gouvernement de faire le ménage dans les subventions aux entreprises, jugeant sa politique industrielle contre-productive.

Le Parti conservateur du Québec (PCQ) et l’Institut économique de Montréal (IEDM) ont notamment proposé d’instaurer un comité de révision des dépenses, comme l’avait fait le gouvernement fédéral de Stephen Harper dans les années 2000, et de réaliser la promesse caquiste faite en 2018 d’abolir 5000 postes dans la fonction publique.

L’Association des économistes québécois propose pour sa part un exercice systématique de révision des programmes existants pour permettre au gouvernement de retrouver une certaine marge de manœuvre.

L’équilibre budgétaire est important d’un point de vue de la stabilité financière parce qu’une situation financière solide permet ainsi au gouvernement d’agir énergétiquement en cas de crise, note l’organisme.

Les cibles de réduction de la dette compromises

En attendant, le service de la dette, qui constitue le quatrième poste budgétaire de l’État, après la santé, l’éducation et l’enseignement supérieur, continue de croître. Et son poids, qui commençait à se faire plus léger, s’alourdit, alors même que Québec s’est fixé pour objectif de le ramener à 33 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2032-2033, puis à 30 % d’ici 2037-2038.

Évaluée à 207 milliards de dollars au 31 mars 2023, la dette nette du gouvernement, qui représentait alors 37,4 % de l’économie, devrait, selon les plus récentes prévisions du ministère des Finances, passer à 217 milliards au 31 mars 2024, soit 38,2 % du PIB.

Dans un rapport publié lundi intitulé Le carré de sable se rétrécit, l’Institut du Québec (IDQ) prévoit même que, sans changements de politique budgétaire, ce taux pourrait grimper à 41 % en 2039-2040.

Pour donner l’heure juste aux Québécois, le ministre Girard se lèvera à l'Assemblée sur le coup de 16 h, à la fermeture des marchés. C’est à ce moment que le budget 2024-2025 sera rendu public et que les journalistes, qui auront pu le consulter à huis clos dans la journée, pourront en rendre compte.

Avec les informations d’Hugo Lavallée

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