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L’état de préparation au combat des Forces armées canadiennes se détériore

Des soldats en mission sont assis.

Des problèmes d'équipement, de recrutement et d'approvisionnement en munition réduisent considérablement l'état de préparation au combat des forces armées canadiennes.

Photo : The Canadian Press / Sean Kilpatrick

Radio-Canada

Seulement 58 % des effectifs des Forces armées canadiennes seraient en mesure de répondre à un appel urgent des alliés de l’OTAN en cas de crise et près de la moitié de l’équipement militaire du pays est considéré comme « indisponible ou inutilisable », selon un document interne de la Défense nationale obtenu par CBC News.

Le document daté du 31 décembre 2023, qui se veut un état des lieux des Forces armées canadiennes (FAC), aborde un grand nombre de sujets allant de l’état de préparation des troupes à l’équipement en passant par le recrutement et l’approvisionnement en munitions.

Les auteurs y brossent un tableau préoccupant des Forces, pire encore que celui présenté dans les documents budgétaires fédéraux de l’année dernière.

Un VLB canadien en mission.

Selon le rapport de la Défense, 46 % du matériel des forces terrestres serait « inutilisable ».

Photo : La Presse canadienne / Bill Graveland

À l’heure où la Russie constitue une menace active à la sécurité de l'Europe, seulement 58 % des Forces canadiennes sont prêtes à répondre à un appel de l’OTAN en cas d’hostilités majeures. Pire encore, le rapport nous apprend que 45 % des équipements militaires canadiens réservés à la défense de l’Europe sont confrontés à des défis et sont considérés comme indisponibles et inutilisables.

Par sa présence dans l’OTAN, le Canada est tenu d'être capable d’engager rapidement des unités de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air pour défendre l'Europe en cas d'urgence. Des unités qui viendraient renforcer les troupes déjà sur le terrain, comme la brigade actuellement dirigée par le Canada en Lettonie.

Ce n’est pas une surprise. Je crois que c’est le fruit de 10 ans ou même 20 ans de négligence.

Une citation de Gaston Côté, brigadier général à la retraite des Forces armées canadiennes, sur ICI RDI

Manque d'équipement, de personnel et de munitions

Selon le document, l’Aviation royale canadienne est actuellement la plus mal en point des trois corps d’armée avec 55 % des chasseurs, de l'aviation maritime, de la recherche et du sauvetage, de l'aviation tactique, des appareils d’entraînement et des moyens de transport qui sont considérés comme inutilisables.

La frégate  NCSM St. John’s de la Marine royale canadienne est un navire de guerre de 134 mètres de long.

La flotte de frégates canadiennes de classe Halifax est en service depuis 1992 et le demeurera encore plusieurs années, le temps que les 15 nouveaux navires de combat de surface canadiens soient construits, vers 2030.

Photo : Radio-Canada / Mireille Roberge

La marine n'est pas loin derrière, avec 54 % de ses frégates, sous-marins, navires de patrouille extracôtiers de l'Arctique et navires de défense qui ne sont pas en état d'être déployés.

Les forces terrestres s'en sortent un peu mieux, avec 46 % de leurs équipements considérés comme inutilisables.

On a même de la difficulté à avoir des équipements personnels comme des bottes de combat. Tout l’attirail de combat finalement doit faire l’objet d’une nouvelle approche pour assurer une logistique constante.

Une citation de Gaston Côté, brigadier général à la retraite des Forces armées canadiennes, sur ICR RDI

Outre les problèmes d’équipement, c’est le manque de personnel technique et de soutien ainsi que le manque de financement pour les pièces de rechange et les munitions qui constituent les plus grands défis à l’heure actuelle dans les FAC.

À la fin de 2023, le document indique qu'il manquait 15 780 membres aux effectifs des FAC, un chiffre qui englobe à la fois les éléments réguliers et les éléments de réserve.

Le reportage de Valérie Gamache

Réduction des dépenses

En septembre 2023, le chef d’état-major de la Défense, le général Wayne Eyre, a déclaré devant le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes qu’Ottawa a demandé au ministère de la Défense de réduire ses dépenses de près d’un milliard de dollars sur quatre ans.

Le gouvernement fédéral a récemment commencé à réaffecter des fonds, obligeant certains secteurs du MDN à réduire leurs dépenses afin de financer l'acquisition de nouveaux équipements. Les dernières estimations fédérales pour l'année à venir indiquent que 810 millions de dollars seront réaffectés – et 79 millions de dollars de cet argent proviennent des forces prêtes.

Des artilleurs opèrent un canon.

Des artilleurs canadiens à l'œuvre en Lettonie, en juillet 2022.

Photo : Submitted by Canadian Armed Forces

Pour l'ancien vice-amiral Mark Norman, ancien commandant de la marine canadienne, à qui CBC News a montré le document, ces données sont à la limite de l’atroce .

L'état de préparation consiste à mesurer la capacité des forces armées à faire ce qu'on attend d'elles. Et fondamentalement, il s'agit d'aller quelque part et de se battre. Et, vous savez, c'est une situation assez désastreuse lorsque vous n'êtes pas là où vous devez être.

Kerry Buck, diplomate de carrière et ancienne ambassadrice du Canada à l'OTAN, s'est pour sa part dite choquée, mais pas surprise par ce constat.

Cela signifie que le Canada est de moins en moins bien placé parmi les alliés. Cela signifie que l'écart se creuse entre nos engagements internationaux et nos capacités, déplore Mme Buck. Cela a des répercussions sur notre crédibilité au sein de l'OTAN, c'est certain, mais aussi sur nos intérêts en matière de sécurité. Il est dans notre intérêt d'être un contributeur crédible à l'OTAN.

Un avion de chasse canadien qui décolle aux Pays-Bas.

La flotte canadienne de chasseurs CF-18 Hornet est en service depuis 1983. Les premières livraisons de chasseurs F-35 devant les remplacer sont attendues pour 2026.

Photo : Avec l’autorisation des Forces armées canadiennes

Dans un monde de plus en plus dangereux, où la demande pour les FAC augmente, notre état de préparation diminue.

Une citation de Extrait du rapport de la Défense obtenu par CBC News

À l’heure où les Russes reprennent l’initiative sur le front ukrainien et qu’un retour de Donald Trump à la présidence américaine devient une réelle possibilité – ce dernier promet de réduire significativement l’aide militaire américaine à l’Ukraine – la détérioration de l’état de préparation des forces canadiennes n’est pas une bonne nouvelle. Et les Canadiens s’en préoccupent de plus en plus.

Selon un sondage Angus Reid, 29 % des Canadiens interrogés estiment que l’état de préparation des troupes canadiennes et la présence accrue du Canada sur les théâtres d’opération internationaux figurent parmi leurs priorités politiques. Ils étaient 12 % à partager cet avis il y a dix ans.

Ce même sondage a révélé que 53 % des personnes sondées étaient favorables à ce que le Canada respecte le seuil de dépenses militaires fixé par l'OTAN qui est de 2 % du PIB. Le soutien à l'atteinte de cet objectif grimpe à 65 % lorsque les gens sont interrogés sur la perspective d'une seconde présidence de Donald Trump aux États-Unis.

Entrevue avec Justin Massie, codirecteur du Réseau d'analyse stratégique

L'OTAN augmente son niveau de mobilisation

Rappelons qu’iI y a 18 mois, en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'OTAN a décidé de maintenir plus de troupes dans un état de préparation avancé. L'alliance s'est engagée à ce que 300 000 soldats, marins et membres d'équipage de l'ensemble de ses 32 pays membres soient prêts à intervenir en cas d'hostilités majeures.

Dans le cadre du plan de préparation de l'OTAN d’avant 2022, le Canada était tenu de maintenir au moins 3400 soldats prêts au combat. Selon Kerry Buck, le Canada sera certainement appelé à augmenter la taille de son contingent puisque le chiffre de 300 000 représente une multiplication par huit de la taille des forces qui devront être mobilisables à courte et moyenne échéance.

Lors de sa visite à Edmonton lundi, le ministre de la Défense, Bill Blair, a été interrogé sur son évaluation de l'état de préparation des forces armées. Nous avons du pain sur la planche, a-t-il répondu sans détour.

Une photo d'archives datant de mars 2022 montre M. Trudeau et Mme Anand accroupis sur un genou avec des militaires canadiens.

Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, posant avec des soldats canadiens basés en Lettonie le 8 mars 2022. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Le ministre a évoqué des difficultés de recrutement et de la façon dont le MDN a essayé de recruter des résidents permanents dans ses rangs. Il y a plus d'un an, le gouvernement libéral a ouvert la porte du recrutement aux Canadiens nouvellement arrivés afin d'aider à remplir les rangs. Mais l’expérience n’a pas été des plus concluantes.

Selon un récent article de CBC News, bien que plus de 21 000 résidents permanents se soient portés volontaires, moins de 100 d'entre eux avaient été enrôlés dans les Forces armées le mois dernier et de nombreuses demandes étaient encore bloquées dans le processus de contrôle de sécurité.

La Défense nationale a toujours été un attrait spécial pour les jeunes. On semble avoir un problème immense à recruter.

Une citation de Gaston Côté, brigadier général à la retraite des Forces armées canadiennes, sur ICI RDI

Plusieurs facteurs expliquent la situation dans laquelle se retrouvent aujourd’hui les Forces armées canadiennes, selon l'ancien vice-amiral Mark Norman.

Cela fait des dizaines d'années qu’on s’attend à cette situation, a-t-il déclaré à CBC. Selon lui, la culture bureaucratique et politique à Ottawa consiste à gérer les risques et à éviter les problèmes plutôt que de les affronter.

Au sein du ministère de la Défense, l'approche a consisté à supposer que la situation n'était pas si mauvaise et qu'un certain niveau de risque pouvait être accepté pendant quelques années.

Cette approche de la gestion perpétuelle des risques est si dangereuse qu'elle repousse les problèmes jusqu'à ce qu'ils deviennent le problème de quelqu'un d'autre, a expliqué M. Norman.

Eh bien, devinez quoi? Nous sommes en 2024 et la plupart de ces problèmes sont déjà là et nous frappent littéralement au visage, conclut-il.

Ottawa fouette sa production d'obus

Une femme travaille dans une fabrique de munitions américaine.

Les obus de 155 millimètres, le calibre standard de l'OTAN, sont très demandés actuellement dans le monde.

Photo : AP / Matt Rourke

Hasard ou coïncidence, le ministre de la Défense, Bill Blair, a annoncé jeudi que son ministère versera 4,4 millions de dollars aux firmes d’armement IMT Defence et General Dynamics pour élaborer des propositions détaillées visant à fabriquer davantage d’obus de 155 mm, qui sont très demandés en ce moment sur le front ukrainien.

Devant un comité de la Chambre des communes l'automne dernier, le sous-ministre à la Défense nationale a déclaré que les deux sociétés estimaient qu'il en coûterait environ 400 millions de dollars pour accélérer leur production.

Plusieurs membres de l'OTAN ont déjà signé des accords pour augmenter leur production de munitions.

Avec les informations de Murray Brewster

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