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Produits alimentaires : gare à l’écoblanchiment

Vert, naturel, durable, carboneutre, respectueux de l’environnement… Ces appellations écologiques sont de plus en plus répandues dans l’industrie alimentaire, mais elles sont aussi parfois trompeuses, a constaté L’épicerie.

Un surligneur vert surligne une allée d'épicerie.

Sur les tablettes des épiceries du Canada, on retrouve de plus en plus de produits accompagnés d'une appellation dite verte.

Photo : iStock

Bien des consommateurs se soucient de l’écologie quand ils doivent prendre une décision d’achat en épicerie. Or, la multiplication des prétentions vertes et des logos plus ou moins fondés sur la science n’aide pas la clientèle à faire des choix éclairés.

Avec l’augmentation du nombre de produits "verts", on assiste à une recrudescence de déclarations environnementales fausses, trompeuses ou non fondées, ce qui est illégal au Canada, mettait en garde le Bureau fédéral de la concurrence en janvier 2022.

D'ailleurs, une étude du Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs révélait en 2021 que 40 % des désignations écologiques publiées en ligne pourraient tromper la clientèle.

Valérie Védrines, consultante en marketing durable pour l’organisme Masse Critique, constate que ces appellations sont utilisées à toutes les sauces.

À preuve, elle cite en exemples les expressions préserve l'environnement, le climat, la biodiversité ou respectueuse de l'environnement.

On voit aussi souvent "respectueux de la planète", "non polluant"... Ça n’existe pas, un produit non polluant, c'est impossible.

Une citation de Valérie Védrines, consultante en marketing durable
Valérie Védrines.

Valérie Védrines, consultante en marketing durable chez Masse Critique, donne un atelier à des étudiants de l'UQAM.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Au fait, qu’est-ce qu’un produit vert? C'est un peu libre à votre interprétation, autant qu’à la mienne, répond Julien O. Beaulieu, économiste et avocat en droit de l’environnement.

Est-ce qu'on parle de l'utilisation d'énergie? Des gaz à effet de serre? Est-ce qu'on parle d'utilisation de l'eau? Le transport? Est-ce que ça inclut la production? Il n'y a pas de définition et ça, c'est un gros problème. Ces mots-là ne sont assujettis à aucune définition, ils sont complètement déréglementés, explique-t-il.

Néanmoins, les consommateurs ne sont pas dupes. Une étude du cabinet Deloitte, publiée en juin 2023, indiquait que 57 % des consommateurs canadiens ne croient pas la plupart des revendications de produits écologiques que font les entreprises par rapport à leurs marques.

Distinguer le vrai du faux

Pourtant, toutes les certifications ne sont pas mauvaises, loin de là, mais il faut savoir faire le ménage parmi les 400 logos et labels qui circulent dans l’industrie alimentaire.

Il faut distinguer les certifications qui sont officielles, qui peuvent être encadrées dans la loi, comme la certification biologique, des certifications indépendantes comme ce qui est certifié équitable, par exemple Fairtrade, qui elles sont gérées par une organisation indépendante, énumère Julien O. Beaulieu.

Il y a les autocertifications. Là, c’est une entreprise qui décide de s'autocertifier. On pourrait penser que l'entreprise est un peu en conflit d'intérêts. Donc, il faut se méfier encore plus de ce genre d'allégations.

Une citation de Julien O. Beaulieu, avocat en droit de l’environnement

La dernière catégorie, celle qui est peut-être la moins crédible, est celle des allégations génériques, où l'on vient simplement nous dire qu'un produit est vert, écoresponsable ou durable, mais sans aucun indicateur ni aucune vérification par un tiers, précise-t-il.

Julien O. Beaulieu.

Julien O. Beaulieu, économiste et avocat en droit de l’environnement.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Une application à la rescousse

Pour aider le consommateur à s’y retrouver, le magazine Protégez-Vous a récemment lancé l'application Le Décodeur, qui évalue différents logos.

Quand on fait l'évaluation d'une écoétiquette ou d'un logo, on se base sur trois grandes choses, explique la cheffe des tests de Protégez-Vous, Clémence Lamarche. D'abord, la transparence. Est-ce que si on va sur le site web du logo ou de l'écoétiquette, on va avoir toutes les informations qui sont pertinentes?

Ensuite sur la robustesse. Qui fait l'évaluation? À quelle fréquence? Est-ce qu'il y a des visites sur le terrain qui sont effectuées? Et le troisième point, c'est la portée : les processus, les ingrédients qui sont utilisés, la biodiversité, les droits des travailleurs ou encore les droits des animaux, affirme Clémence Lamarche.

Clémence Lamarche.

Clémence Lamarche, cheffe des tests de Protégez-Vous.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

En prenant une photo du logo, le consommateur va rapidement savoir, grâce à cette application, si celui-ci est sérieux ou non.

Présentement, nous avons 84 logos évalués, dont 36 sont présents sur les produits alimentaires et 27 sur des produits d’entretien ménager. Nous avons comme projet d’en ajouter une trentaine par année pour les prochaines années, explique Mme Lamarche.

Des trucs pour éviter les pièges de l’écoblanchiment :

  • Soyez vigilants quand vous tombez sur une déclaration vague ou générale telle que respectueux de l’environnement ou encore sans danger pour l’environnement. Sans d’autres explications pour l’étayer, une telle déclaration risque de donner lieu à une interprétation erronée ou à de la tromperie.
  • Ne vous faites pas avoir par des images de la nature comme l’eau, les nuages, les plantes, les animaux et la Terre, ou par les couleurs utilisées sur l’emballage et dans les messages publicitaires.
  • Quand vous voyez des logos ou des sceaux écolos, assurez-vous qu’ils sont dignes de confiance.
  • N’oubliez pas : tous les biens de consommation ont un impact sur l’environnement, y compris ceux qui prétendent être écologiques.

Source : Bureau de la concurrence Canada

L’exemple de l’Europe

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne (UE) a récemment décidé d’interdire l’écoblanchiment et les publicités pour des produits non durables.

L’UE bannit notamment les mentions environnementales génériques, par exemple "respectueux de l’environnement", "naturel", "biodégradable", "neutre pour le climat" ou "éco", sans preuve d’excellente performance environnementale reconnue qui justifie cette mention, ainsi que les affirmations basées sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre, l’affirmation qu'un produit a un impact neutre, réduit ou positif sur l'environnement, selon le communiqué du Parlement.

Au Canada, Julien O. Beaulieu mentionne qu’Ottawa se penche actuellement sur une disposition de la Loi sur la concurrence qui forcerait les entreprises à faire des tests suffisants préalablement à certaines de leurs déclarations environnementales, encadrant ainsi notamment l'usage du terme « carboneutre ».

En attendant une réglementation plus stricte sur les appellations vertes, Valérie Védrines, consultante en marketing durable chez Masse Critique, recommande d’être vigilant, de s’informer et, surtout, de s’assurer de toujours avoir un regard vraiment critique.

Le reportage de Johane Despins et François Perré diffusé à l’émission « L’épicerie »

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