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Envoyé spécial

Pays riche en faillite, l’Argentine est à la croisée des chemins économiques

Gaz, pétrole, lithium, nucléaire : le gouvernement du président argentin Javier Milei a plusieurs atouts dans son jeu, mais devra bien les gérer.

Javier Milei lève le poing lors d'un discours.

Le président Javier Milei veut relancer l'Argentine en s'appuyant sur les ressources énergétiques et minières du pays.

Photo : Getty Images / Marcelo Endelli

Afin d’atteindre son objectif d’équilibre budgétaire coûte que coûte et d’avancer vers une privatisation de l'économie du pays, le gouvernement de l'Argentine a coupé de manière radicale dans les dépenses en infrastructures, mettant en pause des milliers de chantiers dans tout le pays.

C’est le cas d’un des chantiers les plus emblématiques, le gazoduc Nestor Kirchner, d’une grande importance stratégique pour ce qu'il doit apporter en pétrodollars.

L’Argentine est plus riche qu’on le pense, mais le gouvernement du nouveau président Javier Milei saura-t-il gérer cette richesse pour sortir le pays de sa situation d'endettement?

Du gaz et du pétrole

Avec le gaz et le pétrole de schiste de Vaca Muerta en Patagonie, l’Argentine se dirige vers l’autosuffisance, alors qu’elle importait auparavant son gaz de Bolivie. Maintenant, elle commence à exporter ses ressources vers le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay. Le pays possède la deuxième réserve de gaz de schiste du monde et la quatrième réserve de pétrole.

En juillet 2023, le gazoduc du gisement de Vaca Muerta est arrivé à Buenos Aires. Il a été inauguré en grande pompe par le gouvernement sortant des péronistes Alberto Fernandez, Cristina Kirchner et Sergio Massa.

Vue aérienne d'une raffinerie.

La raffinerie de La Plata à Berisso, en Argentine

Photo : AP / Rodrigo Abd

M. Massa se félicitait de ne pas avoir écouté les conseils du Fonds monétaire international (FMI), qui détient la dette faramineuse de l’Argentine, de ne pas construire le gazoduc pour faire des économies. Il avait renationalisé la compagnie YPF que le nouveau président, Javier Milei, songe à reprivatiser.

Sur le plan environnemental, la région où se trouve la formation géologique de schiste de Vaca Muerta subit tous les inconvénients écologiques de la fracturation.

Les Autochtones mapuches se plaignent des dommages irréversibles à leur environnement. Un jour le pétrole, le gaz, ce sera fini, il ne restera qu’un territoire pollué. Le nôtre, déplore Lorena Bravo, porte-parole de la communauté mapuche de Campo Maripe.

Du lithium en quantité

L’Argentine, dans ses lacs salés situés à près de 4000 mètres d’altitude dans les Andes, partage avec le Chili et la Bolivie la plus grande réserve de lithium du monde.

Déjà, le président Milei a éveillé l’intérêt du cofondateur et chef de la direction de Tesla, Elon Musk, une de ses idoles, pour le lithium argentin. L'industrie est déjà privatisée, alors que le sous-sol est de juridiction provinciale, ce qui constitue un sujet de litige entre Buenos Aires et les provinces.

Vue sur une saline argentine.

Les salines sont une importante source de lithium en Argentine.

Photo : Reuters / AGUSTIN MARCARIAN

La plupart des compagnies de lithium sont étrangères, soit australiennes, chinoises, européennes ou canadiennes. Elles versent très peu de redevances pour l'exploitation de la ressource, 8 % seulement, contre 20 et 40 % en Bolivie et au Chili, nous dit Camilo Palacios, ingénieur à l'institut de recherche CIMED de la province de Jujuy.

Le lithium brut est exporté sans aucune transformation. Non seulement le métal alcalin n’est pas transformé, mais il pollue.

Dans le village autochtone d’Olaroz, dans les Andes, on trouve de gigantesques gisements de lithium dans les profondeurs des salines de la Puna. Les habitants de la localité refusent de nous parler, et on y sent une sorte de malaise. Beaucoup sont employés par les entreprises productrices de lithium, alors que d’autres de leurs compatriotes s’opposent à l’exploitation du lithium en raison de ses effets sur leur environnement.

Le lithium, ça ne se mange pas, mais l’eau, on la boit, dénonce la présidente de la communauté autochtone Santuario de Tres Pozos Kolla, Veronica Chavez.

Un homme tient une pancarte.

« L'eau est la vie, pas le lithium », peut-on lire sur cette affiche brandie par un manifestant le 8 août 2023, lors d'une manifestation à Buenos Aires.

Photo : AP / Victor R. Caivano

La Puna est l’endroit le plus sec du monde où on gaspille des quantités d’eau pour extraire, par évaporation, de la saumure, le carbonate de lithium. Les résidus polluent l’environnement pour toujours.

Une citation de Camilo Palacios, ingénieur au CIMED

Au CIMED, Camilo met au point une façon plus économique et écologique d’exploiter le lithium, de l’extraction au recyclage des batteries. Il travaille à un procédé d’électrolyse qui économiserait l’eau sans produits chimiques et en valorisant les résidus de magnésium et de borax.

Comme plusieurs, il doute de l’intérêt du président Javier Milei pour l’environnement, lui qu'on a déjà décrit comme climatosceptique.

Et ce n’est pas tout : l'Argentine est dans la course mondiale pour les réacteurs nucléaires modulaires d’ici 2030. Ce n’est pas un hasard, dit l’ingénieur nucléaire Juan Ignacio Arroyo, c’est le fruit de 70 ans de recherche, de design et d'opération de centrales nucléaires, dont une sur le modèle CANDU du Canada.

De nouveau une grande puissance?

Juan Ignacio Arroyo a une vision positive de l’avenir énergétique et économique de l’Argentine : Vaca Muerta va jouer un rôle très important pour régler les problèmes économiques de l’Argentine. Ce sera une source de précieux dollars. Il y a de quoi être optimiste. C’est comme si d’un coup on avait rebattu les cartes de l’Argentine; les possibilités sont excellentes.

Le jeu de cartes, Javier Milei est en train de le battre. Le président argentin penche du côté de la privatisation à outrance, alors que l’État argentin a une longue tradition, certainement excessive, d’intervention dans l’économie.

Javier Milei brandit une pancarte montrant son visage sur un billet de 100 $ US.

Le président Javier Milei lors de sa campagne électorale

Photo : AP / Nicolas Aguilera

Le soir de sa victoire, Javier Milei a dit : Nous allons adopter le modèle de la liberté pour redevenir une puissance mondiale.

Oui, l’Argentine a déjà été une puissance mondiale. L’élégance de sa capitale, Buenos Aires, en témoigne. Le pays demeure une puissance agricole qui exporte beaucoup de soja et de bœuf. Javier Milei va disposer de nouveaux atouts majeurs : le gaz, le pétrole, le lithium et l’énergie nucléaire.

Des atouts qu’il ne faut pas gaspiller.

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